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Les grandes vacances d'Arnaud
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Chapitre 1 : la rancune de Maria
Dans l'avion qui volait en direction d'Alicante, en Espagne, Arnaud
?tait sur son ordinateur. Il r?digeait un rapport pour son patron.
- Arnaud, tu ne peux pas d?compresser un peu? Je te rappelle que nous
sommes en vacances!
Alex poussa un soupir d'exasp?ration. Arnaud n'avait pas quitt? son
?cran des yeux depuis le d?part, alors que tous ses amis bavardaient
joyeusement, heureux ? l'id?e de se dorer pendant trois semaines sur les
plages m?diterran?ennes.
- Juste un truc ? finir! r?pondit Arnaud d'un ton rogue.
- Il y a toujours un truc ? finir avec toi! Tu ne sais pas t'amuser!
- Je dois finir ce dossier, c'est important! Ma carri?re est en jeu!
Arnaud, ?nerv?, avait presque cri?. Quelques personnes tourn?rent la
t?te vers lui. C'est vrai qu'il avait bien besoin de se d?tendre un peu.
Mais il n'arrivait pas ? oublier son travail, ne fut-ce qu'un moment.
C'?tait plus fort que lui. Il recommen?a ? taper fr?n?tiquement sur le
clavier de son ordinateur portable.
Arnaud ?tait un jeune cadre dynamique, intelligent, qui ? force
d'efforts avait r?ussi ? grimper les ?chelons. Il ?tait fier de ce qu'il
?tait devenu. Il n'avait pas trente ans et il occupait d?j? un poste ?
haute responsabilit?, dans un grand groupe financier. Il adorait son
travail. Il aimait cette lutte permanente pour ?tre le meilleur, encore
et toujours, qui lui procurait chaque jour des pouss?es d'adr?naline. Il
gagnait tr?s largement sa vie, parcourait tous les jours les quelques
brefs kilom?tres le s?parant de son lieu de travail dans une voiture
surpuissante aux allures de monstre m?canique, et habitait un grand
duplex vers la place de la Nation, ? Paris.
Il avait l'impression de r?ussir sa vie. Son seul regret, c'?tait qu'il
passait son existence enti?re plong? dans le travail. Le stress
finissait par l'user. Parfois, il se prenait ? r?ver d'avoir moins de
responsabilit?s. Il aurait voulu pouvoir s'arr?ter un peu, pour prendre
le temps de go?ter aux plaisirs de la vie.
C'est pour cela qu'il s'?tait laiss? convaincre d'accompagner ses trois
vieux copains, Alex, Xavier et Cyrille. Sans trop y croire, ils ?taient
venus lui proposer ce voyage au soleil de la Costa Blanca. Arnaud avait
d?cid? de laisser derri?re lui tous ses soucis, pour une fois. Et il
avait accept?. Mais d?s qu'il avait mis un pied dans l'avion, le naturel
?tait revenu, et Arnaud n'avait pas r?ussi ? d?tacher ses pens?es de son
travail. Il imaginait avec un sentiment d'horreur tout ce qui pouvait se
passer l?-bas, pendant son absence. Il y avait ce dossier ? rendre, qui
avait pris du retard. Et Arnaud pensait ? tous ses subordonn?s, si bons
camarades en apparence, qui n'attendaient en r?alit? qu'une occasion
pour lui souffler sa place. La concurrence ?tait sans piti?!
Arriv? ? l'a?roport d'Alicante, Arnaud sortit son t?l?phone portable et
se pr?cipita afin de capter du r?seau.
- Ouf! Enfin une connexion Wifi! Je vais pouvoir envoyer ce fichier ?
mon boss.
Arnaud ouvrit sa messagerie et vit d?filer tous les mails qui ?taient
arriv?s durant le court laps de temps du trajet en avion.
- Quoi? 34 messages! Mais c'est pas vrai! Les gens ne peuvent pas me
foutre la paix?!
Apr?s quelques heures de bus, Arnaud et ses amis finirent par arriver ?
Calp, destination de leur voyage.
- Les amis, dit Alex, voil? notre paradis pour les trois prochaines
semaines!
D?barqu?s ? l'h?tel, Cyrille r?ussit ? convaincre Arnaud d'aller ? la
plage pour s'?claircir un peu les id?es. Il lui fit miroiter toutes ces
jolies filles ? moiti?s nues, ? peine recouvertes de leurs bikinis, qui
n'attendaient qu'eux, ? quelques centaines de m?tres de l?, sur le
sable. Arnaud, all?ch? ? l'id?e de tous ces corps pulpeux et bronz?s, se
laissa fl?chir. Il adorait les courbes des femmes latines, et leurs
regards sombres et sauvages le mettaient dans tous ses ?tats. Arriv? sur
la longue plage ?tincelante, il d?vora du regard l'?talage des beaut?s
qui se pr?lassaient l?. Quelques secondes, toutes ses pr?occupations
s'envol?rent de son esprit. Ces br?lantes espagnoles s'exhibant dans
leurs maillots de bain l'excitaient terriblement.
La sonnerie du t?l?phone d'Arnaud r?sonna.
- Non! Ne me dis pas que tu as emmen? ton t?l?phone! s'?cria Cyrille
exasp?r?.
- Merde, c'est mon boss... Excuse-moi...
Arnaud se tourna pour ?chapper au regard de Cyrille et d?crocha.
Le reste de la bande rejoignit les deux jeunes gens. Tous ses amis
?taient afflig?s de voir ? quel point Arnaud restait prisonnier de son
travail. Ils voyaient tristement Arnaud s'?loigner sur la plage, le nez
dans son t?l?phone, passant ? c?t? d'une paire de jolies filles, sans
m?me voir leur sourire et les oeillades qu'elles lui d?cochaient.
Arnaud revint quelques minutes plus tard, toujours en pleine
conversation. Il ?tait compl?tement pris par ce que lui disait son
interlocuteur.
- Ok... Pas de probl?me, je t?cherai de trouver un peu de temps pour
cela... Vous pouvez compter sur moi! dit-il d'une voix calme et
rassurante.
Arnaud raccrocha et son expression changea soudain du tout au tout. Il
se mit ? crier.
- J'en ai vraiment marre! Putain de boulot! Putain de patron! Il ne peut
pas me foutre la paix un peu? J'en ai plein le cul!
Il jeta furieusement son t?l?phone dans le sable.
- Les gens ne peuvent pas comprendre que je suis en vacances? C'est
quand m?me pas compliqu? ? saisir non?
- Allez Arnaud, calme toi! dit Alex en ramassant le portable et en le
faisant discr?tement dispara?tre dans la poche de son bermuda. "Toujours
une tentation en moins pour ce pauvre vieux", se dit-il.
- Ce soir, reprit Cyrille, on te propose d'aller dans un bar du coin,
histoire de s'amuser et prendre du bon temps!
- Mais par piti?, s'?cria Xavier, promets-nous de ne pas ramener du
boulot avec toi! Essaye juste le temps d'une soir?e de simplement
t'amuser!
- Ok, je vais faire mon possible, r?pondit Arnaud en tendant la main
vers Alex, pour qu'il lui rende son portable.
Arnaud et ses amis se rendirent ainsi dans un bar pour la soir?e.
L'endroit, bond? de touriste, avait r?ussi ? garder un cachet local
assez plaisant. L'ambiance ?tait dynamique, les clients ?taient jeunes,
les odeurs multiples des tapas venaient chatouiller les narines et la
gent f?minine ?tait bien repr?sent?e, en nombre comme en qualit?. Tous
les amis se sentirent imm?diatement ? leur aise dans cet endroit... Sauf
Arnaud. Il n'arr?tait pas de penser ? son t?l?phone, cach? dans sa
poche. Et puis, apr?s s'?tre dit que c'?tait vraiment idiot de g?cher
cet instant, il se d?cida enfin ? appr?cier la soir?e. Apr?s quelques
bi?res, tous ses soucis avaient ?t? noy?s dans une douce euphorie.
