Histoire D'une Poup?e - Partie 1 free porn video

Pour nous contacter : Cyrille ([email protected]) Aur?lie ([email protected]) ------------------------- M?MOIRES D'UNE POUP?E ------------------------- UNE ?TERNIT? DE PLASTIQUE Mod?le ? Lola ? Cyrille r?ajusta son badge sur sa blouse blanche. Il regarda bri?vement les membres de son ?quipe d'ing?nieurs. Tous ?taient assis sagement derri?re lui, et attendaient qu'il parle. Cyrille pensait ? toutes les heures de travail acharn? que ces gens avaient fourni, sous sa direction. Ils s'?taient donn? sans compter, pour mener leur projet ? bien. Tout cela allait maintenant trouver son accomplissement, ou au contraire se r?v?ler compl?tement inutile. Cyrille jeta un petit coup d'?il ? la grande forme de plastique qui restait l?, inerte, dress?e ? quelques pas de lui. C'?tait une poup?e haute comme un ?tre humain, qui avait l'apparence d'une jeune femme s?duisante. En la regardant comme ?a, elle n'avait pas l'air tr?s diff?rente d'un quelconque mannequin pos? dans une vitrine de magasin de v?tements. Mais les apparences ?taient trompeuses... Cyrille s'?claircit la voix, et tourna la t?te vers l'homme assis dans le grand fauteuil directorial, au fond de la pi?ce. C'?tait cet homme, et lui seul, qui allait d?cider. C'?tait lui qui allait condamner tous les efforts de Cyrille et de son ?quipe, ou au contraire, les autoriser ? poursuivre leur projet. Et c'?tait ? Cyrille de le convaincre. Il prit alors la parole. - Le r?ve de millions de personnes ? travers le monde va enfin pouvoir devenir r?alit?! Monsieur, EV-4 n'est pas un ersatz, ce n'est pas une chose ordinaire destin?e ? faire oublier la solitude! C'est quelque chose qui va entrer dans la vie quotidienne des gens, et qui va entrer dans leur c?ur! La voix de Cyrille d?rapait un peu sous l'?motion. Il s'approcha du grand bureau. Son patron restait assis sans bouger, et gardait une expression neutre. - Pour la premi?re fois, nous n'allons pas vendre un objet, mais de vrais sentiments! Cyrille souriait. Il ?tait un peu grandiloquent mais il croyait ? chaque mot qu'il pronon?ait. Soudain, il leva les bras en l'air, comme victorieux, et pendant un court instant son patron se demanda, en le voyant ainsi gesticuler, s'il n'?tait pas victime du surmenage! Mais Cyrille se tourna brusquement en direction de la poup?e et claqua des doigts. La poup?e se mit alors instantan?ment en mouvement et se d?pla?a jusqu'? Cyrille. Hormis le fait qu'elle avan?ait un peu lentement, sa d?marche avait une troublante ressemblance avec celle d'une femme. Son patron se frottait le menton en la regardant tordre ses fesses sensuellement, et Cyrille supposa qu'il commen?ait ? ?tre int?ress?. - Et ce n'est pas tout Monsieur le directeur! Non seulement EV-4 est capable de reproduire la plupart des gestes simples de la vie courante mais - et c'est la vraie nouveaut? - elle est ?galement dot?e d'une intelligence artificielle derni?re g?n?ration lui permettant d'interagir avec les humains et notamment de mener ? bien une conversation! Allez-y, essayez de lui parler... Le patron se leva et s'approcha de la poup?e. - Bonjour EV-4, tu peux comprendre ce que je dis? - Bien s?r Monsieur! De quoi voulez-vous parler? - Je voudrais en savoir un peu plus sur toi... Qu'est-ce que tu aimes dans la vie? - J'appr?cie tout particuli?rement la compagnie des hommes, et surtout leur faire plaisir! - Dis-moi, comment me trouves-tu physiquement? - Je vous trouve tr?s s?duisant, j'aime les hommes comme vous, d'?ge mur, avec le front un peu d?garni, et bien portant. Je trouve que ?a leur donne un charme fou! Je me sens tr?s attir?e par vous... Son visage artificiel s'?claira d'un sourire mutin. - Et vous Monsieur? Vous me trouvez ? votre go?t? Elle le regardait en coin, tout ? la fois innocente et impudique! N'importe quel homme aurait vu en elle une jeune fille amoureuse. L'illusion ?tait parfaite! Le patron fut ?tonn? de la tournure que prenait cette conversation. Non seulement la poup?e voyait, entendait, et pouvait parler, mais elle comprenait aussi ce qu'on lui disait, et de toute ?vidence, elle construisait ses r?ponses en fonction du contexte. Il ?tait aussi surpris par le r?alisme de son comportement: le mouvement de ses l?vres lorsqu'elle discutait, ses yeux profonds qui s'attardaient avec insistance dans les siens, ou la mani?re dont elle s'exprimait, comme tentant en permanence de le s?duire! - Stup?fiant! Cyrille, vous avez vraiment fait des merveilles, vous et toute votre ?quipe! Vous m'avez convaincu, cette poup?e, c'est la garantie du succ?s! Mais il faut lui trouver un nom commercial. Attentez que je r?fl?chisse...? Soudain, le patron eut un petit sourire malicieux ? J'ai trouv?, nous l'appellerons Lola! Portrait d'une solitude Cyrille ?tait fier du succ?s de sa poup?e. C'?tait l'accomplissement de plusieurs mois de travail acharn?s. Cet homme d'une trentaine d'ann?es vivait en c?libataire, bien ?loign? de la compagnie des femmes. Il s'en accommodait bon an mal an, et compensait cette absence par une passion accrue pour son m?tier. Il n'avait rien contre les femmes, bien au contraire. Mais il n'?tait pas le genre d'homme qui avait leurs faveurs. Il n'?tait ni laid, ni idiot, mais il ne savait pas vraiment s'y prendre. Les femmes lui faisaient un peu peur ? vrai dire. Il voyait dans leurs yeux calmes de redoutables jugements se poser sur lui. Petit ? petit, il s'?tait r?sign? ? ne pas ?tre un type couvert de conqu?tes amoureuses qu'il aurait m?rit? d'?tre, selon lui. Mais, au fond de lui, il gardait de la rancune envers les femmes pour cette situation. Il leur pardonnait mal leurs refus. C'?tait un peu pour ?a qu'il avait mis au point cette poup?e. Ce jouet sexuel, c'?tait la femme id?ale pour Cyrille! Toujours d'accord, toujours souriante, et jamais contrariante. Toujours pr?te ? supporter le moindre caprice masculin avec satisfaction et reconnaissance... Ce qui plaisait