Bangkok, aller simple.
J'attendais ce voyage avec impatience. Nous sommes dans l'avion pour la
Tha?lande, avec ma petite amie Chlo?, sa tante St?phanie et sa m?re
Sandrine.
Je tiens la main de ma copine. Elle est moite. Je sais que Chlo? est
morte de peur, m?me si elle ne le montre pas. Oh, elle n'a pas peur de
l'avion, enfin, je ne crois pas. En r?alit? c'est le but de notre voyage
qui l'angoisse. Chlo? va subir une op?ration de changement de sexe. Elle
va devenir une v?ritable jeune femme. En effet, ma petite amie Chlo?
?tait autrefois mon ami d'enfance Antoine.
C'est sa m?re qui a offert ce voyage ? Chlo? pour ses dix-huit ans, et
j'ai la chance de pouvoir les accompagner.
Il y a quelques jours ? peine, nous f?tions l'anniversaire de ma copine.
Elle ?tait ravie d'?tre enfin majeure et de pouvoir enfin envisager
mener sa vie comme elle l'entendait.
Chlo? ouvrait ses cadeaux et remerciait tout le monde avec un sourire
?clatant. Elle n'en finissait pas d'ouvrir des paquets qui contenaient
des robes, de la lingerie, des chaussures, du parfum, et tant d'autres
choses dont r?vent les jeunes filles. J'?tais sans doute le seul dans
l'assembl?e ? discerner dans le regard de ma copine un profond
d?sespoir, qu'elle cachait parfaitement bien.
Chlo? ?clata en sanglots quand elle ouvrit l'enveloppe que sa m?re lui
tendait et y d?couvrit un carton sur lequel ?tait ?crit: "Bon pour une
op?ration de chirurgie de r?attribution sexuelle - H?pital de Bangkok -
Tha?lande".
Toute l'assembl?e applaudit, ravie de voir les larmes de joie de Chlo?.
Les personnes pr?sentes savaient toutes qu'elle ?tait une fille dans le
corps d'un gar?on depuis son coming-out officiel quand elle avait quinze
ans.
J'?tais sans doute le seul dans l'assembl?e ? savoir que les larmes de
ma copine ?taient en r?alit? une manifestation de d?sespoir. Je savais
qu'Antoine n'avait en r?alit? jamais choisi de devenir Chlo?, mais que
c'?tait sa m?re qui l'avait pouss? dans cette voie.
Voyant que Chlo? allait se sentir mal, je l'accompagnais dans sa
chambre. Au passage, de nombreuses personnes me salu?rent et me
f?licit?rent. Pour elles, j'?tais l'ami fid?le qui avait le premier
accept? la diff?rence de Chlo?. Pour elles, j'?tais un exemple de
tol?rance et de patience. Pour toutes ces personnes, j'?tais une sorte
de h?ros, de gendre id?al. Je savourais ce r?le, m?me s'il s'agissait
d'un terrible mensonge.
Dans l'avion, je regarde le joli visage de Chlo? qui semble apais?. Elle
vient de s'endormir. Je lui caresse les cheveux, et je me souviens
comment tout a commenc?...
.................
J'ai rencontr? Antoine pour la premi?re fois ? l'?cole primaire. Nous
habitions tr?s pr?s l'un de l'autre. Ainsi, chaque jour, nous
empruntions ensemble le chemin de l'?cole. Cette habitude fut sans doute
? l'origine de notre amiti?. Nous partagions toutes nos d?couvertes,
tous nos jeux, tous nos r?ves.
A cette ?poque, nous n'?tions que des gamins ordinaires.
C'est ? notre entr?e au coll?ge, alors que nous ?tions encore pr?-
adolescents, que je commen?ais ? me rendre compte que mon ami Antoine
?tait diff?rent de mes autres amis. A cet ?ge ingrat o? les enfants
peuvent se montrer particuli?rement cruels avec ceux qui sont
diff?rents, Antoine devint rapidement la t?te de turc de notre classe.
Dans l'innocence de l'enfance, je n'y avais pas pr?t? attention avant,
mais mon ami n'?tait pas tout-?-fait comme les autres gar?ons. Il ?tait
le plus petit de la classe, donc une victime toute d?sign?e pour les
quolibets des imb?ciles, dont, je dois l'avouer, je fis partie pendant
un temps.
Antoine avait toujours eu des cheveux longs, ce que je trouvais
particuli?rement cool, mais sa coiffure soign?e lui donnait des airs de
fille. De plus, il portait le plus souvent les anciens v?tements de
Manon, sa grande s?ur. Ce n'?taient que des habits unisexes, des
pantalons, des pulls, des tee-shirts, ou des baskets, mais le fait que
sa s?ur les avait port?s avant lui ?tait suffisant pour attirer les
moqueries. Je soup?onne d'ailleurs Manon d'avoir contribu? ? faire
savoir dans le coll?ge que son petit fr?re portait ses v?tements.
Pendant longtemps, je participais joyeusement aux plaisanteries dont
Antoine ?tait la victime. Je ne me rendais pas compte ? cette ?poque ?
quel point il en souffrait. Il n'en parlait pas, et pourtant, nous
empruntions toujours ensemble, matin et soir, le chemin du coll?ge.
Je pris la d?fense d'Antoine un jour o? j'estimai que les choses ?taient
all?es trop loin. Un jour, pendant une r?cr?ation, je vis un
attroupement au niveau des toilettes. En m'approchant, je me rendis
compte que plusieurs jeunes entouraient mon ami, dont le pantalon ?tait
baiss?, et se moquaient de ses sous-v?tements. Il portait une petite
culotte de fille en coton.
Mon ?ducation m'interdisait d'accepter que l'on puisse pers?cuter une
personne pour ses choix personnels ou intimes. Et quoi de plus intime
que des sous-v?tements? J'?tais choqu? par le comportement de mes
camarades. C'est pourquoi je pris mon courage ? deux mains et
j'intervins pour faire taire les railleries et j'aidai mon ami ?
remonter son pantalon. Heureusement, mon intervention vigoureuse prit
tout le monde par surprise et personne ne r?agit. J'avais eu tr?s peur
d'avoir ? me battre.
Un peu plus tard, en reparlant de cet incident avec Antoine, je lui
demandai pourquoi il portait des v?tements et des sous-v?tements
f?minins. Je sentais bien qu'il ?tait g?n? d'aborder ce sujet. Il
m'expliqua sur le ton d'une le?on apprise par c?ur que ces affaires
n'?taient pas f?minines, mais unisexes. C'est vrai que m?me sa petite
culotte n'?tait pas plus ridicule que certains mod?les de slips ou
cale?ons informes que nous portions tous. Antoine ajouta que c'?tait
essentiellement par soucis d'?conomies qu'il ?tait oblig? de r?utiliser
les affaires de sa s?ur Manon, qui avait trois ans de plus que lui.
Cette derni?re explication me sembla ?trange. Je savais qu'Antoine ne
vivait pas dans la pauvret?. Depuis la s?paration de ses parents, il
vivait avec sa m?re et sa s?ur chez sa tante, qui ?tait m?decin. Sa m?re
avait un bon emploi elle aussi, et elle touchait une belle pension
alimentaire de son ex-mari. Mais, apr?s-tout, le fait d'?tre ais?
n'emp?che pas de vouloir faire des ?conomies.
Quelques semaines plus tard, j'allais chez Antoine pour lui rendre un
livre qu'il m'avait pr?t?. J'avais d?j? ?t? chez lui souvent, mais
c'?tait la premi?re fois que j'allais le voir sans pr?venir. Le livre
?tait un "Harry Potter". Je savais qu'il poss?dait toute la collection,
et j'avais h?te de lire la suite.
Sa m?re sembla surprise en m'ouvrant la porte. En h?sita quelques
instants avant de m'expliquer qu'Antoine ?tait puni. J'?tais tr?s d??u
de ne pas pouvoir voir mon ami, enfin, surtout de pas pouvoir r?cup?rer
imm?diatement le livre esp?r?. J'allais repartir quand elle me retint:
"Bon, bon, j'appelle Antoine, mais s'il te pla?t, ne soit pas trop
surpris. Sa punition va te sembler originale, sans doute m?me
bizarre..."
Ella appela son fils, qui vint nous rejoindre peu apr?s. Je serais
incapable de dire lequel de nous deux fut le plus g?n? de voir l'autre ?
cet instant. Il ?tait habill? en petite fille! Cette fois, il ne
s'agissait absolument pas de v?tements unisexes. Il portait une robe
rose orn?e de petits rubans, un n?ud dans les cheveux, des collants fins
blancs et des ballerines roses. Sous le choc d'?tre vu dans cette tenue,
il se mit ? pleurer:
"Maman! Tu avais promis! C'?tait un secret!"
"Allons, mon ch?ri, c'est ton meilleur ami, tu ne cesses de le r?p?ter.