Arnaud buvait vite, et il repassait commande imm?diatement. Il n'?tait
pas particuli?rement soiffard, pourtant, mais il ne se lassait pas de
voir la barmaid s'approcher de lui en roulant des hanches, se pencher en
d?voilant un d?collet? gonfl? de rondeurs g?n?reuses, lui faire un
sourire charg? de sous-entendus torrides tout en d?posant un nouveau
verre, rejeter sa broussailleuse tignasse aux reflets de nuits derri?re
ses fines ?paules et repartir en dodelinant de la croupe. Arnaud ?tait
sous le charme! ?g?e d'une vingtaine d'ann?es, cette fille avait tout
pour elle, et ses v?tements ultras moulants ne g?chaient rien du
spectacle, bien au contraire!
- Dis, donc, celle-l?, si elle a un pourcentage sur les consommations,
tu vas faire exploser son salaire Arnaud! s'esclaffa Cyrille qui avait
remarqu? le man?ge de son ami...
- Il y a autre chose qui va exploser dans pas longtemps, si cette fille
continue ? s'agiter sous mon nez...
Arnaud la regardait fixement, elle glissait son corps ?poustouflant
d'une table ? l'autre, aimantant les attentions masculines dans son
sillage.
- Putain, il faut vraiment que je me la fasse!
En m?me temps qu'il s'imaginait la mettre ? nu dans un lit, Arnaud ne
pouvait s'emp?cher de penser, dans un coin de sa t?te, combien la vie de
cette fille ?tait facile compar?e ? la sienne. Elle n'avait qu'? sourire
? tout le monde, pr?parer des cocktails et remplir des verres, aller les
d?poser sous les regards des hommes... Et tous les soirs, elle pouvait
choisir un m?le diff?rent, et se faire emmener dans des explosions de
sensualit? et des feux d'artifice d'orgasmes. L'amour d?bordait de son
corps de femme, c'?tait ?vident. Tout ?tait simple pour cette fille,
elle n'avait aucun soucis...
Pris dans ses pens?es, Arnaud n'?coutait m?me plus la discussion qui
agitait ses amis.
- ... Ha ha ha! Oui, mais ?a, c'est ce que tu t'imagines Alex! N'est-ce
pas Arnaud?
- Je... Hein? Euuuh... Excusez-moi... Je pensais ? autre chose...
Arnaud avait l'air compl?tement absent. Ses yeux continuaient malgr? lui
? suivre la silhouette charg?e de promesses de la barmaid. Ses trois
amis ?clat?rent de rire!
- Ne te retiens pas Arnaud, attaque! Sans ?a tu vas te rendre malade!
- Oui, vas-y, de toute fa?on, ?a cr?ve les yeux qu'elle n'attend que ?a!
Arnaud sourit, se leva, d?cid?, et se dirigea vers le bar. Ses amis le
regardaient partir ? l'assaut avec des clins d'oeil complices. Au moins
Arnaud avait compl?tement oubli? son boulot et son patron. C'?tait d?j?
?a...
Arnaud d?ploya toutes ses ruses. Il se fit doucereux, gentiment moqueur,
dr?le, flatteur juste ce qu'il faut. La fille commen?a ? le voir comme
un peu plus qu'un client ordinaire. Elle baissait progressivement ses
d?fenses. Vers la fin de la soir?e, Arnaud, victorieux, revint ? la
table o? ?taient ses amis et leur dit :
- Ne m'attendez pas! Ce soir, je suis en compagnie!
La fille s'appelait Maria. Un pr?nom de boniche espagnole pensa Arnaud.
Mais dans le lit, elle ?tait douce et docile, et Arnaud aimait ?a. Il la
recouvrit avec son corps muscl? et la besogna brutalement. Il la prenait
comme on s'empare d'une forteresse. Elle g?missait, d?fonc?e ? coups
vifs et rapides. Il soufflait sur elle, au fur et ? mesure que le
plaisir montait en lui. Avec sa verge dress?e, il avait l'impression de
poss?der ce corps tout en courbes et en masses mouvantes. Il entrait au
plus profond de ses moiteurs f?minines et elle se laissait faire,
emport?e par son plaisir. Il cracha son sperme, enfonc?, tendu au c?ur
de son ventre conquis. Elle cria sous l'orgasme, comme s'il lui faisait
mal. Arnaud se rel?cha et s'effondra lentement sur elle, exhalant un
soupir br?lant dans le creux de son ?paule.
Arnaud ne comptait pas s'attarder, il avait pris de cette fille tout ce
qui l'int?ressait. Il bascula sur le c?t? et se leva, ramassa ses
v?tements et commen?a ? se rhabiller. Un objet dur pesait dans la poche
de sa veste. Il sortit son t?l?phone machinalement, et l'alluma pour
regarder les messages. Une longue liste d?fila sur l'?cran. Comme si le
monde entier assi?geait sa messagerie, attendant qu'il r?ponde!
Il l?cha d'un ton ironique.
- Tu veux que je te fasse une confidence Maria? Tu n'as l'air de rien
comme ?a, juste une petite serveuse insignifiante. Ton seul atout en
somme, c'est ton cul! Tu le prom?nes toute la journ?e sous le nez des
hommes pour qu'ils te laissent des pourboires. Eh bien finalement, je me
demande si tu n'as pas de la chance... Tu as la vie facile. Aucun soucis ?
te faire, aucune question compliqu?e pour venir perturber ta jolie t?te.
Ta seule pr?occupation, c'est de choisir un mec pour te faire jouir le
soir. Et tu peux prendre qui tu veux, les types sont tous partant avec
toi, tu as la carrosserie qu'il faut pour leur donner des id?es!
Maria le regardait sans rien dire. Seuls ses yeux, qui se plissaient
lentement, trahissaient sa col?re.
- Tu vois o? j'en suis Maria? J'en arrive presque ? envier une fille
comme toi... Tu n'es peut-?tre qu'une demi-pute qui passe ses nuits ?
soulager les hommes, mais toi, au moins, tu n'as pas un bataillon de
parasites aux basques, qui viennent pourrir tes cong?s avec des rapports
interminables qu'il faut rendre de toute urgence!
Arnaud jeta le t?l?phone dans sa poche.
- Ah mais je suis con... J'imagine que les filles dans ton genre n'ont pas
trop les moyens de prendre des cong?s... En m?me temps, vu le coin, pour
toi, c'est comme des vacances toute l'ann?e! La plage ? deux pas, le
soleil, tu es l? o? il faut ma petite Maria... Quand je pense que moi,
pendant ce temps, je me tue au boulot, je ne compte pas mes heures, je
vis en permanence sous pression. Je rentre le soir pour n'effondrer dans
mon lit, et me lever ? l'aube pour recommencer... Et tout ?a pourquoi? Je
me cr?ve pour du pognon que je n'ai m?me pas le loisir de d?penser!
Arnaud regarda la fille, qui restait immobile dans le lit, nue. Son
visage ne manifestait aucune expression. Il eut un petit rictus
m?prisant.
- Pourquoi je te raconte tout ?a... Tu n'es m?me pas capable de
comprendre! Visiblement, tout ce qui est plus compliqu? que la
pr?paration d'un cocktail, ?a d?passe tes moyens ma pauvre fille... Me
voil? ? essayer d'expliquer la vie ? une tra?n?e ? touriste compl?tement
idiote! Une une parure de lit tout juste bonne ? ?carter les jambes pour
un soir...
Arnaud avait fini de s'habiller. Il se dirigea vers la porte, en
secouant la t?te, replong? dans ses soucis. Au moment o? il allait
partir, Maria jaillit hors du lit. Elle ne le montrait pas, mais elle
?tait affreusement vex?e par ce que venait de lui dire Arnaud. Chacune
de ses paroles l'avait br?l? comme un fer au rouge. Dissimulant sa
col?re, elle lui fit un sourire.
- Mon pauvre chou, dit-elle d'une voix gentille, tu te sens trop
stress?? Ta vie est pleine de tracas n'est-ce pas... Tu voudrais un peu te
sortir de tout ?a. Je sais bien que je ne suis pas intelligente comme
toi, mais ?a, je peux le comprendre...