beaucoup ? Cyrille dans cette poup?e, c'?tait l'id?e qu'elle rendait inutile ou presque les v?ritables femmes! EV-4 allait remettre toutes ces b?cheuses gonfl?es d'orgueil ? leur place! La poup?e qu'il avait con?ue ?tait plus belle, plus attentionn?e, et aussi plus disponible! Termin? ce pouvoir des femelles tenant entre leurs jambes le paradis des hommes! Cyrille allait mettre ce paradis en libre-service, accessible ? tous pour une somme modique. Et lorsqu'il laissait tra?ner son imagination, Cyrille s'abandonnait souvent ? une r?verie qui lui plaisait beaucoup: il imaginait une de ces mijaur?es boucl?e, une de ces pimb?ches blondes, fra?ches, pomponn?es et inaccessibles, envoy?e dans le corps d'une poup?e, contrainte par le programme qu'il avait con?u ? ob?ir en tout point aux hommes, condamn?e enfin ? la gentillesse et ? l'humilit?! Cyrille trouvait l'id?e ?trangement excitante. Comme si une ?me r?calcitrante enferm?e dans EV-4 ?tait tout ce qui manquait ? la perfection de cette poup?e! Le soir o? tout s'est d?cid? Plusieurs mois plus tard, la fabrication en s?rie de la poup?e ? Lola ? ?tait sur le point d'?tre enclench?e. Cyrille, son ?quipe, son patron, mais aussi tout le reste du personnel de l'entreprise ?taient sur le pied de guerre pour mettre au point les derniers d?tails. Ce soir-l?, Cyrille, qui ?tait toujours ? son bureau malgr? l'heure tardive, d?cida de prendre l'air frais afin se d?tendre un peu. Soudain, au fond du parking, il aper?ut deux ombres entrem?l?es qui s'agitaient dans un coin sombre, et laissaient ?chapper un d?sordre de petits cris et de g?missements. Intrigu?, Cyrille se demanda tout d'abord s'il n'?tait pas en train d'assister ? une bagarre. Il s'approcha et finit par distinguer le corps rond et lourd de son patron, couch? sur le ventre par-dessus le capot d'une voiture. Il y avait des petites ombres aux mouvements nerveux qui jaillissaient par-dessous. Cyrille, resta cach? derri?re une voiture, ? bonne distance, afin de ne pas se faire remarquer. Il put alors observer que c'?tait des membres fr?les qui gigotaient sous la silhouette graisseuse de son patron. Cyrille n'arrivait pas encore ? ?tre certain de la nature de la sc?ne qui se jouait devant lui. La personne au corps emprisonn? sous celui de son patron ?tait-elle vraiment consentante? Les g?missements cess?rent brusquement pour laisser place ? une voix de femme. - D?p?che-toi, j'ai froid moi! Son patron, qui n'avait ni vu ni entendu Cyrille, r?pondit sur un ton d?sol?: - Je sais ma petite Lola, mais j'ai trop envie! Depuis des semaines, c'est le coup de feu, et je ne peux plus m'?chapper un seul instant. Tu ne te rends pas compte ce que c'est de se retrouver tous les soirs avec ma femme, priv? de nos escapades mon amour! - Ta femme, ta femme... ? r?torqua la petite voix indign?e, ? tu es oblig? de parler de celle-l? dans un moment pareil?! C'est alors que Cyrille, tout ? sa curiosit?, laissa malencontreusement tomber sa serviette par terre. Le bruit alerta aussit?t le couple qui se redressa vivement. Cyrille reconnu une des secr?taires, la plus jolie de toutes. Elle attrapa vivement ses v?tements et s'enfuit pr?cipitamment, pendant que le patron s'empressait de remettre son pantalon. Il fouillait avec angoisse la demi-obscurit? du lieu pour apercevoir celui qui les avait observ?s. - Cyrille? ? Dit-il, la voix inqui?te, ? c'est vous mon vieux? Il s'approcha de Cyrille et le prit par le bras. - ?coutez, je suis emb?t?, la situation est d?licate... - Ne vous en faites pas Monsieur, je comprends. Cette... Cyrille laissa volontairement un petit silence... demoiselle, n'est pas exactement madame votre ?pouse. Et alors? Nous avons tous besoin de nous d?tendre un peu de temps en temps. Il n'y a pas l? de quoi faire un drame! ? Le patron se mit ? rire, mais Cyrille avait bien remarqu? que son regard ?tait g?n?. - Je vois que nous nous comprenons Cyrille... Apr?s tout, nous sommes entre hommes! Bien! Bien! En vous voyant... J'avais craint un instant... Mais non, me voil? rassur?! Alors, bonne nuit mon vieux et ? demain! La fin de Cyrille Quelques jours plus tard, Cyrille se suicida! Ou plus exactement, tout le monde cru qu'il s'?tait suicid?... Cela se passa un soir, tr?s tard, devant les grandes cuves o? bouillonnait le plastique destin? ? la fabrication des premi?res poup?es. Il se tenait ? c?t? de son patron, seul avec lui dans le grand hangar. - C'est ma femme, c'est cette morue qui poss?de tout cela, vous comprenez Cyrille? Si elle apprend que j'ai une ma?tresse, si elle d?couvre mon aventure avec Lola, elle divorcera, et moi je serais cuit! Je ne peux pas prendre le risque qu'elle soit au courant un jour! Vous comprenez ?a Cyrille? Alors que Cyrille se demandait pourquoi son patron lui faisait ce genre de confidence, celui-ci l'empoigna brusquement et le projeta avec violence contre une rambarde! Cyrille tomba et resta par terre, groggy. Le patron le tra?na sur la passerelle, puis il lui parla sur un ton doux, comme s'il s'adressait ? un ami sinc?re aupr?s de qui il s'excusait: - Je sais que vous ?tes un type r?glo Cyrille, je le sais bien. Mais il y a trop en jeu! Et si... Et si la moindre chose devait arriver... Quelque chose qui vous fasse changer d'avis et qui vous pousse ? me trahir... Je ne peux pas vivre avec cette menace au-dessus de ma t?te! D?sol? Cyrille, je vous aimais bien, vraiment... Il souleva le corps de Cyrille, le fit basculer dans le vide et le regarda tomber puis s'engloutir dans le plastique fondu de la cuve. Le patron se rendit ensuite dans les bureaux d?serts. Il alluma l'ordinateur de Cyrille et entra le mot de passe qu'il lui avait vu taper quelques jours plus t?t, lorsqu'il s'?tait innocemment plac? ? c?t? de lui et avait regard? par dessus son ?paule. Il r?digea une lettre de suicide en se faisant passer pour l'ing?nieur. Il y parlait de solitude, de tristesse sentimentale, du grand vide de sa vie qu'il ne