Si tu ne partages pas tes secrets avec tes meilleurs amis, alors avec
qui?"
J'?tais effar? de voir mon ami dans cette tenue. J'avais l'impression de
voir une autre personne. Devant mes yeux, il n'y avait plus mon copain
Antoine, mais une adorable petite fille. Sous le coup de la surprise,
j'?tais incapable de parler. Sa m?re se tourna vers moi:
"D'ailleurs, ton ami va nous promettre de garder le secret. N'est-ce-
pas?"
Elle me parlait avec un grand sourire, mais le ton qu'elle employait
?tait tr?s autoritaire. Je bredouillais:
"Oui, oui, je vais garder le secret, promis!"
Encore chamboul?, je rentrais chez moi avec le livre esp?r?, mais je fus
incapable de commencer ? le lire. Je ne me remettais pas de la vision de
mon ami habill? en fille. J'y pensais durant toute la journ?e. Le soir,
pendant le repas, je ne touchais pas mon assiette. Ma m?re, inqui?te, me
demanda si j'?tais malade. Comme je maugr?ais sans r?pondre clairement,
elle insista longuement pour savoir ce qui me pr?occupait. Je quittai la
table en criant:
"Fiche-moi la paix! Je ne peux pas le dire. J'ai promis de garder le
secret!"
Evidemment, maman savait que j'avais ?t? chez Antoine plus t?t dans la
journ?e. Elle ne mit pas longtemps pour comprendre d'o? venait mon
trouble, et elle appela Sandrine, la m?re de mon ami. Elle resta au
t?l?phone pendant plus d'une heure avant de venir me rejoindre dans ma
chambre:
"J'ai parl? avec la m?re d'Antoine. Elle m'a expliqu? qu'elle utilise
une vieille m?thode d'?ducation qui a fait ses preuves. En anglais, on
appelle ?a 'petticoat punishment'... La punition par le jupon."
"Ouais, c'est quoi cette punition? C'est dingue!"
"Non, ce n'est pas dingue! Dans le temps, dans les bonnes familles, les
gar?ons ?taient habill?s en robe pendant une grande partie de leur
enfance. A cette ?poque, c'?tait normal."
"Ouais... Mais on n'est au vingt-et-uni?me si?cle!"
Maman prit un ton plus s?v?re:
"Ce n'est pas parce que quelque chose est ancien que ce n'est plus
valable! Tu n'as pas ? juger les m?thodes d'?ducation des parents de tes
amis. Moi, j'ai plut?t l'impression que cette m?thode est efficace. Je
me demande d'ailleurs si je ne devrais pas l'utiliser avec toi!"
Je n'osais plus rien dire. J'?tais scandalis? que l'on puisse humilier
ainsi un gar?on. Mais j'?tais soudain effray? par ce que ma m?re venait
de dire. Moi? Habill? en fille? Jamais!
Ma m?re me fit promettre une nouvelle fois de garder le secret de mon
ami.
J'allais tenir ma promesse. De plus, dans les semaines qui suivirent, je
me comportais comme un gar?on mod?le. J'?tais bien trop effray? que ma
m?re ne s'inspire des m?thodes d'?ducation de Sandrine pour me les
appliquer ? moi!
Antoine et moi faisions toujours le chemin du coll?ge ensemble chaque
matin. Pourtant, pendant plusieurs jours, nous marchions en silence.
Antoine semblait attendre de savoir s'il pouvait vraiment avoir
confiance en moi. De mon c?t?, j'?tais trop g?n? moi aussi pour engager
une conversation normale.
Heureusement, au bout d'un certain temps, nous recommencions ? nous
d?tendre et ? retrouver nos anciennes habitudes.
Les semaines et les mois suivants se d?roul?rent sans incident notable.
Parfois, le week-end, quand j'allais voir Antoine, pour faire nos
devoirs ensemble, ou pour jouer, il m'accueillait habill? en fille.
Progressivement, je m'y habituais, et Antoine ?galement. Pourtant, je
m'?tonnais de le savoir puni aussi souvent. C'?tait un si gentil gar?on!
Le temps passait. Nous grandissions. Nos centres d'int?r?ts
changeaient...
Une chose ne changeait pas. Nos camarades de classe restaient
particuli?rement odieux avec Antoine. La plupart des ?l?ves l'appelaient
derri?re son dos "la tapette". Il faut dire que le pauvre ne pouvait
rien faire pour faire taire les quolibets. Sa m?re lui imposait des
tenues et des accessoires qui le faisaient sembler de plus en plus
eff?min?. En hiver, il portait des collants sous ses pantalons, ce qui
n'?chappait pas aux yeux des plus observateurs. D'autant plus qu'avec le
temps, les couleurs des collants devenaient de plus en plus voyantes.
Elles ?volu?rent d'un discret noir ou bleu marine vers du rouge, du
blanc, voire m?me du rose.
Pour ses treize ans, Antoine re?ut une paire de boucles d'oreilles. Bien
s?r, d'autres gar?ons portent comme lui des mini-cr?oles, mais le reste
de leur apparence est en g?n?ral bien virile.
Les filles de notre classe ne tard?rent pas ? remarquer d'autres d?tails
qui avaient ?chapp? aux gar?ons. Les sourcils d'Antoine ?taient
progressivement ?pil?s en une arche de plus en plus fine. De plus, ses
ongles ?taient soign?s et vernis. C'?tait un verni transparent que je
n'avais pas remarqu?, mais qui n'avait pas ?chapp? aux filles.
Heureusement pour mon ami, suite ? ces derni?res ?volutions, plusieurs
filles de la classe se rapproch?rent de lui. Gr?ce ? elles, il se
sentait moins seul, mais je restais son seul ami, ou plus exactement le
seul gar?on parmi ses amis.
Un samedi matin, en rentrant du coll?ge, je proposais ? Antoine d'aller
au cin?ma l'apr?s-midi pour voir le dernier film d'action ? la mode.
Nous passions souvent ainsi nos samedis ensemble, mais ce jour-l?, les
choses allaient ?tre diff?rentes. Comme toujours, je suivis Antoine chez
lui pour demander l'autorisation de sortie ? sa m?re. Celle-ci me
proposa de les rejoindre dans un salon de th? vers seize heures. Elle
m'expliqua qu'Antoine avait rendez-vous chez le coiffeur en d?but
d'apr?s-midi. Je n'y voyais aucun inconv?nient, et j'acceptai
joyeusement.
Plus tard, dans l'apr?s-midi, en entrant dans le salon de th?, je n'en
crus pas mes yeux. Je parvins difficilement ? reconnaitre Antoine, et
uniquement parce qu'il ?tait avec sa m?re.
Ses cheveux enjoliv?s de quelques m?ches d?color?es ?taient ramen?s
derri?re ses oreilles d'o? pendaient de longues boucles d'oreilles. Ses
yeux verts ?taient magnifiques, mis en valeur par un savant maquillage.
Ses l?vres brillaient d'un rose nacr?, de la m?me couleur que ses
ongles. C'?tait la premi?re fois que je voyais mon ami porter du
maquillage. De plus, il portait une ?l?gante robe d'adolescente de
couleur ?meraude et des ballerines vernies de la m?me couleur. Ses
jolies jambes ?pil?es ?taient mises en valeur par un collant fin tr?s
clair.
J'avais d?j? vu plusieurs fois mon ami habill? en petite fille, mais l?,
c'?tait diff?rent. Il ressemblait ? une adolescente. Il, je devrais dire
elle, ?tait magnifique, et m?me excitante. La m?re d'Antoine me fit
assoir et m'annon?a ? voix basse:
"Quand nous sommes ainsi en public, il vaut mieux ne pas l'appeler
Antoine. Tu comprends, n'est-ce-pas?"
"Euh, oui, bien s?r!"
"Parfait, je te pr?sente Chlo?. C'est le pr?nom que je lui aurait donn?
? sa naissance si elle avait ?t? une fille."
Elle nous offrit ensuite un chocolat chaud et une part de g?teau avant
de nous laisser seuls, nous recommandant "d'?tre sages".
C'?tait la premi?re fois que j'?tais en public avec mon ami habill? en
fille. Il avait l'air terroris?. Je posais ma main sur la sienne, en
essayant de le rassurer, tout en me rendant aussit?t compte en
rougissant que je n'aurais jamais fait un tel geste s'il avait ?t? en
gar?on.
Il se leva, emportant son petit sac ? main assorti ? ses chaussures:
"Allons-y, je crois que je me sentirais mieux au cin?ma, dans le
noir..."
Peu apr?s, alors que nous marchions vers le cin?ma, j'admirais comment
mon ami se d?pla?ait, faisant bouger les volants de sa petite robe de
mani?re tr?s f?minine. J'avais beau chercher, je ne trouvais aucun
indice qui pouvait laisser supposer qu'il ?tait un gar?on.