Elle jouait les ing?nues pour endormir la m?fiance d'Arnaud. Elle avait
en t?te un moyen de se venger de cet idiot grossier qui ?tait venu
l'insulter jusque dans son propre lit!
- Si tu veux, je connais un moyen de te lib?rer pour le temps des
vacances... Et tu prendras beaucoup de plaisir je te le promets. Je ne
peux pas vraiment te dire en quoi ?a consiste, mais si tu es curieux,
viens demain ? T?rbena. C'est un petit village situ? dans les terres, ?
une trentaine de kilom?tres. Une fois l?-bas, tu n'auras qu'? demander
"le centre"...
Arnaud haussa les ?paules et il s'?loigna sans rien dire. Il pensait
?tre tomb? sur une timbr?e, une adepte d'une secte ou quelque chose dans
le style. Ce n'est m?me pas la peine de discuter avec ce genre de folle.
Mais ? ce moment-l?, son t?l?phone se mit ? sonner furieusement dans sa
poche. Arnaud baissa la t?te avec un air vaincu. Il se retourna vers
Maria, qui, nue sur le seuil de la porte, le regardait partir.
- C'est d'accord, je viendrais. Au point o? j'en suis, je n'ai plus rien
? perdre.
"C'est ce qui te trompe Arnaud", pensa Maria.
Chapitre 2 : Arnaud passe de l'autre c?t?
Dans le car bringueballant qui slalomait au gr? des tournants, sur la
route menant de Calp ? T?rbena, Arnaud se demandait pourquoi il avait
accept? cette proposition. Il s'enfon?ait au c?ur des terres, au milieu
des collines rouges et s?ches, dans cette Espagne ?cras?e de chaleur,
?pre, ?loign?e des grands flots de touristes. Il avait l'impression que
ce pays l'avalait, kilom?tre apr?s kilom?tre. Dans quel trou perdu se
rendait-il? Il n'en avait m?me aucune id?e. Il se traitait
int?rieurement d'imb?cile. Dire qu'il aurait pu passer la journ?e ? la
plage, avec ses amis, ? draguer les filles. Au lieu de ?a il ?tait
enfonc? dans le si?ge inconfortable de ce bus, et il perdait son temps ?
contempler la succession interminable des vallonnements sauvages. Et
tout ?a pourquoi? Pour se rendre au rendez-vous farfelu d'une fille qui
devait ?tre compl?tement timbr?e. Arnaud maudissait cette femelle et se
maudissait par la m?me occasion. Il aurait d? se contenter de prendre
son cul et ne pas pr?ter attention ? ce qui sortait de sa bouche.
Le car d?vala finalement une pente et arriva ? T?rbena. Ce n'?tait qu'un
petit village, br?l? par la lumi?re du plein midi. En descendant les
marches du car, Arnaud se demandait une fois de plus ce que diable il
faisait l?. Il marcha quelques minutes au hasard, dans les rues presque
d?sertes. Il commen?ait ? se dire que tout ?a n'?tait qu'une mauvaise
blague. La fille l'avait fait venir jusque dans ce patelin oubli? juste
pour se venger de ses remarques d?sobligeantes. Il ?tait sur le point de
retourner sur la place du village, trouver un caf? pour commander un
taxi, et peu importe le prix que ?a allait lui co?ter. Mais une grande
forme de verre, rectiligne, attira son regard au d?tour d'une rue. Il
s'avan?a et d?couvrit en bordure du village, derri?re les petites
maisons serr?es les unes contre les autres, une large esplanade donnant
sur un b?timent massif en forme de cube. Arnaud marcha vers le
quadrilat?re de b?ton enti?rement capara?onn? de vitres opaques. Apr?s
un moment qui lui parut interminable, ? se demander comment cette verrue
de modernisme ?tait venue se planter ? c?t? de ce village endormi,
Arnaud franchit la grande porte d'entr?e et p?n?tra dans un hall aux
r?sonances de cath?drale. Une r?ceptionniste attendait, oisive, derri?re
un guichet aux allures de murailles. La femme souleva vers lui un regard
hautain alourdi par des paupi?res trop maquill?es. D?contenanc?, Arnaud
l?cha d'une voix qu'il aurait voulue plus ferme le pr?nom de Maria. La
r?ceptionniste souleva son t?l?phone d'une main molle et quelques
secondes plus tard, une jeune femme ? la longue silhouette, moul?e dans
une blouse blanche, s'approcha d'Arnaud. Sous le chignon strict et les
larges lunettes, Arnaud mit du temps ? reconna?tre l'accorte serveuse
qui lui avait offert ses charmes la nuit derni?re.
- Qu'est-ce que tu... Qu'est-ce que tu fais l?? demanda Arnaud, en s'en
voulant imm?diatement d'avoir pos? une question aussi stupide.
- Tu t'imaginais quoi? Tu crois que, parce que je travaille dans un bar,
je ne suis qu'une petite cruche? Je suis doctorante, en r?alit?, et je
termine un stage ici. Le bar, c'est juste pour me faire un peu d'argent
avec les touristes!
Dans sa bouche, le mot sonnait comme une insulte. Arnaud se trouva b?te
et il d?testait ?a. Pour reprendre l'avantage, il l?cha n?gligemment :
- Eh bien, elle n'a pas l'air tr?s anim?e ta bo?te.
- Qu'est-ce que tu veux, c'est la crise. Quand les patrons ont fait
construire ici, ils esp?raient des commandes du monde entier. Mais ils
se sont mal d?brouill?s. On n'a pas assez de clients et la moiti? du
personnel ? d?j? ?t? licenci?e.
Elle l'emmena ? travers de longs couloirs bord?s de baies vitr?es
donnant sur des laboratoires. Dans certains, quelques personnes en
blouses s'affairaient autour d'instruments de pointes. Dans la plupart,
il n'y avait personne.
- Et vous travaillez dans quel domaine au juste?
- Le touriste veut savoir n'est-ce pas? Franchement Arnaud, tu crois que
je te fais visiter une curiosit?? C'est bien plus grand que ?a...
Arnaud se rendit compte qu'elle esquivait sa question et n'insista pas.
Elle lui fit passer une porte ?paisse donnant sur un sas aux murs de
m?tal.
- Nous arrivons, dit-elle en ouvrant la seconde porte du sas.
Ils d?bouch?rent dans une pi?ce vide, carr?e, haute de plafond, aux murs
nus. Il n'y avait pas un meuble, pas un objet. M?me pas d'?clairage. La
lumi?re venait d'une pi?ce contigu?, par une large ouverture dans un des
murs. Une ?paisse paroi de verre faisait la s?paration. En avan?ant dans
la pi?ce Arnaud vit qu'un des murs ?tait en fait un immense miroir. Il
se retourna pour regarder la pi?ce derri?re la vitre. ? ce moment, un
bruit m?tallique claqua derri?re lui. Maria venait de tirer la lourde
porte du sas, l'enfermant ici.
Il se jeta vers la porte et voulut tourner la manivelle qui commandait
l'ouverture. Elle ?tait verrouill?e! Arnaud commen?ait ? paniquer. Il se
sentait comme un rat de laboratoire enferm? dans une cage. Toute la
pi?ce lui semblait maintenant mena?ante. Il se mit ? crier en frappant
la porte de toutes ses forces.
- Arr?te cette plaisanterie! Maria! Ouvre cette porte tout de suite!
Maria apparut dans la pi?ce ?clair?e. Elle regardait Arnaud se d?battre,
prot?g?e par la vitre. Elle se pencha vers un micro et sa voix retentit
autour d'Arnaud.
- Je t'avais promis que tu pourrais oublier tes soucis pendant tes
vacances Arnaud. Eh bien, c'est le cas! En ce moment, tu es au c?ur d'un
centre de recherche ? la pointe de la technologie, et tu vas avoir la
chance d'?trenner une machine de plusieurs millions d'euros. Tu devrais
m'?tre reconnaissant du privil?ge que je t'accorde!
- Je... Non! Ouvre-moi! ?a suffit maintenant! Maria, ce n'est plus dr?le!