parvenait pas ? combler... Il n'indiqua m?me pas que Cyrille s'?tait jet? dans le plastique. De toute fa?on, on allait bien le retrouver assez t?t, se disait-il. Ce qui restait de son corps allait venir se coincer dans les filtres de la cuve et tout le monde apprendrait alors comment il avait d?cid? d'en finir. Le patron enregistra la lettre et lan?a l'impression du document, qui vint s'?chouer, bien en vue, ? la sortie de l'imprimante. Bien qu'?prouvant du remords - parce qu'au fond, il avait de la sympathie pour Cyrille - il se sentait rassur?, persuad? d'?tre d?barrass? pour toujours d'une menace. Mais Cyrille n'?tait pas vraiment mort... Enfin, pas tout ? fait... Dans les flots ?tranges La br?lure me r?veilla et je voulus crier. Mais le plastique coulait dans ma gorge et aucun son ne sortait de ma bouche. Je me consumais de l'int?rieur, ma peau ?clatait, mes membres fondaient dans l'enfer liquide qui m'emprisonnait. Je m'agitais comme une larve d?risoire, mais ?a ne retardait m?me pas l'in?vitable. Au moment de m'enfoncer dans la mort, mon esprit, secou? d'un interminable hurlement silencieux, per?u qu'il ?tait en train de se dissoudre. Mais pas pour dispara?tre. C'?tait comme si j'?tais en train d'investir cette mer de mati?re inerte autour de moi. Comme si chacun des atomes de plastique devenait une cellule de mon esprit! La douleur s'att?nua lentement, et ? la place il y eut un grand calme. Et je me mis ? ressentir le plastique... Il vibrait et roulait dans mon ?tre, non comme un flot ?tranger, mais comme une partie int?grante de ce que ce tourbillon de lave chimique avait fait de moi! J'?tais devenu ce plastique! Pour autant, je n'occupais pas toute la cuve. Mon esprit repr?sentait une zone que je pouvais faire fluctuer ? l'int?rieur de cette grande flaque. Je pouvais ?voluer d'un endroit ? l'autre, en mouvant lentement mon corps fluide. Je pouvais sentir la chaleur autour de moi et en moi, et ?galement la douceur infinie de cette mati?re. La chaleur n'?tait plus une souffrance. Au contraire, elle me donnait l'impression d'?tre prot?g? par un ventre maternel. Par contre, il m'?tait devenu impossible de voir ou d'entendre... Je restais l? un temps ind?fini. Je sentis alors un mouvement agiter le liquide autour de moi. Un courant se forma doucement, puis s'amplifia, gagna en puissance et grossit jusqu'? m'entra?ner. Je heurtai une paroi de la cuve et glissai. Je me sentis englouti par un large tuyau. Je passai par des filtres qui s?par?rent chaque particule de mon ?tendu plastique, mais je me reconstituai intact ? leur sortie. Puis le grand tube continua de m'emporter. Je savais ce qui se passait. La cha?ne de montage venait d'?tre mise en route, la fabrication avait commenc?! J'allais aboutir dans le circuit de production de l'usine! Je me sentais paniqu?. Qu'arriverait-il si l'espace de plastique que j'occupais se retrouvait divis? et r?partit dans diff?rents circuits? Mon existence, perdue dans ce monde artificiel, ?tait sans doute d?risoire, mais je comptais bien m'y accrocher de toutes mes forces! Je me resserrai autant que je pus et tentai de me souvenir du sch?ma de la cha?ne de fabrication. Je me rem?morais les embranchements et essayais d'?valuer ? quel endroit je me trouvais. Je me collai finalement ? un des bords du tunnel m?tallique qui m'avait englouti, afin d'avoir ainsi le maximum de chances d'?tre emmen? dans le tuyau ad?quat. Je me sentis alors bifurquer violemment! J'y ?tais arriv?, j'avais pris le bon embranchement! J'?tais encore entier, et surtout j'?tais encore vivant! Je me sentis ensuite tomber brutalement, comme si le sol venait de s'ouvrir d'un seul coup sous moi. Je savais que j'?tais dans les tubes de distribution et que j'allais ?tre projet? dans les moules de la cha?ne de fabrication. J'essayais de prendre tout l'espace possible pour repousser le plastique ?tranger ? moi-m?me. C'?tait maintenant que ?a allait ?tre vraiment d?licat. Il fallait passer tout entier, dans un seul jet! Je sentis une variation dans le flux du liquide. Cela correspondait aux ouvertures des gicleurs. Je comptais les ondulations, l?g?res d'abord, mais qui allaient s'augmentant. Et au bon moment, je freinai juste un peu ma masse flottante. Puis je me projetai en avant imm?diatement apr?s. Le gicleur s'ouvrit, cracha et se referma. Je n'avais pas ?t? coup? en deux, j'avais r?ussi! La contrainte des formes Je sentis l'air glac? me frapper de tous les c?t?s ? la fois. Apr?s tout, c'?tait normal, je faisais plusieurs centaines de degr?s, l'air ambiant, m?me suffocant pour un ?tre humain, me faisait l'effet d'?tre gel?! Je me demandais avec angoisse ce qui allait m'arriver lorsque j'allais refroidir. Allais-je m'?teindre finalement, mon esprit plongeant dans la nuit de la mort, en m?me temps que dans le froid? J'allais vite ?tre fix?. Je m'?tais r?pandu enti?rement ? l'int?rieur de l'espace dans lequel on m'avait projet?. Pour la premi?re fois depuis longtemps, je cessais de flotter et des bornes rigides venaient marquer les limites de mon univers. M?me si mes sens ?taient encore incapable de percevoir la forme qui m'environnait, je savais pertinemment que j'?tais dans un moule de poup?e. Il se referma sur moi! De tous c?t?s maintenant, j'?tais prisonnier de la mati?re dure. Et au fur et ? mesure que je refroidissais, je sentais mon corps ?tre compress? par une force ?norme qui m'emp?chait totalement de bouger. Ma substance devenait de moins en moins liquide. Elle se figeait! C'?tait atroce, mais au moins, j'?tais toujours en vie. A l'int?rieur du moule, au coeur de mon plastique, je sentais l'armature du squelette de la poup?e. J'?tais en train de me fixer dessus. Le moule qui m'emprisonnait me lib?ra alors, et je crus un moment que j'allais pouvoir bouger. Mais j'essayais en vain. J'?tais comme enfonc? dans une gangue de pierre, compl?tement paralys?! J'?tais aveugle, sourd, totalement coup? du monde, et d?sormais en