J'aurais voulu lui poser des milliers de questions sur ce qu'il
ressentait, sur les raisons qui pouvaient pousser sa m?re ? le traiter
de cette mani?re, mais je n'osais pas. En approchant du cin?ma, Antoine,
ou plut?t Chlo? me prit brusquement par la main et nous fit faire un
d?tour par une ruelle. Elle avait vu un groupe de jeunes de notre
coll?ge, et elle ?tait terroris?e ? l'id?e d'?tre reconnue. J'avoue que
j'?tais de son avis. J'avais moi aussi peur d'?tre vu dans ces
circonstances.
Chlo? ne me l?cha plus la main avant d'entrer au cin?ma. J'?tais partag?
entre le sentiment de fiert? d'avoir ? mes c?t?s une aussi jolie fille,
et une profonde g?ne de voir ainsi mon meilleur ami.
A la fin du film, qui m'avait fait oublier pendant un moment ma g?ne, je
pris Chlo? par la main et la raccompagnais chez elle, en faisant
plusieurs d?tours pour ?viter de rencontrer des personnes qui nous
connaissaient. Nous ?tions tous deux soulag?s en entrant chez elle. Sa
m?re nous accueillit:
"Bonsoir, mes enfants. Vous avez pass? un bon apr?s-midi?"
"Oui, merci."
"Bien Chlo?, tu vas remercier ton ami!"
Chlo? se tourna vers moi, et les yeux baiss?s, me dit un timide "merci".
Sa m?re insista:
"Allons, tu peux faire mieux que cela, Qu'est-ce que je t'ai appris?"
Ainsi, Chlo? se pencha vers moi et m'embrassa sur la joue.
Le lundi suivant, je retrouvais mon ami Antoine pour aller en cours. Ses
longs cheveux ?taient coiff?s en queue de cheval, et il ?tait habill? en
gar?on. Il ne portait plus de trace de maquillage, et seuls de discrets
boutons dor?s ornaient ses oreilles. Aucun d'entre nous n'osa parler de
ce que nous avions v?cu.
Les mois suivants, je continuais ? voir Antoine tous les jours, mais je
m'?loignais quelque peu de lui pour m'int?resser aux filles de notre
coll?ge. J'?tais tr?s attir? par une petite brune nomm?e Lucille, avec
qui je pratiquais un flirt tr?s pouss?. Elle devint ma premi?re petite
amie, alors que nous venions tous les deux d'avoir quatorze ans.
De son c?t?, Antoine ne restait pas seul. Il avait ?t? "adopt?" par un
petit groupe de filles. Parmi elles, il y avait surtout une rouquine
nomm?e L?a, qui lui tenait la main, lui faisait r?guli?rement des
bises... Et, apr?s quelques semaines, je vis pour la premi?re fois
Antoine et L?a s'embrasser sur la bouche. J'?tais content pour mon ami.
Il montrait ? tout le monde qu'il n'?tait pas une "tapette", comme ils
disaient.
Au coll?ge, Antoine se comportait toujours en gar?on, surtout quand il
?tait avec sa petite amie L?a. Pourtant, son apparence ?tait de plus en
plus androgyne. Ses v?tements ?taient de moins en moins unisexes. Des
corsaires moulants ou des leggings prenaient la place de ses pantalons.
Ses pulls et ses tee-shirts ?taient de plus en plus color?s.
Progressivement, Antoine abandonna d?finitivement les v?tements de
gar?on. Ses chemises ?taient remplac?es par des chemisiers f?minins. Il
faut ?tre attentif pour remarquer que le sens de boutonnage n'est pas le
m?me sur une chemise "unisexe", mais l?, il n'y avait aucun doute. Les
cols ronds, les petits n?uds, les rubans ou les broderies sur les
chemisiers ?taient des caract?ristiques incontestablement f?minines.
Au printemps, les chemisiers de plus en plus fins laissaient deviner
qu'Antoine portait des caracos bord?s de dentelles en dessous.
Les chaussures d'Antoine ?taient elles aussi de plus en plus f?minines.
Il abandonna les baskets pour des derbies blanches, ou parfois des
bottines ? petits talons.
Les personnes qu'Antoine croisait l'appelaient de plus en plus souvent
"mademoiselle".
Tout cela ne semblait pas d?ranger L?a. Au contraire!
Un jour o? le hasard me permit de parler avec elle en t?te ? t?te, notre
conversation se concentra ?videmment sur notre ami commun. Pour L?a,
Antoine ?tait un adorable gar?on eff?min?. Rien dans ce qu'elle me dit
ne me laissait supposer qu'elle savait qu'il ?tait forc? par sa m?re de
s'habiller en fille. Je d?duisis m?me de ce que L?a me disait n'avait
jamais vu son petit ami en jupe ou en robe.
Mise ? part sa famille, j'?tais toujours le seul ? connaitre son secret.
Pendant quelques temps, je crus que mon ami avait chang?, que ses go?ts
avaient ?volu?, que c'?tait d?sormais son choix de porter des v?tements
f?minins. Pourtant, ce n'?tait pas le cas. Il me le confirma un dimanche
o? j'?tais chez lui, et o? une fois de plus, il ?tait en Chlo?, avec une
jolie robe, une coiffure sophistiqu?e, et du maquillage.
Pour tout le monde, Antoine ?tait un gar?on eff?min? qui cultivait
volontairement un look androgyne.
Les mois passaient, bient?t, nous allions quitter le coll?ge pour le
lyc?e. Tout allait bien entre ma petite amie Lucille et moi, m?me si
parfois, elle se montrait jalouse du temps que je passais avec Antoine.
C'est vrai qu'avec l'approche du brevet, je passais souvent une partie
de mes week-ends avec lui pour r?viser ensemble.
Un dimanche, j'?tais avec mon ami pour reprendre nos cours de math. Il,
ou plut?t elle, portait une tenue de coll?gienne, avec la petite jupe
pliss?e, le chemisier ferm? au col par un ruban, la veste blazer, les
chaussettes qui montaient au-dessus des genoux, et les petites
ballerines noires. Ses cheveux ?taient ?l?gamment attach?s, mais elle ne
portait pas de maquillage.
Une fois de plus, apr?s avoir tourn? la t?te pour v?rifier que nous
?tions seuls, Antoine-Chlo? me dit:
"Tu as de la chance. Personne ne t'oblige ? ?tre ce que tu n'es pas. Tu
peux rester un gar?on... Un homme!"
Je lui mis ma main sur l'?paule:
"Bas! Il ne faut pas t'en faire. Tout cela s'arr?tera un jour. Et puis,
tu as une petite amie, ?a va bien avec L?a, non?"
"Oui, heureusement qu'elle est l?... Mais au fond, je crois qu'elle aime
bien elle aussi mon c?t? fille. Je crois que si je pouvais me comporter
en vrai mec, elle me quitterait... Il n'y a que toi qui sait ? quel
point c'est dur pour moi."
"Patience! Nous attendons tous le moment o? nous serons adultes et o?
nous ferons ce que nous voudrons! Tu sais, ma vie n'est pas non plus
rose tous les jours!"
Mon ami me regardait en silence, comme s'il esp?rait que je lui donne
une solution miracle pour son probl?me:
"Et puis bient?t, avec l'?ge, tu vas devenir plus masculin, ta voix va
devenir plus grave... Ce serait ridicule de te forcer ? t'habiller en
robe quand tu commenceras ? avoir de la barbe. M?me ta m?re sera bien
oblig?e de reconnaitre que tu es un gar?on!"
Des larmes commen?aient ? couler sur les joues de mon ami:
"Non, ?a n'arrivera pas..."
"Et pourquoi pas? Tu as l'?ge... Bon c'est vrai que la pubert? commence
plus ou moins tard selon les individus, mais ?a finira par t'arriver,
comme pour moi, ou pour tous les copains!"
"Non, ?a n'arrivera pas... Ma tante me fait prendre des m?dicaments pour
?a!"
Sous le choc d'une r?v?lation aussi incroyable, je ne dis plus rien. Je
pris mon ami dans mes bras, et il pleura sur mon ?paule.
Je n'arrivais pas ? croire que sa m?re et sa tante pouvaient infliger un
tel traitement ? Antoine. Je ne parvenais pas ? concevoir une telle
chose. Je ne savais m?me pas que de tels m?dicaments pouvaient exister.
Un moment, je doutais m?me de la sant? mentale de mon ami.
Plus tard, je fis des recherches sur internet pour d?couvrir que de tels
traitements hormonaux existent vraiment. Dans la semaine, j'allais voir
St?phanie, la tante d'Antoine, et accessoirement mon m?decin traitant.