- Au contraire, c'est maintenant que ?a va devenir amusant. Tu vois, je
suis ?tudiante en biologie mol?culaire et ce que je vais faire
maintenant, c'est un peu le r?ve de toute ma vie. Tu imagines ce que ?a
serait, de pouvoir voyager d'un corps ? un autre, selon nos envies?
Devenir instantan?ment ce que nous souhaitons au plus profond de notre
coeur? Changer non seulement notre apparence mais aussi notre caract?re,
d'un simple claquement de doigt. Ce serait merveilleux n'est-ce pas?
Nous avons construit cette installation pour cela...
Tout en parlant, la jeune fille tapait sur un clavier d'ordinateur.
Autour d'Arnaud, les murs se mirent ? vibrer doucement. Une ?trange
puissance semblait se d?gager d'eux. Arnaud pouvait la sentir. Il avait
vraiment peur maintenant.
- Maria... Qu'est-ce que tu fais? Maria! Stoppe ?a imm?diatement! Maria!
Tu m'entends, arr?te ?a! Arr?te ?a tout de suite petite connasse!
- Oh, Arnaud, tu n'es pas poli avec celle qui va te permettre de
r?aliser ton voeu le plus cher... Rends-toi compte, cette machine permet
toutes les transformations et tu va ?tre le premier ? l'essayer.
Concentre-toi sur ce que tu voudrais vraiment ?tre! Repense ? ce que tu
m'as dit l'autre soir, sur cette vie sans soucis ? laquelle tu aspires...
Et quand j'appuierais sur ce bouton Arnaud, tu commenceras ta
transformation.
Le doigt de Maria resta suspendu quelques secondes. Il s'abaissa, tandis
qu'Arnaud poussait un cri de rage! Les murs lanc?rent des vagues de
chaleur, de plus en plus fortes. Arnaud avait l'impression d'?tre
enferm? dans un four. La panique gagna sur lui. Il se mit ? hurler et ?
taper sur la vitre. Maria le regardait sans bouger.
Des jets de fum?e furent propuls?s dans la pi?ce. Le gaz opaque
enveloppa Arnaud. Il s'attendait ? suffoquer, mais malgr? l'?paisseur du
nuage qui l'entourait, il pouvait continuer ? respirer sans probl?me.
La voix dans les haut-parleurs ?clata ? ses oreilles, comme si le son
venait d'?tre d?cupl?.
- Pense ? ce que tu voudrais Arnaud! Pense ? ton r?ve de l'autre soir!
Ne plus avoir de soucis Arnaud, ne plus s'en faire, se laisser mener...
C'est bien ce que tu veux non? Pense ? ?a, Arnaud!
Plong? dans un brouillard aux reflets multicolores, Arnaud, terroris?,
s'imaginait d?j? perdu. Il pensait qu'il allait mourir ici, entre les
mains de cette folle, pour quelques paroles malheureuses prononc?es par
inadvertance. Il se mit ? repenser ? sa vie. Le sentiment qui le
dominait, c'?tait le regret. Il avait r?ussi tout ce qu'il avait
entrepris, certes, mais ? cet instant, il aurait tant voulu emporter
avec lui quelques souvenirs moins aust?res. Des souvenirs de f?tes,
d'escapades, d'impr?vus. Il aurait voulu que sa peau se souvienne de
toutes les filles pass?es entre ses bras. Il n'y en avait pas eu assez.
Son esprit glissa vers l'image d'une belle latina alanguie, occup?e
seulement de son corps et de son plaisir. Arnaud remplit ses pens?es de
ce sourire innocent et de ce grand regard. S'il devait mourir, il
voulait que ce soit en compagnie de cette image. Une fille sensuelle,
docile, simple jusqu'? la stupidit?, ouverte aux d?sirs des hommes et ?
leur satisfaction. Une fille sans soucis, pr?te ? s'offrir parce qu'elle
aime ?a.
Le nuage kal?idoscopique se dissipa lentement. Arnaud distingua de
nouveau la pi?ce autour de lui. il retrouva le visage de Maria, qui le
regardait ? travers la vitre. Elle souriait. Arnaud se sentait bizarre.
Pris d'un pressentiment, il se tourna vers le miroir et avan?a dans sa
direction pour passer les derni?res volutes de fum?e, et voir son
reflet. Mais il avait une sensation ?trange en marchant. Il avait
l'impression que le sol ne se trouvait plus ? la m?me hauteur. Des poids
dans son corps le poussaient ou le tiraient sans qu'il s'y attende,
comme si son centre de gravit? avait brusquement chang?, comme si les
masses de chair n'?taient plus r?parties de la m?me mani?re sur lui. Son
pantalon glissa par terre, manquant de lui faire perdre l'?quilibre. ?a
alors, c'?tait bien la premi?re fois qu'une chose pareille lui arrivait!
Perdre son pantalon! Au bout de ses bras, il vit que ses manches
pendaient largement. Comme si ces v?tements avaient grandi! Arnaud se
demandait ce qui se passait.
Il eut alors la vision de son reflet. Il ?tait m?connaissable. Il
comprit que ses v?tements n'avaient pas chang?. C'?tait lui! Son corps
?tait moins grand! Mais ce n'?tait pas le pire...
? la place de l'homme qu'il avait toujours retrouv? dans son miroir, il
y avait maintenant une jeune femme aux cheveux ch?tains, coup?s court,
dont les franges encadraient des jolis yeux noisettes. D'assez petite
taille, elle arborait deux seins qui se dressaient fi?rement. Les globes
charnus n'?taient pas tr?s gros, mais assez tout de m?me pour qu'il
sente bien la diff?rence avec sa poitrine masculine enti?rement plate.
Il entra ses doigts dans ces rondeurs, qu'il trouvait compl?tement
saugrenues sur son torse. Il glissa ensuite sa main entre ses jambes et
fut travers? d'un frisson de surprise et de g?ne lorsqu'il rencontra une
zone vide ? la place de sa virilit?.
D'un coup, l'image du reflet disparu devant Arnaud. La nuit tomba sur
lui. Il ne voyait plus! Il lan?a ses mains en avant, titubant, cherchant
? retrouver un peu de lumi?re. Il ?tait plong? dans un noir total, il
?tait aveugle! Il hurla de terreur. Apr?s quelques secondes d'obscurit?,
Arnaud vit appara?tre des images dans son cerveau. C'?tait comme si il
les voyait non pas depuis ses yeux, mais depuis l'int?rieur de sa t?te.
Il n'avait jamais connu une pareille chose. Les images montraient ses
souvenirs. Il revoyait des tranches enti?res de sa vie, saccad?es. Les
gestes ?taient hach?s comme dans un vieux film parsem? de coupures.
Parfois apparaissait le visage de Maria regardant Arnaud.
En m?me temps que les images d?filaient, Arnaud sentait des sortes de
spaguettis, longs et fins, qui entraient sous son cr?ne. Ils
farfouillaient dans sa t?te, se glissant dans les circonvolutions de son
cerveau pour se placer ? l'int?rieur. Du moins, c'est l'impression qui
envahissait Arnaud. Il eut peur ? nouveau, une peur terrible, pire que
toutes les autres. Il se prit la t?te et roula sur le sol en tr?pignant.
Il entendit un grand claquement m?tallique et quand il ouvrit les yeux,
il vit Maria qui se penchait sur lui, souriante. Arnaud lan?a des
regards affol?s autour de lui. Il voyait ? nouveau normalement. Il se
remit debout et fut surpris de d?couvrir qu'il avait maintenant la m?me
taille que Maria, alors qu'avant d'entrer ici il la toisait facilement
du haut de son m?tre quatre-vingt-deux.
- Tu vois dit Maria tranquillement, tout va bien...
- Non! Ce... Ce n'est pas ce que je voulais! Pas ?a! Rechange-moi tout
de suite! Je veux retrouver mon corps d'homme! Je... Je ne suis pas une
fille!
- D?sol?e, mais c'est toi-m?me qui as d?cid? de ton sort Arnaud! La
machine n'a fait que lire en toi, elle t'a transform?e en fonction de ce
que tu avais en t?te, je n'y peux rien.