plus, j'?tais enferm? dans l'immobilit? compl?te! Je me senti comme arrach?! Quelque chose me souleva et me d?pla?a en l'air. Puis je fus l?ch? sur un tapis. Les rouleaux qui m'entra?naient secou?rent durement mon corps rigide. Je per?u soudain un ?norme craquement sur le c?t? de ma t?te, ? l'emplacement des oreilles de la poup?e. Alors que, depuis ma fin tragique en tant que Cyrille, j'?tais rest? emmur? dans un silence absolu, je me mis ? entendre d'un seul coup des sifflements et des r?sonances m?talliques d'une tonalit? presque insupportables! C'?tait comme si j'avais la t?te plong?e dans un r?acteur d'avion! Je connaissais la s?quence de fabrication par c?ur et je savais que les ?couteurs ?taient l'?tape qui suivait la projection du plastique sur le squelette de la poup?e. J'arrivais ? pr?sent ? reconna?tre les bruits de l'usine dont j'?tais familier: grincements, claquements et cliquetis r?guliers des machines. Mais le bruit ?tait comme parasit?! J'avais l'impression d'?tre reli? ? une radio d?fectueuse! J'entendis soudain un bruit de soudure venant du devant de mon visage. Lentement, des images se mirent ? arriver jusqu'? ma perception. J'?tais un aveugle qui retrouvait la vue! On venait de me fixer les deux cam?ras qui occupaient le fond des globes oculaires de la poup?e. Mais ma vision ?tait loin d'?tre celle que j'avais lorsque j'?tais un ?tre humain. L'image ?tait d'une r?solution assez basse, elle ?tait en noir et blanc et elle sautait sans cesse. J'avais l'impression de regarder ? travers une vieille cam?ra de surveillance mal r?gl?e. Au moins, je pouvais voir, c'?tait d?j? ?a! Les machine continuaient ? travailler sur mon corps avec des mouvements secs, dans un vacarme infernal, fixant des pi?ces sur moi, soudant, ins?rant, assemblant... Apr?s les yeux, elles enfonc?rent quelque chose dans ma bouche. Il s'agissait du synth?tiseur vocal. Puis des analyseurs d'odeur furent ins?r?s dans mon nez. Ce furent ensuite les capteurs du toucher que les machines firent glisser sous ma peau de plastique. Je sentais qu'on les introduisait par tous les orifices disponibles et cette incursion ? l'int?rieur de mon corps m'?coeurait. Tous mes sens restaient incontr?lables. Mes capteurs envoyaient des messages bizarres. Des fois j'avais l'impression que ma peau ?tait frapp?e, ou au contraire, je sentais comme des langues parcourir mon corps en laissant de longues tra?n?es de bave imaginaire sur moi. Des odeurs r?pugnantes alternaient avec des effluves divines, je voyais un brouillard ?pais qui se crevait parfois, sans raison, pour me laisser distinguer les plus infimes d?tails des machines qui s'acharnaient sur moi! Et quand aux bruits, j'?tais capable ? certains moments, de distinguer le fr?le gazouillis d'un oiseau perch? loin de l?, juste avant d'?tre de nouveau ?cras? sous le pilonnement d?mentiel des hurlements de l'usine. Je ne ma?trisais rien! Comme s'il me manquait quelque chose pour pouvoir appr?hender ce nouveau corps. Et je savais de quoi il s'agissait: la puce d'intelligence artificielle! Ce concentr? permettant aux poup?es d'?tre dot?e d'une apparence de raisonnement. C'?tait elle qui, entre autre, centralisait tout l'appareillage sensoriel dont on m'avait dot?. Je sentis alors qu'on enfon?ait quelque chose dans ma t?te en passant par ma bouche grande ouverte. C'?tait elle, la puce... Elle s'enclencha et dans une violence inou?e je re?ut un ouragan d?vastateur de sensations. C'?tait un kal?idoscope de couleurs hurlantes et de bruits qui cognaient, les odeurs raclaient mon corps et j'avais le go?t d'une gifle dans la bouche. Je crevais de bonheur et j'?tais travers? par des rires de d?sespoirs, un orgasme absurde m'?lectrisait comme un pantin, des pieds ? la t?te, pendant que toutes les composantes de mon corps artificiel semblaient s'?craser ensemble dans une panne qui me donnait l'impression de mourir! La puce venait de d'initialiser! Elle avait amalgam? d'un coup toutes les sensations de mon corps de poup?e ainsi que tous les v?cus disponibles dans le catalogue de mon intelligence artificielle. Et tout ces charivaris contradictoires m'?taient tomb?s dessus ensemble. D'un coup, je me mis ? mieux contr?ler mon corps. Je voyais en couleur, les sons me parvenaient avec r?gularit?, le toucher, le go?t, l'odorat... tout se mettait en place. Mais je gardais des sens r?duits, grossiers. Ce n'?tait apr?s tout que des capteurs de machine! Et mon esprit humain, par le biais de la puce, essayait de faire de cette masse de donn?e indigestes quelque chose qui ressemblait ? des perceptions normales. C'?tait mieux qu'avant, mais ?a ne donnait quand m?me pas d'excellents r?sultats. J'avais un peu l'impression d'?tre une vieille t?l? pas tr?s performante! Je me mis alors en t?te de bouger. Comme poup?e, j'avais une sorte de syst?me musculaire rudimentaire. Je le sentais ? l'int?rieur de mes membres, pr?ts ? fonctionner. Je me disais que ce serais bien de lever un bras, par exemple. Et en fait... En fait c'?tait une possibilit? que j'aurais bien aim? essayer... Mais l? je ne savais plus trop. Je me demandais ? quoi ?a pouvait bien me servir de bouger... C'?tait ?trange. Dans mon esprit, il y avait comme une torpeur qui s'?tait install?e. Ce n'?tait pas d?sagr?able, juste nouveau et ?trange. Comme si je n'avais absolument besoin de rien. Et soudain, je compris ce que c'?tait. Dans la puce, il n'y avait pas seulement de quoi centraliser les sens de la poup?e... Il y avait aussi tout le programme d'intelligence artificiel. Et il venait de s'installer! La poup?e ?tait sous le contr?le de ce programme! Et j'?tais la poup?e! Il fallait que je sache, que je fasse un inventaire de moi-m?me. Il fallait que je d?couvre dans quelle mesure ce programme avait bien pu infiltrer mon esprit! Je cherchais de toutes mes forces. J'?voquais d'abord mes souvenirs. Ceux de Cyrille, et ceux de cette flaque de plastique que j'?tais devenu