Pr?textant une consultation ordinaire, je lui demandais des explications
sur le traitement qu'elle donnait ? mon ami. D'abord d?stabilis?e, elle
me r?pondit s?chement que c'?tait elle, le m?decin, et qu'elle savait ce
qu'elle faisait. Puis elle se reprit, et commen?a ? me donner des
explications. Petit ? petit, avec une d?monstration ?tay?e de termes
m?dicaux auxquels je ne comprenais pas grand-chose, elle m'expliqua
qu'Antoine avait besoin de ce traitement. St?phanie m'expliqua que
c'?tait un traitement exp?rimental venu des Etats-Unis, o? de nombreux
gar?ons trop agressifs avaient ?t? calm?s gr?ce ? ces m?dicaments.
J'osais timidement r?pliquer:
"Mais Antoine n'est pas agressif du tout!"
"C'est bien la preuve que le traitement fonctionne!"
Elle ajouta pour me rassurer que ce traitement pouvait ?tre arr?t? ?
tout moment sans laisser de s?quelles.
Compl?tement chamboul? par les explications, qui me semblaient pourtant
extravagantes, de St?phanie, je rentrais chez moi. J'?tais incapable
d'avoir une opinion claire sur tout cela.
Arriv? chez moi, ma m?re me gronda s?v?rement. Elle venait de recevoir
un coup de t?l?phone de St?phanie. En criant, elle me dit de ne pas me
m?ler des affaires des autres. Si un m?decin, de plus membre de sa
famille, donnait des m?dicaments ? Antoine, c'?tait forc?ment pour son
bien.
Le lendemain, Antoine, qui semblait boulevers?, me demanda lui aussi de
"m'occuper de mes affaires". Je compris ? demi-mot qu'il avait ?t?
s?v?rement puni apr?s mon intervention chez sa tante. En pleurant, il me
demanda de le laisser tranquille, de ne plus chercher ? le revoir.
Atterr?, je promis ce qu'il me demandait.
La fin de l'ann?e scolaire fut lugubre. Je m'effor?ais de respecter la
volont? de mon ami, et, quand je le croisais, je changeais de direction.
Heureusement, il ne restait que quelques jours ? passer au coll?ge. Je
passais avec succ?s le brevet.
Ensuite, je m'effor?ais de savourer mes vacances d'?t? avec ma petite
amie Lucille. Pourtant, celle-ci n'?tait pas dupe. Elle voyait bien que
je pensais souvent ? Antoine, ce qui l'irritait particuli?rement.
Enfin, ce fut la rentr?e. J'entrais au lyc?e, bien d?cid? ? me
construire un bel avenir.
Pendant une pause, je reconnus parmi un groupe de filles L?a, la petite
amie d'Antoine. Je m'approchais d'elle et la saluais. Elle semblait
ravie de me voir et me fit la bise, puis, d?signant la fille ? sa
droite, elle me demanda:
"Tu connais Chlo??"
Je n'en crus pas mes yeux en d?couvrant cette magnifique blonde aux yeux
verts. C'?tait mon ami Antoine! L?a prit Chlo? par le bras, comme pour
l'emp?cher de prendre la fuite, et me raconta ? voix basse:
"Chlo? a fait son coming-out l'?t? dernier. Elle vit en fille d?sormais!
L'administration du lyc?e a accept? de l'inscrire comme une vraie
fille!"
Bouche-b?e, je regardais Chlo? de la t?te aux pieds. Ses cheveux blonds
d?color?s tombaient en boucles sur ses ?paules, son visage ?tait
d?licatement maquill?. Comme une ?l?ve mod?le, elle portait un chemisier
strict, avec un jabot en dentelles, et une petite jupe noire qui lui
arrivait ? mi-cuisses. Ses jambes gain?es de collants fins semblaient
interminables, allong?es par des escarpins noirs ? talons hauts. Elle
portait une pile de livres contre sa poitrine, dans une posture
typiquement f?minine. Elle baissait les yeux.
Je la saluais, assez froidement:
"Bonjour Chlo?, comment vas-tu?"
"Je vais bien, merci."
Je croisai un bref instant son regard, et j'y lus une profonde
tristesse. Afflig?, et me souvenant de ma promesse, je m'?loignais:
"Bon, j'ai ?t? content de vous revoir... Il faut que j'y aille. Salut!"
Les jours suivants, j'essayais de me concentrer sur mes cours, mais j'en
?tais incapable. Je ne cessais de penser ? Antoine, ou peut-?tre ?
Chlo??
Ma copine Lucille, qui sentait bien que j'?tais renfrogn?, insista pour
que je lui parle de mes soucis. Quand je lui racontai ma rencontre avec
Chlo?, elle me fit une crise de jalousie:
"Encore? Ma parole, tu es amoureux! Tu en ?tait d?j? amoureux quand il
se faisait appeler Antoine!"
En entendant de telles inepties, je me mis en col?re. Ce fut ma dispute
la plus violente avec Lucille. Comment pouvait-elle penser de telles
choses? Comment pouvais-je ?tre amoureux de mon copain d'enfance?
C'?tait n'importe quoi!
C'?tait n'importe quoi... Mais alors, pourquoi je ne cessais pas de
penser ? Chlo??
Quelques jours plus tard, je profitais d'une rencontre fortuite avec L?a
pour lui parler de Chlo?:
"Tu as dit l'autre jour que tu as assist? au coming-out de Chlo?. Tu
peux me le raconter?"
"Oh oui, c'?tait une sacr?e f?te! Au d?but de l'?t?, soi-disant pour
c?l?brer notre brevet, j'?tais invit?e chez Antoine avec les autres
filles de notre petite bande. Sa m?re nous a accueilli, et nous a fait
assoir au salon. Elle disait que nous allions avoir une surprise. C'est
alors qu'Antoine est entr? avec sa s?ur qui le tenait par la main. Il
?tait habill? en fille, avec une jolie robe d'?t? fleurie et des
sandales ? talons. Il ?tait maquill?, ses ongles ?taient vernis, il
portait des bijoux... Sa m?re dit qu'Antoine avait quelque chose ? nous
annoncer."
"Et Antoine a dit qu'il voulait devenir une fille?"
"Oui! Enfin non! Le pauvre, il ?tait tellement intimid? qu'il ?tait
incapable de dire un mot. C'est sa s?ur, Manon, qui nous a annonc? la
nouvelle, et qui nous a dit qu'on devait l'appeler Chlo?!"
"Et tu n'as pas ?t? surprise? Tu ?tais la petite amie d'Antoine!"
"Oui, j'?tais sa petite amie... Enfin, on ne faisait que flirter. Deux
ou trois fois, j'ai bien essay? de faire l'amour avec lui, mais il a en
?t? incapable. C'?tait ?vident qu'il n'aimait pas les filles. Du coup,
on a rompu, mais on est rest? bonnes amies!"
J'avais envie de dire que l'impuissance d'Antoine ?tait certainement
provoqu?e par le traitement qu'il ?tait forc? de prendre par sa m?re et
sa tante. J'avais m?me envie de le hurler, mais je me taisais. L?a
continua ? me parler de Chlo?:
"Tu sais, sa tante est m?decin. Gr?ce ? elle, Chlo? peut b?n?ficier d'un
traitement hormonal. C'est compliqu? d'y avoir droit. Encore plus quand
on est mineur. On ne le voit pas encore, mais Chlo? commence ? avoir des
seins. J'?tais avec elle et sa m?re quand elle a essay? son premier
soutien-gorge. Elle ?tait toute ?mue, elle en pleurait, ?a faisait chaud
au c?ur de la voir si heureuse!"
J'?tais d?sol? de voir ? quel point L?a ?tait enthousiaste en parlant de
Chlo?. Elle croyait sinc?rement ? son bonheur. Je me contentais de
r?pondre, d'un air d?sabus?:
"Alors tout va bien, si Chlo? est heureuse..."
"Bon, pour ?tre sinc?re, elle n'est pas totalement heureuse."
"Ah?"
"Oui, tu lui manques. Elle parle tout le temps de toi!"
Boulevers? par cette derni?re information, je remerciais L?a et
m'?loignais, la laissant seule.
Les semaines suivantes, j'?vitais de croiser Chlo?.
D'un c?t?, je me sentais minable et impuissant de ne pas avoir pu
l'aider ? changer son destin. Parfois, dans mes d?lires solitaires, je
me voyais l'emporter loin de la folie de sa famille sur mon destrier
blanc. En revenant ? la r?alit?, j'?tais d'autant plus frustr? de n'?tre
qu'un adolescent que personne ne prenait au s?rieux. J'?tais certain
que, m?me si je d?non?ais sa m?re pour maltraitance, personne ne
m'?couterait. Sans doute, Chlo? elle-m?me m'en voudrait, parce que je
ferais ainsi du mal ? toute sa famille.
En m?me temps, je revoyais Chlo? en songe. Elle ?tait devenue si belle.
Ma copine Lucille avait-elle raison? Etais-je tomb? amoureux? Si je
souhaitais d?livrer Chlo? de l'influence n?faste de sa famille, n'?tait-
ce pas pour la garder pour moi seul?