- Alors, remets-la en route! Imm?diatement! Je me concentrerais pour
annuler tout ?a! Je veux retrouver mon corps!
Maria posa sa main sur le bras d'Arnaud.
- Allons, r?fl?chis... Es-tu certain que tu ne veux pas tenter
l'exp?rience? Devenir une jolie jeune fille espagnole, juste le temps de
tes vacances?
- Mais je ne suis pas espagnole! Je ne parle m?me pas espagnol!
- Tu crois? Maria lui fit un petit clin d'oeil
Arnaud se rendit compte que, depuis qu'il avait atterri dans ce corps,
il ne s'exprimait plus en fran?ais. Il avait parl? espagnol! ?a lui
?tait venu naturellement.
- Je te l'ai dit Arnaud, la machine n'agit pas que sur le corps, mais
aussi sur l'esprit des gens. Visiblement dans ton esprit, une fille
comme toi parle automatiquement espagnol.
Arnaud essaya de parler fran?ais. Cela lui demanda un effort, mais il y
parvint. Cela le soulagea un peu de d?couvrir qu'il n'avait pas perdu sa
langue natale.
- Arnaud! Imagine! ?tre une fille qui attire les gar?ons et se fait
faire l'amour quand elle en a envie. Tu pourras coucher avec n'importe
qui, quand tu le souhaites! ?a ne te tente pas? Pense au plaisir que tu
peux prendre...
Arnaud regardait son corps dans la glace. Il ressentait une petite
pointe d'excitation.
- Sans compter que tu pourras enti?rement laisser tes tracas derri?re
toi. Pendant quelques semaines, tu pourras tout oublier, tu n'auras qu'?
t'amuser, tu pourras jouer avec tes atouts f?minins. Ta seule
pr?occupation, ce sera de te faire belle et d'?tre attirante. Tu es une
jolie fille, il faut en profiter...
Arnaud commen?ait ? trouver l'id?e s?duisante.
- Allez! C'est juste le temps de tes vacances! Reprit Maria, qui le
sentait h?siter. Apr?s, tu redeviendras toi! Tout ce que tu auras ?
faire pour retrouver ton apparence d'homme, c'est de repasser dans cette
machine en pensant ? l'homme que tu ?tais. Tu vois, ce n'est pas bien
compliqu?...
Arnaud prit le temps de d?tailler son corps dans le miroir. Son image
?tait parfaite et cette id?e, bizarrement, faisait monter des chaleurs ?
travers son ventre. Avec ce corps, Arnaud se sentait soudain plus libre
que jamais. Cette occasion est unique, se disait-il. Si je ne la saisis
pas, je n'en retrouverais pas de semblable de toute ma vie! Mais quelque
chose l'arr?tait encore.
- Mes amis! Ce n'est pas possible, je ne peux pas me montrer comme ?a
devant eux! Que penseraient-ils de moi, si je leur disais que je veux
passer trois semaines dans le corps d'une fille!
- Ils n'en sauront rien voyons! Tu n'auras qu'? pr?texter un retour
d'urgence ? Paris ? cause de ton travail.
- Mais... O? je vais aller? Je ne connais personne ici ? part eux!
- Si tu veux, je peux m'arranger avec un ami qui travaille dans un
h?tel. Ils ont besoin d'une r?ceptionniste. Tu parles espagnol, fran?ais
et anglais, tu pr?sentes bien, avec ma recommandation, ils
t'embaucheront tout de suite. Le boulot n'est pas tuant et tu auras une
petite chambre dans les combles de l'h?tel.
Arnaud leva les yeux au ciel. Une chambre dans les combles! Lui qui
s'enorgueillissait d'un compte en banque ? cinq chiffres. Mais apr?s
tout, ? la guerre comme ? la guerre... Il n'?tait plus un jeune cadre
fringuant. Il n'?tait qu'une fille d?sormais. Ce travail lui permettrait
d'exp?rimenter son corps de femme tout ? loisir.
- Ok j'accepte, mais seulement pour quelques jours.... De toute fa?on,
apr?s je redeviendrais moi...
- Bien entendu! R?pondit Maria en souriant. Au fond d'elle, elle
jubilait! Arnaud se laissait mener par le bout du nez, comme elle
l'avait escompt?.
- Allons, viens, tu ne peux pas te promener avec tes v?tements d'hommes,
ils sont bien trop grands pour toi, c'est ridicule!
Maria emmena Arnaud dans les vestiaires du personnel de l'entreprise, et
lui trouva des vieux habits. Ils ?taient largement pass?s de mode, mais
au moins, c'?tait des v?tements f?minins, ? la taille du nouveau corps
d'Arnaud.
Arnaud se sentit ? la fois excit? et humili? en enfilant la jupe. Au
moment de ressortir du b?timent, Maria lui tendit un bout de papier.
- Voil? l'adresse de l'h?tel. Dis-leur que tu viens de ma part. Et
pr?sente-toi ? eux comme ? C?cilia ?. Ils seront pr?venus...
- Pourquoi ? C?cilia ??
- Tu t'es regard?? Maria jeta un petit regard m?prisant le long de
l'anatomie f?minine d'Arnaud. Tu n'esp?res quand m?me pas que les gens
vont continuer ? t'appeler Arnaud non?
Chapitre 3 : jeux de mains jeux de vilaine
Le voyage de retour vers Calp fut tout ? fait diff?rent de l'aller.
Autant le premier trajet avait ?t? ennuyeux, autant le second ?tait une
surprise de tous les instants. Arnaud faisait na?tre des regards chez
les hommes. Des regards charg?s d'envie. Des regards vibrants, lourds de
d?sirs et de force contenus. Avec son physique de fille, Arnaud ?tait
capable de provoquer tout ?a, sans m?me le faire expr?s. Dans la rue, il
devait avancer avec leurs yeux braqu?s sur lui. Les t?tes se
retournaient sur son passage. Arnaud avait l'impression d'?tre comme une
pi?ce de viande qu'on examine. C'?tait bizarre d'?tre ainsi convoit? par
d'autres hommes. C'?tait tellement nouveau pour lui! En tout cas, Maria
avait raison : C?cilia ?tait belle. Il ne tenait qu'? Arnaud d'en
profiter.
Il d?cida une bonne fois pour toute de voir les choses du bon c?t? et
entra dans l'h?tel.
Il se pr?senta ? l'accueil.
- Je m'appelle Arn... C?cilia. Je viens de la part de Maria, elle a d?
vous pr?venir...
Arnaud parlait d'un ton mal assur?. Il ?tait encore troubl? de
s'exprimer ainsi en espagnol.
- Oui, le patron vient de m'avertir. Vous ?tes la nouvelle
r?ceptionniste n'est-ce pas? Maria nous a dit le plus grand bien de
vous... Vous prendrez votre service demain. Voici les cl?s de votre
chambre, c'est la 705.
Arnaud monta jusqu'? une chambre de bonne, situ?e tout au fond d'un
couloir mal ?clair?. Il se trouvait dans l'h?tel o? lui et ses amis
?taient descendus. Mais sa version f?minine n'avait pas droit aux m?mes
honneurs que le riche jeune homme qu'il ?tait la veille encore. La
chambre ?tait minuscule, et sentait le renferm?. Arnaud prit alors son
t?l?phone et ?crivit un SMS.
" D?sol?, urgence au boulot, je file ? Paris par le premier avion.
Amusez-vous bien, tchuss. Arnaud. "
En envoyant le message, il savait tr?s bien que ses amis allaient ?tre
terriblement d??us par son attitude. Mais ils ne seraient pas surpris.
Abr?ger ainsi ses vacances, en les plantant l?, pour rejoindre son
travail, ?a lui ressemblait tellement! Ils ne se douteraient de rien. En
attendant, Arnaud devrait supporter d'occuper le r?le de la jolie
r?ceptionniste d'un h?tel ? touriste. ?a ne lui plaisait pas beaucoup,
mais il n'avait pas de meilleure solution pour l'instant.