ensuite. Heureusement, tous mes souvenirs ?taient bien l?. Tous ? leur place. De ce c?t? l?, j'?tais intact. Je contr?lais ensuite ma capacit? de r?flexion. Je craignais par-dessus tout de d?couvrir que j'?tais devenu stupide et qu'un vide ?norme avait remplac? mon intelligence sans que je me rende compte. J'essayais quelques op?rations math?matiques, je tentais de visualiser des formes g?om?triques complexes, je faisais des listes de mots savants... Tout ?tait bien l?. Incroyablement soulag?, j'?tais maintenant certain que le programme n'avait pas atteint mon intelligence. C'?tait ma plus grande crainte. J'avais toujours gard? en m?moire le sort de cet ami, ? l'?cole d'ing?nieur, victime d'un accident de la route. Il en ?tait sorti ramen? ? un ?ge mental de cinq ans. Toute son intelligence avait ?t? emprisonn?e dans son cerveau et depuis, il menait sa vie plong? dans l'idiotie la plus compl?te. Et c'est en pensant ? ce type que je compris l? o? le programme avait agit en moi... Car, en revoyant le visage du gars, je me sentis troubl?. Je d?couvrais en moi des sentiments... Des sensations d'enthousiasme bizarres... Des envies... Des envies! J'avais envie de faire plaisir ? ce type! Moi qui n'avais jamais fantasm? que sur les femmes, je me mettais ? imaginer certaines parties du corps de ce jeune homme... Et certaines mani?res de faire des choses avec ces parties... Et ?a ne m'?coeurait m?me pas! Il fallait que je r?fl?chisse. Il fallait que je vois... C'?tait l?... Oui... C'?tait ?a: j'avais re?ut tout le programme de pr?f?rence de la poup?e! Par exemple, je me souvenais parfaitement de mon plat favoris, mais en l'?voquant, ?a ne me disait plus rien. En fait, je ne pouvais m?me pas imaginer avoir faim, ou soif! Parce qu'une poup?e n'a jamais faim ou soif! J'?tais toujours Cyrille dans mes souvenirs, toujours Cyrille dans mon intelligence, mais j'?tais devenu la poup?e dans mes go?ts et dans mes d?sirs! Et je savais tr?s bien quel ?taient les go?ts et les d?sirs d'une poup?e! Je le savais parce que c'?tait moi-m?me qui avais fix? les lignes directrices de leur programme! Les r?ves d'une poup?e Le microprocesseur ?tait la derni?re ?tape sur la cha?ne de fabrication. Il restait ensuite la phase finale, la v?rification du bon fonctionnement des Lola. Les rouleaux du tapis m'emmen?rent dans le dernier hangar, o? des hommes en salopette bleue soulevaient les poup?es les unes apr?s les autres, puis leur faisaient passer quelques contr?les avant de les emballer. Il s'agissait de v?rifier qu'il n'y avait pas eu d'erreur lors du montage, et que les produits qui sortaient de l'usine ?taient parfaitement op?rationnels. Un homme m'attrapa par les ?paules et me planta debout devant lui. Il se mit ? m'examiner scrupuleusement. Son regard inquisiteur fouilla les moindres recoins de mon corps. Ses yeux ?taient froids et professionnels, ils ne contenaient aucune ?motion. Je n'?tais qu'un bout de plastique parmi les autres. L'homme ne vit aucun d?faut. Il inscrivit quelque chose sur une feuille et revint vers moi. - Tu t'appelles Lola! me dit-il d'une voix indiff?rente, sans m?me me regarder. - Oh oui, je m'appelle Lola, j'adore ce pr?nom, r?pondis-je, en suivant scrupuleusement mon programme. Ma voix me surprenait. Elle ?tait sensuelle et juv?nile ? la fois. Elle ?voquait en m?me temps le glamour des stars des ann?es cinquante et le c?t? canaille d'une jeune gar?onne indisciplin?e. Assur?ment, c'?tait la voix la plus ?rotique que j'avais jamais entendue... Malheureusement, c'?tait la mienne! Mais ce n'?tait pas le plus ?tonnant. Parce que chaque mot que j'entendais ou que je disais m'envahissait d'une joie incompr?hensible. J'?tais follement heureux d'exister pour cet homme. Comme si exister pour lui, c'?tait exister pour l'univers entier. Ce type en face de moi, que je n'avais jamais vu de mon existence, la cinquantaine bedonnante et satisfaite, je me sentais pr?t ? mourir pour lui! Il ?tait tout! Le voir me faisait ?prouver des sensations bizarres et inconnues. Je l'aimais. Bien malgr? moi, j'?tais une poup?e amoureuse! C'?tait normal et absurde ? la fois! Mon programme me destinait ? combler mes propri?taires de toutes les fa?ons possibles et imaginables. Je n'?tais qu'un oui permanent ? tout ce qu'on pouvait me demander, ? part pour quelques ordres d?licats qui auraient mis en danger des gens. Il ?tait donc naturel que je sois empress? ? l'id?e de faire plaisir ? l'homme que j'avais en face de moi... Mais, ?tre amoureux de lui? Le d?sirer? Avoir envie de lui plaire comme une petite midinette empress?e? C'?tait des sentiments qu'une poup?e ne pouvait pas ressentir. Une poup?e n'?tait qu'une machine, juste un ordinateur ? pattes, ? trous et ? nichons! Mais voil?, moi, j'?tais plus que ?a: par la fusion de mon esprit humain avec mon programme d'ustensile ? plaisir, j'avais fait entrer des sentiments dans ma m?canique d'objet. Tous les ordres de mon programme, j'?tais oblig? de les r?aliser, mais je ne pouvais pas m'emp?cher d'y ajouter une sensation de satisfaction ou de douleur, une dimension d'espoir ou de r?pugnance. C'?tait terrible! Non seulement j'allais ob?ir en tout, comme une bonne poup?e, mais en plus j'allais devoir aimer ?a, ou en souffrir. Sans pouvoir rien contr?ler! J'?tais devenu cette poup?e id?ale, j'?tais ce fantasme qui m'avait inspir? lorsque je mettais au point des Lola, j'?tais la Lola parfaite! - Lola, reprit l'homme d'un ton morne, marche en montrant bien comme tu es jolie. Et, alors que quelques minutes auparavant, sur la cha?ne de montage, je n'avais pas le coeur de faire le moindre geste, je fus soudain pris d'une folle envie de marcher devant cet homme. Et je voulais ? tout prix faire de mon mieux, pour le voir satisfait. Mes jambes se mirent alors ? bouger, glissant l'une devant l'autre sensuellement. Les mains pos?es sur ma taille comme un mannequin, je faisais rouler mon bassin dans un d?hanchement langoureux. En m?me