En m'?garant dans ces pens?es, j'avais la sensation d'?tre devenu aussi
monstrueux que sa m?re!
Toutes ces id?es en conflit me torturaient l'esprit. Lucille se rendait
compte que je n'allais pas bien, mais quand elle essayait de me parler,
cela se terminait invariablement en dispute.
Ce n'est que plusieurs mois plus tard que les choses chang?rent
brusquement. Il y avait une grande f?te au lyc?e peu avant les vacances
de No?l. Presque tous les lyc?ens ?taient pr?sents, y compris Chlo?,
dans une somptueuse robe rouge bord?e de fourrure blanche. Je
l'observais discr?tement d'un coin de la salle, o? avec quelques
copains, nous buvions de l'alcool rapport? en cachette.
Une fois de plus je me disputais avec Lucille, qui voulait danser tandis
que je noyais ma mauvaise humeur dans l'alcool. F?ch?e, elle me laissa
seul dans mon coin, ce qui me convenait parfaitement. Je ne perdais pas
des yeux Chlo?, dont la robe d?collet?e ne cachait rien de ses formes.
Elle avait d?sormais de magnifiques petits seins, et la mani?re dont
elle bougeait ses fesses au rythme de la musique m'?moustillait au plus
haut point.
J'h?sitais longuement ? aller lui parler. Finalement, je renon?ais,
j'avalais un dernier verre et d?cidais de quitter la f?te. Au moment de
sortir, je jetais un dernier regard vers Chlo?, et je la vis aux prises
avec deux gar?ons qui l'entrainaient de force vers les toilettes. Dans
la foule, personne ne semblait avoir remarqu? cette agression.
Soudain dessaoul? par une pouss?e d'adr?naline, je courais vers les
toilettes, bousculant de nombreuses personnes sur mon passage. Arriv?
dans les couloirs sombres des sanitaires, je restai un instant
d?sorient?, avant d'entendre la voix de Chlo? dans les toilettes des
hommes. Je me pr?cipitai ? l'int?rieur pour d?couvrir une sc?ne
terrible. Chlo? ?tait maintenue ? genoux par les deux types, sa robe
?tait en partie d?chir?e, faisant apparaitre sa poitrine. L'un des
gar?ons d?grafait son pantalon en disant:
"Alors c'est vrai? Tu es un travelo? Il parait qu'il n'y a rien de
meilleur qu'une pipe de travelo. Suce-moi salope!"
Les deux gars ?taient plus ?g?s et plus grands que moi. Pourtant, je me
jetai sur eux en hurlant. J'envoyai un violent coup de poing ? celui qui
avait baiss? son pantalon, ce qui me fit horriblement mal ? la main,
mais qui ne sembla pas l'affecter beaucoup. Je ne me souviens pas de la
suite...
Je me r?veillai ? l'h?pital. Les deux types m'avaient litt?ralement
cass? la figure. J'allais apprendre plus tard qu'ils avaient pris la
fuite en me voyant ? terre, sans connaissance. A mon r?veil, je sentais
que quelqu'un me caressait la main. C'?tait Chlo?!
Malgr? mon visage tum?fi?, je parvins ? lui demander comment elle
allait:
"Bien, je vais bien. Ils n'ont pas eu le temps de me faire de mal...
Gr?ce ? toi!"
Avec mes yeux qui s'habituaient progressivement ? la lumi?re, je
d?couvris que Lucille ?tait l? elle aussi, ainsi que mes parents, et la
m?re de Chlo?.
Lucille s'approcha, elle ?changea un long regard avec Chlo?, puis
m'embrassa:
"Je crois qu'il vaut mieux que je vous laisse. Chlo? et toi avez
beaucoup de choses ? vous dire..."
Elle se redressa, et quitta la pi?ce. Elle venait de rompre avec moi.
Sandrine se pencha ? mon oreille:
"Merci d'avoir sauv? ma fille! Tu seras toujours le bienvenu ? la
maison!"
Elle quitta la chambre ? son tour, en entrainant mes parents, dans les
yeux desquels je lisais de la fiert?. Je restais seul avec Chlo?. Elle
restait l?, sans un mot, ? me caresser ma main ab?m?e. Elle resta ? mes
c?t?s jusqu'? l'heure de fermeture, et revint d?s le lendemain matin d?s
l'ouverture, et ainsi chaque jour jusqu'? ma sortie de l'h?pital. Nous
ne nous parlions pratiquement pas, nous ne faisions qu'?changer des
regards.
Ce n'est que le troisi?me jour que je parvins ? lui demander:
"Chlo?, tu es heureuse?"
"Oui, je suis contente que tu ailles mieux."
"Non, ce n'est pas ce que je voulais dire... Tu sais?"
"Oh oui, je comprends. C'est difficile d'en parler... Disons que je m'y
suis fait. Tout le monde me voit comme une fille, alors autant en ?tre
une pour de bon..."
"Alors c'est vraiment ce que tu veux?"
"Non, mais pour l'instant, je n'ai pas vraiment le choix. Je me suis
r?sign?e ? suivre ton conseil."
"Quel conseil?"
"Il y a quelques mois, tu m'as dit que je devais avoir de la patience.
Je vais attendre d'avoir dix-huit ans, et je trouverais bien ? ce
moment-l? un moyen... De changer de vie!"
"J'esp?re que je pourrais t'aider..."
"Merci, tu en as d?j? tellement fait pour moi, bien plus que tu ne
l'imagines! Tu veux bien qu'on soit amis de nouveau?"
"Il n'y a rien que je d?sire plus... Tu verras, Chlo?, euh, Antoine..."
"Chlo?! Ce sera moins compliqu?."
"Oui, pardon, Chlo?. Tu verras, plus rien ne pourra nous s?parer,
maintenant!"
Je sortais de l'h?pital pour No?l, que je f?tais en famille. Pour nouvel
an, j'?tais invit? dans la famille de Chlo?. J'avais mis mon plus beau
costume, que je n'avais port? qu'une fois avant, avec une cravate. La
m?re de Chlo? m'accueillit:
"On n'attendait plus que toi!"
Je fus surpris de d?couvrir que j'?tais le seul gar?on. L?a et sa bande
de copines ?tait pr?sentes elles aussi. Alors que je saluais tout le
monde, Chlo? sortit de la cuisine avec un plateau, qu'elle posa sur la
table avant de se tourner vers moi. Elle ?tait ?blouissante. A chacun de
ses gestes, sa petite robe d'un blanc immacul? se soulevait avec
l?g?ret?. Elle se d?pla?ait avec gr?ce sur une paire d'escarpins blancs
? talons d?mesur?ment hauts.
Elle s'approcha, h?sita un bref instant, puis me fit la bise.
En la regardant, je ne reconnaissais plus mon vieil ami Antoine. Il
semblait avoir d?finitivement disparu. La soir?e fut agr?able, m?me si
je ne me sentais pas toujours tr?s ? l'aise avec tant de filles et de
femmes autour de moi.
Au moment des v?ux, je fis la bise ? tout le monde, mais en me
retrouvant face ? Chlo?, je restai paralys?. L?a et ses copines nous
encourag?rent joyeusement ? nous embrasser. Chlo? se pencha et me fit la
bise, mais L?a et ses copines chantaient:
"Un baiser, un baiser, un baiser!"
Finalement, apr?s une nouvelle h?sitation, Chlo? me fit un petit
sourire, puis se pencha vers moi, la bouche en avant. Timidement, je
posai un rapide et chaste baiser sur sa bouche, d?clenchant les
applaudissements de tout le monde.
La fin de la soir?e fut heureusement plus calme.
Pendant les mois suivants, Chlo? et moi retrouvions notre vieille
complicit?. Nous passions tous nos moments de libert? ensemble. Malgr?
le froid, elle portait uniquement des jupes ou des robes. Elle
m'expliqua qu'apr?s son "coming-out", sa m?re avait jet? tous ses
pantalons ou ses affaires unisexes.
M?me quand elle n'?tait pas maquill?e, ce qui ?tait rare, elle ?tait
magnifique. Quand je la regardais, je ne voyais plus qu'une jeune femme
que je d?sirais. Pourtant, je n'arrivais pas ? lui dire, sans doute
parce que je me souvenais qu'elle avait ?t? mon copain Antoine. Souvent,
nous nous tenions par la main, nous nous faisions la bise pour nous
saluer... Rien de plus!
Je restais ainsi pendant des mois sans copine. Parfois, quand je
rencontrais une fille qui pouvait me plaire, je renon?ais ? tenter ma
chance avec elle, sans doute parce qu'inconsciemment, je la trouvais
moins attirante que Chlo?.
Parfois, le soir, je me masturbais dans le secret de ma chambre. A
chaque fois, apr?s avoir joui, je ressentais de la honte. J'avais honte
de ne pas avoir d'autre moyen pour atteindre le plaisir, mais surtout,
j'avais honte de ne pas pouvoir m'emp?cher de penser ? Chlo? quand je me
masturbais.