Il regarda son visage de jeune fille dans le miroir de la petite salle
de bain, en repensant ? ses amis. "S'ils savaient!" se dit Arnaud. Dire
qu'il allait, pendant quelques jours, les c?toyer sous sa forme
f?minine, sans qu'ils puissent deviner que sous ce corps excitant se
cachait en r?alit? leur ami Arnaud. Cette id?e l'amusait ?norm?ment.
Le t?l?phone en main, Arnaud voyait les mails qui n'arr?taient pas de
s'?chouer dans sa bo?te de r?ception. Il y avait d?j? 68 non lus. Les
titres des mails s'accompagnaient de mots en majuscules, "urgent",
"d?cision ? prendre" ou encore "? rendre dans la soir?e". En temps
normal, Arnaud aurait paniqu?. Il aurait pris le temps de tout lire et
de r?pondre ? chaque message. Mais pas l?. C'?tait ?trange. C'?tait
comme si tout ?a ne lui semblait plus si important. Arnaud se sentait
l?ger. Rien n'?tait plus "urgent", tout pouvait attendre. Tout ?tait
futile dans sa t?te de fille. Et rien ne comptait vraiment, compar? ?
l'excitation d'?tre dans ce corps!
Arnaud posa son t?l?phone sur l'armoire de la salle de bain et commen?a
? se caresser les seins. C'?tait doux et le contact sur sa peau le
chatouillait d?licieusement. Il se dirigea vers son lit, s'allongea et
laissa ses doigts d?couvrir lentement son anatomie. Son exploration
s'attarda sur sa fente qui s'?tait mise ? palpiter ? son contact. Ce
corps de fille ?tait vraiment extraordinaire. Il ?tait si fragile, si
menu par rapport ? son corps d'homme, muscl? et solide. Mais en m?me
temps, il ?tait tellement sensible. C'?tait une sensation formidablement
intense, d'avoir sous ses doigts cette vulve qui avait remplac? son
p?nis.
Arnaud jeta rapidement ses v?tements au pied du lit et il commen?a ?
jouer avec son plaisir. Il glissait, s'enfon?ait, pin?ait ou frottait sa
peau en touches rapides. La jouissance ?tait son guide, elle le
remplissait en vagues pleines qui s'?talaient dans son ventre, gagnant
par oscillations l'ensemble de son corps. C'?tait fort, meilleur que
tout ce qu'Arnaud avait jamais imagin?! Il n'?tait plus qu'une vibration
de plaisir, offerte par toutes ses chairs, tendue. Il poussait des
g?missements tendres, haletants ou d?chir?s, puis quand l'orgasme
cr?pitait en lui comme un grondement d'orage, il se vidait dans la
jouissance en s'oubliant dans les cris. Et il recommen?ait! Ce corps
semblait ne pas conna?tre la fatigue, sa faim d'extase ?tait plus forte
que tout! Il finit par s'effondrer, tard dans la nuit, happ? par
l'inconscience, apr?s un orgasme plus d?vastateur que les autres. Son
sexe ?tait tremp? sous sa main.
Lorsqu'Arnaud ouvrit les yeux, il s'imagina un court instant que tout ?a
n'avait ?t? qu'un r?ve bizarre et merveilleux. Cette d?couverte du
plaisir f?minin l'excitait tellement que, encore dans un demi-sommeil,
il glissa sa main entre ses jambes, pour se masturber. Mais il ne trouva
rien sous ses doigts! Il ouvrit les yeux. Il s'attendait ? voir autour
de lui sa luxueuse chambre d'h?tel. Mais ? la place, il n'y avait que
des murs aux rev?tements de pl?tre sale, fatigu? par le temps. Il
r?alisa que tout ?tait vrai! Son corps de fille et les jouissances de la
veille n'?taient pas des fictions produites par le surmenage de son
esprit fatigu?. C'?tait r?el.
Il se leva puis alla en direction du lavabo, surmont? d'un miroir piqu?
et ?br?ch?. Il prit le temps de regarder son reflet de fille. C'?tait
extraordinairement d?routant, cette image en face de lui, qu'il
n'arrivait pas ? reconna?tre comme la sienne. Il ne parvenait pas ?
r?aliser que ce corps si bandant ?tait le sien! En s'examinant, il eut
l'impression qu'il avait l?g?rement chang? depuis la veille. Sa peau
tirait maintenant vers l'oliv?tre, et Arnaud se trouvait plus petit
encore que lors de sa transformation ; ses yeux verts s'?taient
assombris et dans sa tignasse ch?taine se glissaient maintenant des
reflets noirs. Arnaud se demandait ce que cela signifiait. Est-ce que sa
m?tamorphose se poursuivait?
Il n'eut pas le temps de vraiment paniquer ? cette id?e. Une migraine
subite explosa dans son cr?ne. Se tenant la t?te, les yeux pliss?s,
Arnaud vit d?filer devant ses paupi?res closes des images de gens. Des
gens, immobiles, qui le regardaient fixement. Arnaud ne voyait que leur
buste et leur t?te, avec leurs yeux braqu?s devant eux. Intercal?s dans
ce d?fil?, Arnaud vit encore des souvenirs de sa vie d'homme, comme la
veille. Mais il y en avait moins, beaucoup moins. La douleur
s'interrompit d'un coup. Arnaud ouvrit les yeux. Le d?fil? d'images
avait cess?.
Le regard d'Arnaud tomba sur le r?veil, au pied de son lit. Il devait se
d?p?cher, sinon il allait ?tre en retard pour son premier jour de
travail.
Arnaud sortit les v?tements qu'on lui avait donn?s lorsqu'on l'avait
embauch?. L'uniforme de l'h?tel : un tailleur bordeaux - veste serr?e ?
large d?collet? et jupe courte fendue sur le c?t? - des collants clairs
et une paire d'escarpins ? talons. Arnaud se rappelait qu'? son arriv?e,
il avait trouv? la r?ceptionniste de l'h?tel bien sexy dans cet uniforme
bref et moulant. Elle lui avait sourit et, sans g?ne, il avait reluqu?
ses seins, sa croupe et ses jambes. D?sormais, c'est lui qui devrait
sourire, et qui se ferait reluquer.
En marchant dans les couloirs de l'h?tel, Arnaud fut surpris de
d?couvrir qu'il arrivait sans difficult? ? garder son ?quilibre sur les
fins talons de ses chaussures. Cela lui faisait tout de m?me bizarre, de
sortir ? la vue de tous, dans ces v?tements de fille.
Apr?s un rapide briefing de l'homme qui ?tait charg? du service de nuit,
Arnaud prit son poste derri?re son comptoir. Tr?s vite, les clients
arriv?rent et commenc?rent ? le solliciter.
Le travail d'Arnaud ?tait d'une simplicit? affligeante. Il devait
sourire ? tout le monde, d?crocher le t?l?phone pour donner toujours les
m?mes informations - les tarifs de l'h?tel et le nombre de chambres
disponibles - appeler un porteur pour les gens trop charg?s et
transmettre toutes les demandes trop compliqu?es aux employ?s
comp?tents. Un travail d'idiote, se dit Arnaud, un travail sans int?r?t,
bien loin de ses responsabilit?s de cadre dans le monde de la finance.
Ce qui surprenait Arnaud, c'?tait sa facilit? ? parler espagnol. Alors
qu'il ne baragouinait pas trois mots de cette langue l'avant-veille
encore, il l'utilisait maintenant avec le m?me naturel que si c'?tait sa
langue natale! M?me le roulement des "r" ou la prononciation du "j", si
caract?ristiques, ne lui posait aucun probl?me.
Le probl?me, c'?tait les clients. Comme Arnaud ?tait l? pour leur donner
l'envie de rester, il devait ?tre une fille tout ? la fois polie,
gentille, sexy et pas b?gueule. Et sourire ? chacun, quelles que soient
les circonstances. ?a incitait les clients ? avoir l'exigence facile.