temps, mes zygomatiques artificiels tiraient l?g?rement sur mes joues pour que mon visage esquisse un sourire aguicheur. J'?tais parfait, je le savais. J'avais test? suffisamment de poup?e pour savoir ? quel point leur d?marche ?tait r?ussie. Mais c'?tait la premi?re fois que je le vivais de l'int?rieur! Je ne pouvais pas m'emp?cher de songer ? cet instant, dans le bureau de mon patron, ou j'avais fais avancer celle qui allait devenir Lola. Maintenant, c'?tait moi qui ?tais dans le r?le de la poup?e! Durant ces quelques pas, je fus ?tonn? de constater ? quel point ma fa?on de ressentir mes mouvements de poup?e ?tait diff?rente de celle d'un ?tre humain. Vu de l'int?rieur, mes gestes ne contenaient aucune sensualit?. C'?tait une m?canique qui s'ajustait, une succession d'ordres et de commandes qui se r?alisaient. Et il n'y avait aucune sensation qu'on pourrait qualifier de charnelle. En marchant, j'?tais ? la fois heureux de para?tre si s?duisant, mais ? la fois aussi compl?tement d?tach? de tout plaisir physique. Le mouvement de mon corps n'?tait qu'un encha?nement froid! L'homme cocha quelque chose sur sa feuille, puis il reprit: - Lola maintenant tu vas... Il toussa un peu et se tourna vers son coll?gue - Putain mais on se les g?le dans ce foutu hangar! C'est vrai qu'il faisait froid, je le savais, mes capteurs me donnaient toujours la temp?rature exacte. Sans plus attendre, je me mis en route pour pouvoir r?chauffer un peu l'amour de ma vie. Son coll?gue fit un geste dans ma direction et mon testeur se retourna. - Ho! Pas bouger, toi! Elle se croit o? l?? - Faut faire gaffe ? ce qu'on dit, repris l'autre en riant, tu sais bien que ces abruties font tout ce qu'on leur demande... - Sale m?tier, grommela mon grand amour. Et cet homme qui ?tait plus pr?cieux que mon existence me regarda. Et pour la premi?re fois je put lire un sentiment dans ses yeux: le m?pris! Puis il reprit la litanie indiff?rente de ses tests. - Lola, je te trouve ravissante C'?tait formidable, tellement extraordinaire. la vie ?tait merveilleuse tout d'un coup. J'?tais ? son go?t! Je souriais, et je resplendissais de bonheur! Il cocha. - Lola, tu as fait une b?tise... Une tristesse infinie s'empara de moi. J'?tais tellement m?chant! Je voulais dispara?tre, je ne m?ritais plus d'exister. Des larmes montaient dans mes yeux et ma petite bouche se tordait et tremblait. Il cocha. - Lola, j'aime que les filles aient du plaisir. Ma culpabilit? s'envola et ? la place, j'avais soudain une irr?pressible envie de me toucher entre les cuisses! Mes doigts effleur?rent ma fente savoureuse et le fr?lement me fit pousser un interminable g?missement de bonheur. C'?tait meilleur que tout! Je me r?pandais de jouissance devant lui. Et mon esprit d'homme, au fond de ma t?te de poup?e, ?tait oblig? de recevoir ce plaisir r?pugnant de fille. Je ne pouvais pas m'emp?cher de trouver ?a d?licieux, tout en ?tant ?coeur? ? l'id?e de ce que j'?tais en train de faire. Une honte atroce me submergeait... Il cocha. Puis il ajouta pour lui-m?me - Vivement qu'il soit l'heure de rentrer! J'en ai ma claque de ce m?tier de merde... Passer ses journ?es ? manipuler ces gadgets ? la con! Enfin, encore une qui est bonne pour l'exp?dition! Il me prit par la taille sans rien ajouter et il me bascula sur le c?t?. J'avais l'impression d'?tre une contrebasse coinc?e sous son bras. Il me posa sur un carton ?tal? ? plat sur une large table. Il attacha mon cou, mes poignets et mes chevilles avec des liens en plastique. Il en serra d'autres autour de mon ventre et de mes cuisses. Il rabattit ensuite les pans du carton et les agrafa pour faire une bo?te. J'?tais emball? ? la fa?on d'une poup?e Barbie grandeur nature. Devant moi, il y avait une ouverture recouverte d'un plastique transparent. Mais je ne pouvais voir que le plafond du hangar dans la position ou je me trouvais. Puis je reconnus le sifflement obstin? d'un moteur de chariot ?l?vateur. Les longues dents m?talliques de l'engin m'emport?rent et all?rent me d?poser plus loin. Trois minutes sept secondes plus tard, d'autres bo?tes de poup?es furent d?pos?es par-dessus la mienne, me plongeant dans le noir complet. Je me rendis alors compte que j'avais acquis une pr?cision ?lectronique dans ma mani?re d'?valuer le temps. L'ing?nieur que j'?tais trouva cela amusant... Puis le temps s'?tira. Sans que rien ne se passe. Au d?but, il y avait quelques bruits, lors des rotations du chariot ?l?vateur qui venait d?poser d'autres poup?es. Puis m?me cet ?v?nement d?risoire cessa. C'?tait la fin de la journ?e. C'?tait la nuit. J'?tais seul dans une bo?te, dans le noir, dans le silence. Il n'y avait rien. Rien que les secondes qui d?filaient avec r?gularit? dans ma t?te. Rien d'autre... Pendant si longtemps! Et l'ennui ne me faisait m?me pas souffrir. J'?tais seulement un imb?cile d'objet, pos? l?, inutile, parmi d'autres parfaitement semblables ? moi. Tout aussi inutiles. Un objet qui attendait avec espoir que quelqu'un ait besoin de lui. C'?tait mon seul sentiment... l'espoir. Et ce sentiment s'?tirait interminablement comme un bout de chewing-gum us?! Je n'?tais m?me pas capable de ressentir autre chose. Les heures pass?rent. Le silence durait, le travail ne reprenait pas dans l'usine. J'en tirais la conclusion que nous ?tions le week-end. J'allais devoir rester des dizaines d'heures occup? par rien du tout, plong? dans le noir, simplement ? attendre. J'imaginais ce que les gens ?taient en train de faire pendant ce temps. Ils ?taient ensemble, ils parlaient, ils s'amusaient, ils faisaient l'amour, ils se d?pla?aient quand bon leur semblait... Ils avaient une vie quoi! Bizarrement, tous les moments dans mon existence dont je n'avais rien fait me revenaient en m?moire. Ces instants de libert? que j'avais stupidement g?ch?. Alors que j'avais les moyens de r?aliser tant de chose. Je me souvenais de chaque invitation que j'avais d?clin?, de chaque nuit que je