Ce n'est pas ce que je pus voir le jour des seize ans de Chlo? qui
allait calmer mes fantasmes. Ce jour-l?, j'?tais invit? chez L?a, qui
avait organis? la f?te d'anniversaire. Une fois de plus, j'?tais le seul
gar?on pr?sent. Mon statut de lyc?en ne me permettait pas de faire des
folies. J'offris donc ? Chlo? une simple bo?te de chocolats.
Quand je vis les autres cadeaux que re?ut mon amie, je me sentis
insignifiant avec mes chocolats.
Les filles s'?taient cotis?es pour offrir ? Chlo? un somptueux ensemble
de lingerie. Elles insist?rent pour qu'elle l'essaye tout de suite.
D'abord g?n?e, Chlo? se retira un instant dans la salle de bain avec
L?a. Quand elle revint, elle portait une gu?pi?re en dentelle de couleur
cr?me, avec la petite culotte assortie, et une paire de bas couleur
chair, fix?s ? deux paires de jarretelles. La gu?pi?re affinait sa
silhouette et remontait ses seins. Je pus m?me distinguer un t?ton, qui
d?passait un peu de la dentelle. La petite culotte, bien serr?e, cachait
? la perfection son v?ritable sexe. Les filles firent marcher Chlo? sur
ses talons aiguille comme un mannequin, et la firent tourner sur elle-
m?me plusieurs fois. Je n'avais jamais rien vu d'aussi beau et excitant,
sauf dans quelques revues sp?cialis?es. Face ? moi se tenait une image
de l'id?al f?minin!
Pendant tout ce temps, j'avais la sensation que, malgr? son sourire de
fa?ade, Chlo? ?tait tr?s g?n?e de se montrer ainsi en petite tenue,
surtout devant un gar?on... Surtout devant moi.
De mon c?t?, j'?vitais soigneusement de croiser le regard de Chlo?, de
peur qu'elle n'y lise le d?sir intense que je ressentais ? ce moment. Je
n'osais plus bouger, de peur que tout le monde voie l'?rection qui
d?formait mon pantalon.
Plus tard, apr?s la f?te, je raccompagnais Chlo? chez elle.
Heureusement, mon excitation ?tait retomb?e. J'aurais ?t? tr?s mal ?
l'aise si Chlo? s'en ?tait rendu compte.
Sur le chemin, je demandais ? mon amie comment elle se sentait. Apr?s un
silence, pendant lequel elle semblait chercher ses mots, elle me confia
avec une lucidit? surprenante:
"C'est dingue, il n'y a que toi ? qui je peux parler de ?a. L?a et les
autres me voient uniquement comme le pauvre gar?on qui se sent fille,
qui a choisi d'assumer pleinement sa f?minit?, au point de se comporter
comme une caricature de nana. Elles sont si gentilles avec moi, elles
disent qu'elles admirent mon courage, que je suis un mod?le pour elles.
Je ne sais pas si tu as remarqu?, elles copient mon look, ma mani?re de
m'habiller, ou de me coiffer... Mais m?me si elles se trompent sur moi,
sur mes sentiments ou mes d?sirs les plus profonds, elles sont mes
amies. Dans ma situation, je ne peux pas r?ver avoir de meilleures
amies... Leur enthousiasme est quand m?me plus agr?able que
l'intol?rance, les insultes, ou m?me la violence que je subis parfois."
J'?coutais en silence, mais quand elle parla de violence, je laissai
?chapper un soupir, me souvenant de mon passage ? l'h?pital. Elle
continua:
"Je r?fl?chis ? tout ?a depuis des mois. Ma m?re aussi, ? sa mani?re,
m'aime. Elle ne veut que mon bien. Elle est persuad?e que ma vie serait
plus simple, ou plus belle, si j'?tais une fille. Du coup, elle pense me
rendre service en m'obligeant ? vivre en fille, et elle est soutenue
dans cette id?e par ma tante St?phanie... Quand on y pense, beaucoup de
parents obligent leurs enfants ? faire des choses qu'ils croient bons
pour eux. Ils leur dictent leurs go?ts, leurs loisirs, leurs opinions,
leur religion... "
"Ouais, mais ils n'en arrivent pas ? donner ? leur enfant un traitement
pour changer leur corps..."
"Si, ?a arrive parfois. Tante St?phanie m'a expliqu? qu'il existe des
tas d'exemples o? ce genre de choses se produisent, et qu'il y a m?me
parfois des abus. Vitamines, vaccins, hormones de croissance, tante
St?phanie m'a fait voir de nombreux exemples. Elle est m?decin, elle
sait de quoi elle parle."
"Donc, tu lui fais confiance?"
Chlo? s'arr?ta un instant, elle semblait r?fl?chir, puis elle m'enla?a:
"J'ai confiance en toi."
Profond?ment touch? par ce qu'elle me disait, je la serrais fort:
"Je ne te laisserais pas tomber."
Au m?me moment, j'avais envie de l'embrasser, de lui avouer mes
d?sirs... Mais je sentais bien qu'en faisant cela, je perdrais sa
confiance.
Les mois suivants furent compliqu?s ? g?rer pour moi. Je m'effor?ais
sans grand succ?s de me concentrer sur mes ?tudes. Je ne cessais de
penser ? Chlo?. Quand je la voyais, j'essayais de me souvenir qu'elle
?tait mon copain d'enfance Antoine, et non cette splendide jeune fille
qui me montrait r?guli?rement qu'elle aimait ?tre avec moi.
Ce n'est qu'au printemps que les choses chang?rent soudainement entre
Chlo? et moi. Nous profitions du beau temps pour prendre un verre en
terrasse avec L?a, qui nous pr?sentait Quentin, son nouveau petit
copain. Comme toujours, L?a ?tait tr?s enthousiaste et pleine d'?nergie.
Elle nous racontait, avec ?norm?ment de d?tails qui semblaient g?ner son
petit ami, leur premi?re rencontre.
A un moment, sans doute pour tenter de changer de sujet, Quentin nous
demanda ? Chlo? et ? moi, si nous ?tions ensemble depuis longtemps. L?a
ne nous laissa pas le temps de nier:
"Oui, ils sont ensemble depuis tout petits! Ils forment un joli couple,
tu ne trouves pas?"
J'essayais d'intervenir tandis que Chlo? rougissait. Mais L?a continua,
en parlant de plus en plus fort:
"Ils s'aiment ? la folie depuis des ann?es, tout le monde est au
courant... Sauf eux!
Je rougissais et baissais les yeux ? mon tour, je jetai un regard furtif
vers Chlo?, qui fit de m?me, puis se pr?cipita sur son verre, l'avala
d'un trait, en manquant de s'?trangler.
Ce n'est que plus tard, alors que je venais de raccompagner Chlo? devant
chez elle, qu'elle osa timidement me poser la question:
"C'est vrai? Ce que L?a a dit ? propos de nous?"
"Euh, je... Je crois... "
Le moment que j'avais tant esp?r?, et tant redout?, ?tait arriv?. Elle
m'enla?a et rapprocha doucement son visage du mien. Elle me regardait
dans les yeux avec une intensit? que je ne lui connaissais pas. Pendant
une fraction de seconde, je me demandais si je ne devais pas partir en
courant, mais quand elle ferma ses yeux, je ne pus que poser mes l?vres
sur les siennes, puis rapidement, chercher sa langue avec la mienne. Ce
premier baiser fut pour moi une explosion de sentiments, un instant de
bonheur indescriptible.
Tr?s vite, Chlo? me prit par la main et m'entraina ? l'int?rieur, vers
sa chambre. A peine entr?s, elle m'embrassait et me caressait en
d?boutonnant ma chemise. Je faisais de m?me, posant pour la premi?re
fois mes mains sur sa petite, mais ravissante poitrine. Ses seins
?taient d'une sensibilit? rare, car elle se mit ? g?mir d?s le premier
contact. Rapidement, nous ?tions tous les deux nus, et Chlo?, prenant
les choses en main, si je puis dire, se tourna et me pr?senta ses
fesses. Je la caressais longuement, sans oser aller plus loin. Je
craignais de lui faire mal, mais en se cambrant de mani?re tr?s
suggestive, elle me fit comprendre de ne pas h?siter. Je me mis en
position, et doucement, je commen?ais ? la p?n?trer. Ensuite, je
commen?ais un lent va-et-vient qui faisait g?mir Chlo? ? chaque passage.
Progressivement, j'acc?l?rais le mouvement, tandis que Chlo? se
crispait, la t?te dans son oreiller, et, peu apr?s, je jouissais dans
ses entrailles.