Pour eux, apr?s tout, Arnaud n'?tait qu'une employ?e subalterne. Une
larbine. Une jolie plante, pos?e l? pour les charmer et r?gler leurs
soucis. Arnaud devait le supporter. C'?tait humiliant et en m?me temps,
?a avait quelque chose d'excitant. Toutes ces personnes ?taient plus
importantes que C?cilia, ils pouvaient la regarder de haut, c'?tait
normal, elle n'?tait que la r?ceptionniste. Et Arnaud frissonnait ?
l'id?e que d'une mani?re ou d'une autre, ces gens d?couvrent qui il
?tait en r?alit?. Que penseraient-ils, s'ils savaient qu'il ?tait en
fait un cadre sup?rieur? Ils le m?priseraient, c'est certain...
Ceux qui profitaient bien de sa position sociale inf?rieure, c'?taient
les hommes. Ils constituaient la majorit? des r?sidents. L'h?tel avait
ax? sa publicit? pour attirer une client?le jeune et c?libataire. Quand
ils arrivaient devant son guichet pour r?server une chambre, ils ?taient
plus chauds qu'un midi au soleil, alcoolis?s parfois, et avec dans la
t?te des id?es de belles espagnoles faciles. Et Arnaud ?tait celle qui
devait les recevoir. La plupart du temps, leurs yeux d?shabillaient son
corps sans vergogne, comme si Arnaud se r?sumait ? une paire de seins et
une paire de fesses. Ils ne parlaient qu'? son d?collet?, sans prendre
la peine de s'int?resser ? son visage. Les plus grossiers se donnaient
du coude et l?chaient des allusions d'une voix claire, pour qu'Arnaud
les entende. Ils essayaient de choquer la demoiselle. Parfois des mains
s'approchaient dangereusement de ses courbes. Arnaud d?couvrait le
sentiment d'une jolie fille : ?tre sollicit?e en permanence, par tout le
monde, livr?e ? tous ceux qui s'imaginent qu'elle est en libre-service.
Et elle devait leur sourire, tout le temps, ? tous. Et ?a les
encourageaient.
En m?me temps, il y avait un plaisir ? provoquer tous ces hommes. Arnaud
avait beau ?tre de petite taille et physiquement faible, les hommes
avaient beau dominer son corps f?minin de leur stature et de leurs
muscles, Arnaud avait son pouvoir de fille. ? coup de d?collet? ouvert
et de fessier cambr?, il les allumait comme il voulait. Leur faire tirer
la langue donnait ? Arnaud un sentiment de puissance.
Il y en avait beaucoup qui lui proposait de sortir avec eux. Arnaud se
disait qu'il suffisait d'un mot pour qu'ils lui offrent une vir?e, un
restaurant, des cadeaux peut-?tre, moyennant seulement un passage dans
leur lit. En somme, quand on est une belle fille, les hommes sont pr?ts
? vous courtiser pour avoir le droit de vous donner du plaisir! C'est
quand m?me formidable d'?tre canon! Et gr?ce ? son corps sexy, Arnaud
pouvait avoir acc?s ? tout ?a, aussi souvent qu'il le voulait!
? cette id?e, Arnaud se mordit la l?vre en se traitant int?rieurement de
cr?tin. Lui qui, avant-hier encore, regardait Maria de haut! En fait, se
disait-il, je ne vaux pas mieux que cette barmaid et les filles dans son
genre. Je passe ma journ?e ? faire un travail stupide, ? sourire et ?
exciter les hommes, et en plus, je suis contente!
En fin de matin?e, Arnaud sentit une d?charge d'excitation le traverser.
Il venait d'apercevoir ses amis qui descendaient de leur chambre. Ils
allaient se croiser. Instantan?ment, Arnaud eut l'impression d'?tre tout
nu. Si ses amis le reconnaissaient, dans ce corps de fille, il en
mourrait de honte! Il croisa leur regard, certain qu'ils allaient tout
d?couvrir. Mais ils pass?rent ? c?t? de lui, sans m?me arr?ter leur
conversation.
- Mais quel abruti, cet Arnaud, quand m?me! Nous l?cher comme ?a, juste
pour son boulot! disait Cyrille
- Oui, il aura tout manqu?. M?me cette jolie r?ceptionniste... Vous avez
vu le regard qu'elle nous a lanc?? Elle a l'air d'en vouloir, cette
petite salope!
"S'ils savaient qui il y a, dans le corps de la petite salope!" se
disait Arnaud. Il ?tait ? la fois rassur? et en m?me temps humili? par
les paroles de ses amis. Ils n'avaient vu en lui qu'une jolie
carrosserie, un trou ? fourrer pour enrichir leur collection. Juste une
fille bonne pour la baise.
Les heures s'?tal?rent, succession monotone de t?ches d?risoires, de
regards masculins d?plac?s et d'allusions plus ou moins lourdes. Arnaud
avait craint de s'ennuyer, mais m?me pas. Ce rythme r?p?titif semblait
convenir parfaitement ? son temp?rament f?minin. En fin d'apr?s-midi, il
vit entrer un groupe de touristes am?ricains. Trois hommes et une jeune
femme. Elle ?tait jolie, mais pas autant qu'Arnaud, sous sa forme de
C?cilia. Les trois hommes se d?lectaient les yeux des courbes d'Arnaud,
pendant que la jeune femme posait sur elle un regard glacial. Elle se
montra tout de suite d?sagr?able.
- Nous avons r?serv? des chambres avec salle de bain. Il y a une
baignoire au moins n'est-ce pas? Le prospectus montrait une baignoire
mais on vous conna?t. Vous essayez toujours de carotter les touristes!
Je vous pr?viens, s'il n'y a pas de baignoire, je ne reste pas une
minute de plus!
Arnaud garda le silence, quelques secondes. Tout s'embrouillait dans sa
t?te. Il reconnaissait la langue, il savait que c'?tait de l'anglais,
mais il n'avait saisi que quelques mots noy?s dans un charabia.
L'ensemble n'avait aucun sens! Alors que ces derni?res ann?es, il avait
pass? le plus clair de son temps au travail ? parler anglais, il
n'arrivait plus ? comprendre cette langue.
Affol?, il r?pondit un "oui" timide, en esp?rant que les clients s'en
contenteraient. Derri?re le groupe de touristes, Arnaud voyait le
directeur de l'h?tel qui ?tait sorti de son bureau. Visiblement, il
voulait juger des performances de sa nouvelle r?ceptionniste.
La fille reprit de plus belle, pas du tout rassur?e par la r?ponse
h?sitante d'Arnaud. Elle s'?nerva, le ton monta. Arnaud continuait ?
r?pondre "oui".
- Je vous demande combien ?a co?te, en suppl?ment, l'utilisation du
minibar?
- Oui...
- Non mais... Vous me prenez pour une conne ou quoi?
- Oui...
Le directeur intervint ? ce moment-l?. Dans un anglais impeccable, il
calma les clients. Il commanda un bagagiste pour les accompagner ? leur
chambre, puis, lorsqu'ils eurent disparu dans l'ascenseur, il se tourna
vers Arnaud. Le sourire bienveillant accroch? ? sa bouche disparu
instantan?ment.
- Non mais, esp?ce de petite pouf, tu te crois dr?le? Tu t'imagines que
je vais te laisser foutre le bordel dans mon ?tablissement?
- Mais je... Je n'arrivais pas...
- Silence morue! Non seulement tu n'es pas foutue de r?pondre ? une
question, mais en plus tu as mauvais genre! Ce matin je t'avais mal
regard?e, je trouvais que tu avais du style. Mais maintenant, j'ai
l'impression que tu as une t?te ? t'occuper des poubelles! Pas de ?a ?
la r?ception, tu es vir?e!
Arnaud fut ramen? ? sa chambre par le vigile, qui resta devant la porte
le temps qu'il enl?ve son uniforme. Il fouilla dans le sac de v?tements
que lui avait donn? Maria et enfila la premi?re chose qui lui tombait
sous la main. Arnaud se retrouva ? la rue quelques minutes apr?s. Il se
sentait perdu. Il ?tait une fille et il n'avait nulle part o? aller. Et
surtout, la tournure des ?v?nements commen?ait ? vraiment lui faire
peur. Il y avait eu ces flashs, ce matin devant la glace, maintenant,
l'anglais disparaissait de son esprit, et pour couronner le tout, il
venait de se faire ?jecter de son logement. Il devait voir Maria de
toute urgence!