n'avais pas pass? ? faire la f?te, de chaque rencontre que j'avais rat?e, trop occup? par mon travail. Je me souvenais ensuite de mon adolescence et des rires moqueurs que les filles me jetaient ? la face, quand j'osais aborder ces orgueilleuses au printemps de leur beaut?. L'explosion de leurs charmes affolait les gar?ons et, perch?es sur leur pouvoir de s?duction, elles s'autorisaient toutes les cruaut?s! Et pour elles, je n'?tais qu'un amusant petit souffre-douleur perclus de timidit?! Bande de salopes! Finalement, c'?tait ? cause d'elles si je me retrouvais dans cette situation ridicule, chang? en vulgaire poup?e ? sexe rang?e dans un carton, attendant impatiemment que quelqu'un me dise quoi faire! Dire que je voulais me venger d'elles en concevant les Lola, quelle sale ironie tout de m?me... Un produit de supermarch? Apr?s 63 heures 19 minutes et 27 secondes, j'entendis ? nouveau des bruits dans le hangar. Le couinement du moteur du chariot ?l?vateur revint tourner autour de nous. 23 minutes et 4 secondes plus tard, je sentis qu'on soulevait la pile de bo?tes o? je me trouvais. On nous d?pla?a et on nous d?posa en un tas bien ajust?. J'entendis peu apr?s le bruit d'un gros moteur diesel qui d?marrait et des cahots firent tout trembler autour de moi. Je compris qu'on m'avait charg? dans un camion. J'?tais en route pour une destination inconnue. Pendant 3 heures 11 minutes et 3 secondes, j'entendis le vrombissement du vent dans la b?che mal ajust?e. Et puis tout se calma, les cahots ralentirent et le moteur s'arr?ta. J'?tais arriv? ? destination. De nouveau, les bo?tes furent manipul?es. J'?tais toujours dans le noir, coinc? dans la pile. Soudain je sentis le monde se renverser et le jour frappa ma prison de carton comme un ?clair. Le choc qui suivit imm?diatement me prit compl?tement par surprise. - Fais attention, bon sang! Tu as tout fait tomber! Tu vas g?cher la marchandise esp?ce d'idiot! - C'est pas ma faute, elles ?taient rang?es de travers! - C'est ?a, trouves-toi des excuses en plus... Les deux hommes se disputaient tout en relevant les grandes bo?tes. De l? o? j'?tais, je pouvais constater, ? leur fa?on de nous manipuler, qu'ils n'avaient vraiment aucun respect pour nous. Nous n'?tions que de la marchandise ? entreposer, rien de plus. Mais ?a ne m'emp?chait pas, sous l'effet de mon programme de poup?e, de palpiter rien qu'? l'id?e qu'ils allaient peut-?tre me sortir de l? et me donner un ordre... Rien que le fait d'entendre le son de leur voix me soulevait d'enthousiasme! Pourtant, je savais pertinemment qu'il n'y avait aucune chance pour qu'ils s'int?ressent ? moi... Ce fut finalement ? mon tour d'?tre ramass?. Je fus d?pos? dans une grande zone tr?s ?clair?e, au sol de carrelage propre et uniforme. Devant moi, il y avait de grandes portes en verre donnant sur un parking. L'ouverture transparente de ma bo?te ne me permettait de voir que dans cette direction, juste en face de moi. Je r?alisais que je me trouvais ? l'entr?e d'un vaste magasin. J'entendis de nouveau les deux hommes parler. - Bon, comme ?a, c'est parfait, elle est en plein milieu, on ne voit qu'elle! - Oui, les gens qui entrent ne peuvent pas la rater. Elle attire les regards! - Il vaut mieux! On en a command? des rayons entiers de ces poup?es sexuelles derniers cris. Il faut que ?a parte! - Ne t'en fais pas, on est la seule grande surface de sex-toys du secteur. Tous les gens vont se battre pour avoir ? leur service une de ces petites roulures d'amour en plastique. On va se gaver je te dis! Les hommes d?verrouill?rent les portes d'entr?e et la vente put commencer. Les clients entr?rent. C'est vrai que j'attirais les regards. Beaucoup de gens s'arr?taient et me fixaient. La bo?te laissait tout voir de ma nudit?, et personne ne se g?naient pour regarder les d?tails. Mon anatomie semblait ?tre ? leur go?t et, avec chaque nouveau client, j'?tais pris de l'intense espoir d'?tre emmen?, pour que la personne fasse de moi sa poup?e. C'?tait mon programme, je voulais plaire ? tout le monde! Mon esprit de Cyrille, enferm? dans le plastique, en souffrait, mais ?a ne changeait rien. Le probl?me, avec ma position, c'est que personne ne m'achetait jamais. j'?tais l? pour attirer le client, j'?tais la vitrine. Tous les gens que je r?ussissais ? s?duire allaient en rayons emmener une autre Lola que moi. Des gens, il y en avait tant! J'avais pens? au d?but voir d?filer une ribambelle d'associaux aux attitudes ?tranges. Des obs?d?s, des d?traqu?s, des d?sax?s. Mais la plupart des clients ?taient des personnes bien ordinaires. Des hommes surtout, un peu de tous les ?ges, mais aussi des couples et m?me des femmes seules. Certaines ?taient bien habill?es et des fois m?me, la coupe de leurs v?tements trahissait leur aisance bourgeoise. En fait, c'?tait un peu monsieur et madame tout le monde qui venait l?. Du moins, c'est l'impression qu'ils donnaient. C'?tait ?trange finalement. Chaque fois qu'un nouveau client passait la porte du magasin, j'avais un peu l'impression de me voir entrer. Ces personnes ?taient tellement semblables ? ce que j'?tais avant, quand je m'appelais encore Cyrille. D'un autre c?t?, l'apparence anodine de ces gens pouvait cacher les pires perversions. Apr?s tout, ma propre apparence de poup?e rec?lait bien l'esprit d'un ing?nieur enferm? ? l'int?rieur! Qui aurait pu le soup?onner, parmi tous ces curieux qui d?taillaient tout ? loisir mon corps artificiel et regardait mon sourire fig?? Et s'ils l'avaient su, qu'en auraient-ils pens?? Ils auraient ?t? excit?s? Ou ?coeur?s? Ils auraient peut-?tre voulu me porter secours ou, au contraire, ils en auraient profit? pour exercer leur sadisme sur moi? Le pire, pensais-je, c'est que dans la situation o? j'?tais, m?me un monstre abusant de ma souffrance d'homme coinc? dans une poup?e, ?a m'aurait combl? de plaisir... Maudit programme! O? avais-je la t?te le jour o? je l'avais mis au point! Le d?fil? d'inconnus continua des heures, des heures et des heures durant. Mon ordinateur de poup?e comptait le temps comme ?a: heures, minutes, secondes. Les jours, les mois, les ann?es ne voulaient plus rien dire pour la calculatrice que j'?tais devenue. La lumi?re succ?dait ? l'obscurit?, l'affluence des ouvertures alternait avec les p?riodes silencieuses et d?sertes, quand le magasin restait ferm?. Cela dura 2 267 heures 51 minutes et 32 secondes. Je vis ainsi entrer dans le supermarch? 