Nous rest?mes un moment sans bouger, puis Chlo? se redressa, se tourna
vers moi, et recommen?a ? m'embrasser. Elle prit sur sa table de nuit un
mouchoir en papier pour m'essuyer mon sexe quelque peu souill?. Le
contact de ses doigts suffit ? m'exciter ? nouveau. Je poussai
d?licatement Chlo? en arri?re pour la faire s'allonger sur le dos. Je
pris ensuite ses jambes et les posai sur mes ?paules. Puis, soulevant
ses fesses pour les amener ? la bonne hauteur, je le p?n?trai ? nouveau,
mais cette fois, sans m?nagement. Quand je m'inclinai en avant pour
prendre sa bouche pendant que j'allais et venais en elle, elle se
retrouva pli?e en deux. Je la poss?dais compl?tement, et mettais ainsi
fin ? des mois de frustration.
Le lendemain matin, c'est la m?re de Chlo? qui nous r?veilla en entrant
dans la chambre. Elle portait un plateau avec deux bols de caf?, du
lait, du jus d'orange et des croissants, qu'elle posa au bord du lit.
Elle ne sembla pas surprise de me trouver l?. Comme pour r?pondre ? la
question que je n'osais pas poser, elle dit avec un grand sourire:
"Je vous ai vu rentrer hier soir, et je vous ai entendu, cette nuit."
Je crois que ma g?ne ? cet instant ?tait ?vidente, elle ajouta, en
tendant ? Chlo? ses pilules d'hormones:
"Je pr?f?re que ce soit toi plut?t qu'un autre. Tu as toujours ?t? le
meilleur ami de Chlo?. Elle te fait confiance, et moi aussi!"
"Merci madame."
"Appelle-moi Sandrine! Apr?s-tout, tu fais partie de la famille!"
Puis, apr?s avoir surveill? du coin de l'?il que Chlo? avalait bien ses
pilules, elle nous laissa seuls.
Pendant le petit d?jeuner, je d?couvrais la chambre, que je n'avais pas
eu le loisir d'observer jusque-l?. Ce n'?tait plus la chambre de petit
gar?on que j'avais connue quelques ann?es auparavant. C'?tait l'ancienne
chambre de Manon, qui avait quitt? la maison quelques mois auparavant.
Le lit ? baldaquin sur lequel nous avions dormi ?tait immense. Un coin
bureau avec quelques ?tag?res montrait qu'une lyc?enne habitait bien l?,
mais le reste de la pi?ce ?voquait plut?t une chambre de princesse. Non
loin du lit, une coiffeuse ?tait couverte de produits de beaut? de
toutes sortes. Deux portes garnies d'immenses miroirs fermaient un
gigantesque dressing. L'?paisse moquette qui couvrait le sol ?tait une
invitation ? se rouler par terre. Toute la d?coration ?tait coordonn?e
en un savant choix de couleurs pastelles.
Apr?s une douche prise ? deux, et agr?ment?e de baisers et de caresses,
j'assistais en spectateur combl? ? l'habillage de ma petite amie. Quand
elle ouvrit son dressing, je vis qu'il ?tait presque aussi ?tendu que la
chambre. Prenant plaisir ? m'exciter, Chlo? fit devant moi plusieurs
essayages de lingeries. Je devenais fou en la regardant remonter
lentement ses bas le long de ses jambes, ou quand elle se baissait en
cambrant exag?r?ment ses fesses pour ramasser une petite culotte.
La suite, fut, elle aussi, tout un spectacle. Chlo? me montra plusieurs
looks, me demandant lequel ?tait mon pr?f?r?. Entre la tenue de
coll?gienne, avec des couettes et la mini-jupe pliss?e, ou la tenue de
secr?taire, avec le tailleur strict, et le regard coquin derri?re une
grosse paire de lunettes, j'?tais incapable de dire ce qui m'excitait le
plus.
Est-il n?cessaire de pr?ciser qu'elle ne parvint pas tout de suite ?
finir de s'habiller?
Plus tard, alors qu'elle se maquillait, j'explorais l'int?rieur de son
dressing. J'?tais impressionn? par la quantit? de v?tements assembl?s
l?. J'avais entrepris d'essayer de compter les paires de chaussures
quand Chlo? me fit signe qu'elle ?tait pr?te pour sortir. J'en ?tais
arriv? ? quarante-trois paires, et je n'en ?tais pas ? la moiti?!
Quelques jours apr?s cette premi?re nuit, au cours d'une conversation
par ailleurs banale, j'osais demander ? Chlo? comment elle avait pu me
montrer tant d'assurance la premi?re fois. Je lui demandais si elle
n'avait pas eu peur que je lui fasse mal. Je fus abasourdi de l'entendre
me r?pondre qu'elle s'?tait entrain?e!
Avec un sourire coquin, elle me montra ce qu'elle cachait dans l'un des
tiroirs de sa table de nuit. A l'int?rieur, il y avait plusieurs
godemich?s et vibromasseurs! Devant ma surprise, elle m'expliqua:
"Avec mon traitement aux hormones, je suis incapable de faire quoi que
ce soit avec mon sexe de gar?on. Tante St?phanie m'a expliqu? que je
pouvais avoir du plaisir autrement, par un massage de la prostate, et
elle m'a offert ces diff?rents gadgets... D'abord, je n'ai pas os?, et
puis par curiosit?, j'ai essay?, et effectivement, j'ai commenc? ? y
prendre du plaisir. Par la suite, je me suis demand? comment ce serait
avec un homme, un vrai... J'ai tout de suite pens? ? toi, sans oser
franchir le pas..."
"C'est comme moi, ?a faisait longtemps que j'avais envie de..."
Un profond baiser m'emp?cha d'en dire plus.
Les semaines suivantes, notre complicit? ne fit que s'accentuer. Un
soir, Chlo? me fit m'assoir sur le lit et me demanda de la laisser
faire. Elle d?boutonna mon pantalon, et sortit mon sexe, qui se
redressait d?j?. Elle me fit un clin d'?il:
"Il y a longtemps que je me demande l'effet que ?a fait!"
Puis elle se pencha et commen?a ? prendre mon sexe en bouche pour la
premi?re fois. M?me si j'en r?vais, je n'aurais jamais os? lui demander
de me faire une fellation. D'abord maladroitement, elle commen?a ? aller
et venir le long de mon membre, puis, prenant de l'assurance, elle
parvint ? me faire ?jaculer au fond de sa gorge, puis sur son visage et
sa poitrine. C'?tait un cadeau exceptionnel qu'elle venait de me faire.
Les semaines, les mois, et toute l'ann?e qui suivirent ne furent pour
moi que du bonheur. Je passais plus de temps chez Chlo? que chez moi, au
point que mes parents devaient quasiment prendre rendez-vous avec moi
pour me voir.
J'aimais Chlo?, et elle m'aimait. Elle me disait que je la rendais
heureuse, m?me si, parfois, elle avait un petit acc?s de d?prime. Dans
ces moments, c'?tait toujours la m?me chose. Elle pleurait dans mes
bras, disant qu'elle ?tait un gar?on, qu'elle aurait voulu ?tre un
homme. Elle disait qu'elle en avait assez de jouer le r?le de la jolie
fille coquette. A chaque fois, mon argumentation ?tait la m?me:
"Patience, bient?t, nous aurons dix-huit ans. Nous pourrons partir,
loin, et commencer une nouvelle vie. Fais-moi confiance."
Heureusement, elle se ressaisissait vite et redevenait ma si parfaite et
souriante petite amie.
Enfin, le jour de ses dix-huit ans, quand sa m?re annon?a devant tout le
monde notre prochain voyage en Tha?lande pour son op?ration, Chlo?
s'effondra de chagrin. Sous les applaudissements de tous ceux qui
prenaient ses larmes pour des larmes de bonheur, je l'accompagnais
jusqu'? sa chambre.
St?phanie vint nous rejoindre, et donna un calmant ? sa ni?ce, avant de
nous laisser seuls. Chlo? se blottit dans mes bras, comme elle l'avait
fait si souvent. Je savais qu'elle attendait que je lui dise que le
moment tant attendu ?tait arriv?. Nous avions dix-huit ans, et nous
allions pouvoir nous sauver...
Comme je l'avais fait si souvent, je lui caressais les cheveux en lui
parlant doucement de ce que nous allions faire:
"Chlo?, n'ai pas peur, je suis l?. Je resterais pr?s de toi, et nous
surmonterons cette ?preuve ensemble."
"Merci..."
"Oui, je vais venir avec toi en Tha?lande, et je serais ? tes c?t?s
jusqu'au bout. Je veux ?tre avec toi quand tu seras enfin une vraie
femme!"
A ces mots, Chlo? me repoussa violemment:
"Quoi? Je croyais que tu allais m'aider ? me sauver!"
"Te sauver? Pour aller o?? Tu veux quitter tous ces gens qui t'aiment?
Et pour trouver quoi, ? la place?"
Je lus le d?sespoir dans ses yeux. Elle me tourna le dos, le visage dans
ses mains. Elle sanglotait:
"J'avais confiance en toi... "
"Chlo?, je t'aime! Tu peux me faire confiance. Je ne te quitterais
jamais! Si tu veux, on pourra m?me se marier, apr?s!"
"Tu dis que tu m'aimes... Comme ma m?re ou ma tante!"
Je poussais d?licatement Chlo? jusqu'? un miroir.
"Chlo?, fais-toi une raison. Regarde-toi! Tu es une femme, et une tr?s
belle femme! Tu vis en fille depuis si longtemps que tu ne saurais plus
vivre autrement. Autant assumer et aller jusqu'au bout!"
Pendant un long moment, elle resta sans r?action, elle sanglotait
doucement sans dire un mot. Je restais l?, derri?re elle, mes mains
pos?es sur ses ?paules.
J'imagine que le calmant commen?ait ? faire de l'effet. Elle se retourna
doucement et me regarda dans les yeux. Je lisais dans son regard un
profond d?sespoir, et en m?me temps, elle souriait:
"Tu sais? Tu as raison! Si d?j? j'en suis arriv?e l?, autant aller
jusqu'au bout. Allons-y! Allons en Tha?lande! Il faut en finir!"
Elle me faisait ce m?me sourire qu'elle faisait continuellement ? sa
m?re ou ? sa tante. Je la connaissais par c?ur. Je savais que ce sourire
?tait un mensonge.
Je l'avais trahie...
.................
Aujourd'hui, dans l'avion, quand j'y repense, je ne regrette rien. Chlo?
me pardonnera, et nous serons heureux.
Bient?t elle sera d?finitivement une vraie femme, et je lui ferais
l'amour, comme ? une vraie femme.
Je me tourne vers elle. Elle dort. Elle est si belle...
.................
Notre avion s'est enfin pos? ? Bangkok. Nous nous installons ? l'h?tel,
puis nous nous rendons ? l'h?pital. Nous rencontrons le chirurgien qui
va se charger de l'op?ration. Je ne comprends pas tout ce qui se dit, je
ma?trise mal l'anglais, et il parle avec un terrible accent tha?.
Heureusement, St?phanie, qui parle plusieurs langues, se charge de
parler avec le docteur. Sa pr?sence est d'autant plus pr?cieuse que
c'est elle qui a supervis? l'ensemble du traitement hormonal de son
neveu, destin? ? devenir sa ni?ce.
Chlo? passe de nombreux tests pendant plusieurs jours. Je reste avec
elle autant que possible. Elle semble terroris?e, mais subit sto?quement
toutes les analyses.
Enfin, le grand jour est arriv?. Chlo? va ?tre op?r?e. Sa m?re, sa tante
et moi sommes avec elle dans sa chambre. Une infirmi?re pr?pare un
cocktail de m?dicaments dans un gobelet en plastique et le tend ? Chlo?
avant de sortir de la chambre. St?phanie explique:
"Chlo?, c'est un somnif?re et un calmant. Quand tu auras aval? ?a, tu
t'endormiras en douceur. Plus tard, quand tu seras bien endormie, le
chirurgien et son ?quipe viendront te chercher pour t'emmener en salle
d'op?ration. Demain, quand tu te r?veilleras, tu seras une vraie femme!"
Chlo? tremble, elle est nerveuse. Sa m?re l'embrasse et quitte la
chambre avec sa tante. Je reste seul avec elle. J'aimerais ?tre plus
utile, mais ?mu, je parviens seulement ? murmurer quelques banalit?s:
"Bon, le moment est arriv?..."
"Oui, je suppose. Merci d'?tre l?, avec moi."
"Je te l'ai promis il y a longtemps, je ne te laisserais jamais tomber!"
"Oui, tu m'as fait une promesse il y a longtemps..."
Elle reste un moment silencieuse, sans bouger, ? regarder le contenu de
son gobelet qu'elle ne semble pas press?e d'avaler.
Soudain, elle se redresse, elle me fait un sourire, et me demande si
j'ai soif. Elle se tourne vers la table de nuit, o? il y a une carafe
d'eau et d'autres gobelets. Elle me sert un gobelet d'eau et me le tend:
"Bon, ? la tienne!"
"A la tienne, Chlo?!"
Nous trinquons, puis vidons nos gobelets d'un trait, et nous continuons
? parler en attendant que le somnif?re fasse effet...
.................
Je viens de me r?veiller. Je ne comprends pas ce qui m'arrive. Je
reconnais autour de moi la chambre d'h?pital. Je me sens vaseux, comme
un lendemain de cuite. J'ai l'impression que j'ai ?t? drogu?.
Une infirmi?re est pench?e sur moi et me parle. Je ne comprends rien,
elle me parle en tha?. Apr?s une phrase dont le ton semble m'indiquer de
ne pas bouger, elle quitte la chambre en courant. J'essaye de me
redresser, mais j'en suis incapable. Je suis trop faible, et mon corps
me fait mal ? chaque fois que je tente de bouger. J'ai l'impression
d'?tre pass? dans une machine ? laver en mode essorage.
Enfin, j'entends quelqu'un arriver. L'infirmi?re est all?e chercher le
docteur. Ils sont accompagn?s de Sandrine, en pleurs, et de St?phanie.
Le m?decin a l'air compl?tement affol?, il transpire beaucoup. Il ne
cesse de s'incliner ? la mani?re asiatique, et de r?p?ter:
"Sorry, sorry!"
Il me parle en anglais avec son terrible accent tha?. Je ne comprends
rien, et j'ai mal ? la t?te.
Sandrine est ressortie de la chambre, semblant totalement boulevers?e.
St?phanie me prend la main, elle est la seule qui semble se ma?triser.
L'expression de son visage montre qu'elle doit m'annoncer quelque chose
de terrible. Apr?s un instant qui me semble une ?ternit?, elle parvient
? me dire:
"Chlo? est partie, elle a fugu?... Elle a laiss? un mot pour dire
qu'elle nous aime tous, toi aussi, et qu'elle est d?sol?e de ne pas ?tre
celle que l'on voulait qu'elle soit."
St?phanie reste silencieuse un long moment, avant de poursuivre:
"Il semble que Chlo? voulait ?tre s?re d'avoir le temps de disparaitre.
Elle voulait gagner du temps..."
Je lutte contre la douleur et mon esprit embrum?. J'essaye de comprendre
ce qu'elle cherche ? me dire. Elle continue:
"Je crois que Chlo? t'a fait boire le somnif?re qui lui ?tait destin?.
Quand tu t'es endormi, elle t'a d?shabill? et s'est d?guis?e avec tes
v?tements. Ensuite, elle t'a allong? ? sa place dans son lit avant de se
sauver... Je suppose qu'elle esp?rait qu'ainsi, on remarquerait son
d?part le plus tard possible."
Je me souviens du moment o? Chlo? m'a tendu le gobelet d'eau. Elle a,
l'espace d'un instant attir? mon attention vers la fen?tre derri?re moi.
J'imagine que c'est ? ce moment qu'elle a ?chang? son gobelet avec le
mien. Je demande:
"C'est un somnif?re qui m'a mis dans cet ?tat? Oh, je ne me sens
vraiment pas bien..."
"Non, ce n'est pas le somnif?re. Quand les infirmiers sont venus
chercher Chlo?, ils ne se sont pas rendu compte qu'une autre personne
?tait ? sa place. Apr?s, quand le chirurgien et les infirmi?res qui
connaissaient Chlo? sont entr?s dans la salle d'op?ration, ton visage
?tait d?j? cach? par le masque ? oxyg?ne."
"Qu'est-ce que vous essayez de me dire..."
"C'est une terrible erreur, mais ils t'ont op?r? ? la place de Chlo?."
A ces mots, malgr? la douleur intense, je trouve soudain l'?nergie pour
me redresser. Je d?couvre avec horreur mon entre-jambe pans?e, avec
plusieurs tuyaux qui en sortent!
"Non, non, ce n'est pas possible! Il faut rectifier ?a! Il faut me
r?op?rer!"
"C'est impossible, c'est irr?versible. Je suis d?sol?e, mais tu poss?des
maintenant un sexe de femme... Pour toujours!"
Je retombe en arri?re, compl?tement d?sesp?r?. St?phanie serre fortement
ma main. Avec un ton calme, presque clinique, elle me dit:
"Courage! Tout ira bien... Bon, c'est vrai qu'avec la perte de tes
testicules, tu vas devoir prendre un traitement hormonal ? vie. Comme tu
n'es plus vraiment un homme, je sugg?re plut?t de choisir un traitement
d'hormones f?minines. Tu finiras par t'y faire, je t'aiderais... Je te
montrerais que ta vie pourra ?tre tr?s agr?able, tu apprendras ?
aimer... ?tre une femme!"
Petit Pierre