13 537 personnes. 8 253 s'arr?t?rent pour jeter un oeil sur ma bo?te, dont 5219 rest?rent plus de trente secondes. Et toutes ces paires de yeux braqu?s sur moi ?taient, la plupart du temps, d?pourvues de tout sentiment. Les gens me regardaient par curiosit?, pour s'informer, pour ?valuer un achat. Ils ne me m?prisaient pas, il n'y avait pas de violence dans leur attitude, ni de sympathie non plus... Aucun sentiment pour moi en fait. J'?tais en dessous de ?a! Ils ne voyaient plus qu'un objet en moi. Est-ce qu'on m?prise une gazini?re? Est-ce qu'on est violent avec un frigo? Est-ce qu'on a de la sympathie pour une tondeuse? Ces gens, avec leur indiff?rence, me firent d?finitivement entrer dans le cr?ne que j'avais quitt? le monde des humains pour celui des choses. Je ne comptait plus pour personne. J'?tais une chose, qui doit servir, sans salaire, sans gratitude et sans repos. Mon destin, c'est d'?tre fonctionnelle. Ma maison de retraite, ce sera la poubelle! Apr?s 2 267 heures 51 minutes et 32 secondes, je fus retir? de l'endroit o? j'?tais expos?. On porta mon carton jusqu'? un coin recul? du magasin. J'?tais d?j? v?tuste, ringardis? par un nouveau mod?le. Je voyais le long des all?es les nouvelles Lola s'aligner, neuves, fra?ches, plus modernes. Je fus d?pos? avec celles de l'ancienne g?n?ration. Il n'en restait pas beaucoup. Ils nous mirent tout de suite en solde pour faire de la place. Nous ?tions les p?rim?es dont il fallait se d?barrasser. L'attente reprit. Je voyais beaucoup moins de monde de l? o? j'?tais plac?. Pourtant ceux qui venaient ici avaient tendance ? s'attarder davantage. Et la convoitise faisait plus souvent briller leurs yeux. Pour tous je semblais tr?s int?ressante, peut-?tre m?me plus que lorsque j'?tais expos?e ? l'entr?e. ?tait-ce l'intimit? de ce lieu recul? du magasin me demandais-je? En tout cas, c'?tait agr?able. Je me sentais d?sirable et j'?tais ? deux doigts d'?tre flatt?e qu'on me trouve belle! Pauvres illusions de poup?e ridicule! Il me fallut du temps pour comprendre qu'en r?alit?, c'?tait mon prix en baisse qui attirait ces personnes... Les poup?es se vendaient vite. Mon invention partait comme des petits pains. Au fur et ? mesure que je voyais les autres bo?tes emport?es, l'espoir en moi grandissait. Bient?t, ce serait mon tour de trouver un acqu?reur. J'attendais avec la patience infinie d'un objet. C'?tait un peu comme un march? aux esclaves, chaque visage pouvait ?tre celui de la personne qui allait d?cider de ma vie. Dans ma t?te de poup?e, je me demandais qui je voudrais comme ma?tre, ou bien comme ma?tresse... Et c'?tait bien l? le pire: alors que mon esprit d'homme h?t?rosexuel souhaitait de toutes ses forces se retrouver avec une femme, si possible jeune et pourquoi pas s?duisante... En fait, la poup?e Lola, elle, elle s'en fichait compl?tement. Tout ce qu'elle voulait, c'est qu'on la poss?de, et donner de l'amour ? son propri?taire, peu importe qui il soit! Dans cette incertitude o? j'?tais, je ne savais qu'une seule chose : quelle que soit la personne qui allait m'acheter, elle allait imm?diatement devenir l'amour de ma vie! Un vieil homme au visage creus? de rides et aux cheveux d'un blanc absolu s'approcha alors de moi. Il chaussa des lunettes et plissa les yeux pour lire les inscriptions sur ma bo?te. Il avait du mal, sa vue ?tait basse, et il r?p?tait les mots un ? un au fur et ? mesure qu'il les d?chiffrait. "Lola... La poup?e de compagnie... Elle a des d?sirs: les v?tres!" Il se redressa et me regarda bien en face. Il r?fl?chissait. "Tiens, c'est int?ressant comme concept!" finit-il par l?cher. Il h?la une vendeuse. - Dites-moi, mademoiselle, ?a fait bien cher quand m?me pour une sexdoll, dit le vieux grigou, avec l'air le plus d?sol? du monde, dans l'intention ?vidente de d?crocher un rabais. Et puis ce qui est marqu? sur l'emballage, je suis sur que c'est que du marketing! ? notre ?poque, les commerciaux ne savent plus quoi faire pour vendre leur truc! - Ne croyez pas ?a Monsieur, ces mod?les sont tout ? fait exceptionnels. je peux vous assurer qu'ils valent leur prix, et m?me au-del?! C'est vrai qu'elles sont bien plus ch?res que les poup?es ordinaires, mais ces poup?es-l?, elles font des choses bien au-del? de vos esp?rances. C'est bien simple, on croirait avoir affaire ? de vraies femmes, sauf qu'elles sont toujours d'accord avec vous! - Si elles sont d'accord, alors, ce ne sont pas de vraies femmes, glissa le vieil homme avec un sourire. La vendeuse encaissa la pique machiste avec un petit rire professionnel et elle reprit son la?us commercial. - Alors, imaginez comme ce sera nouveau de poss?der celle-ci! De plus, regardez, c'est une promotion. C'est vraiment une affaire Monsieur! D'ailleurs, c'est une des toutes derni?res qui nous reste dans cette cat?gorie. Honn?tement, je vous conseille de vous d?cider vite. Sinon, elle risque bien de vous passer sous le nez. Je le voyais h?siter. Il se frottait le menton en m'observant. Puis il dit: - Bon c'est entendu, je vous l'ach?te votre poup?e. Mais j'exige d'?tre rembours? si votre machin ne correspond pas ? sa publicit?! - Rassurez-vous Monsieur, il n'y a pas plus ob?issant qu'une Lola, conclut la vendeuse, satisfaite d'avoir emport? la d?cision. Pour mon malheur, je savais qu'elle avait raison... Et c'est ainsi que je trouvai finalement un propri?taire ? aimer. J'?tais inond? de bonheur alors qu'il me prit sous son bras et m'emporta ? la caisse.