D?cid?ment, quelque chose ne tournait pas rond dans cette affaire.
Chapitre 4 : tout est bon dans la boniche
Arnaud arriva au bar o? travaillait Maria. Les hommes qui prenaient un
verre tourn?rent la t?te dans sa direction. Arnaud portait une robe
mini, s'arr?tant ? la naissance de ses cuisses, largement ouverte sur
ses seins et son dos, et ultra moulante. Les m?les appr?ci?rent en
connaisseurs et Arnaud se sentit g?n? d'?tre ainsi ?valu?. Maria ?tait
tout au fond, derri?re le comptoir. Arnaud devait traverser tout le bar
pour la rejoindre. Quand il passa au milieu du groupe d'hommes, une
claque sur ses fesses rebondies le fit sursauter et couiner de surprise.
Arnaud se retourna, indign?, vers le mufle qui riait avec ses amis.
Arnaud aurait voulu lui d?crocher un bon coup de poing, pour avoir os?
faire ?a. Mais il n'avait pas la force, il n'?tait qu'une fille. Il
devait subir ce genre d'humiliation sans broncher. Arnaud se retourna
vers Maria qui l'interpellait, en espagnol.
- Alors C?cilia, encore en train de te comporter comme une petite puta?
Tu as l'air d'aimer ?a ? ce que je vois... Qu'est-ce que tu veux, les
filles comme toi, elles ont ?a dans le sang!
Il ?tait ?nerv? que Maria prenne les choses avec autant de d?sinvolture.
- Arr?te de te moquer de moi! C'est terrible ce qui m'arrive! Je crois
que je continue ? changer!
Maria eut un sourire ironique.
- Ah bon... Tu crois?
- Je suis s?rieux Maria, je n'arrive plus ? parler anglais et ce matin,
il y avait des images qui venaient dans ma t?te, sans que j'arrive ? les
contr?ler!
- Calme-toi Arnaud. Je le vois bien que tu changes...
Maria sortit son miroir de poche et le tendit ? Arnaud. Il vit que son
visage s'?tait transform? depuis le matin. Ses cheveux ?taient
maintenant enti?rement noirs, ses pupilles avaient vir? au sombre et sa
peau s'?tait hal?e. Le corps d'Arnaud continuait sa m?tamorphose. Arnaud
roula des yeux terrifi?s vers Maria.
- ?a doit s'arr?ter! Tu m'entends? Je veux retrouver mon corps d'homme,
maintenant!
Maria sortit un verre minuscule et fit couler dedans un fond de liqueur.
- Bois ?a, ?a va te remettre les id?es en place et tu me raconteras ta
journ?e en d?tail.
Arnaud se lan?a dans le r?cit de tout ce qui lui ?tait arriv?, par le
menu, depuis l'instant o? il avait quitt? Maria. L'alcool le
r?chauffait. Au moment d'aborder son renvoi, il sentit des larmes monter
? ses yeux. Il essaya de se reprendre. Il n'allait quand m?me pas se
mettre ? chialer comme une grognasse! Mais il ne put s'emp?cher de
laisser ?chapper un petit sanglot et Maria, lui tendit un mouchoir.
- Ne soit pas inquiet Arnaud. Apr?s tout, jusqu'ici, tout c'est plut?t
bien pass?, non? Franchement, ne me dit pas que tu regrettes ta nuit! Tu
as aim? t'agacer le berlingot? Et puis tu d?couvres ce que ?a fait de
plaire aux hommes, et tu appr?cies, je le vois bien...
- Mais je continue ? changer!
- C'est normal, le processus met du temps ? se stabiliser. L'effet de la
machine est complexe sur ton corps. Comment t'expliquer? C'est un peu
comme une goutte qui frappe une surface d'eau. Dans un premier temps,
elle s'enfonce, puis elle remonte et finit en vaguelettes qui
s'?loignent. Avec la machine, c'est pareil. Ton corps et ton esprit
n'ont pas termin? de s'adapter aux nanoparticules que tu as re?ues. Non,
vraiment, il ne faut pas te casser la t?te pour si peu...
- Quand m?me...
- Apr?s tout, au fond de toi, tu restes toujours le m?me homme n'est-ce
pas? Je veux dire, ce n'est pas comme si tu couchais avec d'autres
hommes ou comme si tu te mettais ? lire des magazines f?minins! C'est
juste une exp?rience dans ta vie. Franchement, ce serait dommage
d'interrompre tout ?a maintenant, alors que ?a va devenir int?ressant.
- Oui enfin, si on veut... Mais, je n'ai plus de boulot, plus d'endroit o?
dormir. Je ne peux pas continuer comme ?a, ce n'est pas raisonnable....
- Oh! Le travail, ce n'est pas un probl?me. Je vais passer un coup de
fil ? l'h?tel d'o? tu viens. Ils cherchent toujours des femmes de
m?nage. Tu feras la boniche pendant quelques jours, voil? tout!
- R?fl?chis Maria, ils vont me reconna?tre!
- Aucune chance Arnaud. Tu te transformes vite. Tu n'es plus vraiment la
m?me pin-up que ce matin, tu sais. Attends, on va t'arranger un peu.
Maria lui donna une paire de sandales ? talon plat et une blouse grise,
serr?e ? la taille par une ceinture. Elle lui fit attacher ses cheveux
en chignon.
- Et voil?, dit Maria rayonnante, tu as vraiment la t?te de l'emploi
maintenant! On croirait que tu as ?t? faite pour passer la serpilli?re.
Tu es contente?
Arnaud se regarda dans la glace. Son corps avait perdu toute trace
d'?l?gance. Alors que la veille, apr?s sa transformation, elle ?tait une
jolie poup?e ?lanc?e, des formes lourdes d?bordaient maintenant de sa
silhouette. Elle ?tait petite, surcharg?e de seins et de fesses, avec un
visage rond comme une pleine lune et de grands yeux stupides. Pourtant,
elle n'?tait pas d?pourvue de charmes. Sa taille ?tait bien prise, ses
attaches ?taient fines et ses jambes charnues avaient un joli galbe. Les
hommes allaient continuer ? se retourner sur elle, Arnaud le savait.
Mais il savait aussi qu'il ?tait devenu ce type de fille que personne ne
songe ? respecter, celles qui ne donnent qu'une seule id?e aux hommes :
"vite culbut?e, vite oubli?e". Arnaud avait honte d'?tre dans un corps
pareil.
Il retourna ? l'h?tel. Mais au moment de franchir l'entr?e principale,
le portier posa sa main sur son ?paule.
- Eh l?! Tu te crois o? toi? L'entr?e de service, c'est derri?re...
Humili? d'?tre ainsi refoul? ? cause de son apparence de prol?taire,
Arnaud s'?loigna, en jetant un regard par-dessus son ?paule. Le portier
fixait sa croupe, avec un air satisfait et un petit sourire sup?rieur.
Arnaud passa par la ruelle qui longeait l'arri?re de l'h?tel et poussa
la porte de l'entr?e de service. En guise d'accueil, le chef du
personnel lui jeta :
- Tu es qui? Conchita c'est ?a? Maria nous a dit que tu viendrais.
En lui-m?me, Arnaud pesta contre ce nouveau pr?nom choisi par Maria.
"Quand je pense que je trouvais que "Maria", ?a faisait bonne ? tout
faire" se dit-il "me voil? avec un pr?nom encore plus minable! Conchita!
Le pur pr?nom de boniche immigr?e!"
- Suis-moi, plus vite que ?a, c'est bient?t le coup de feu et je n'ai
pas de temps ? te consacrer!
Le chef du personnel lui crachait ses ordres comme s'il lui jetait des
reproches ? la figure. Et, tout comme le portier, il s'?tait permis de
le tutoyer spontan?ment.
- Voil? la cl? de ta chambre, c'est au dernier ?tage, couloir de gauche.
Tu prends ton service ? 6 heures. D'ici l?, je ne veux plus te voir dans
mes pattes. Et gare ? toi, si tu ne te tiens pas ? carreau. Les femmes
de m?nage, ?a ne manque pas. On n'a qu'? claquer des doigts et on en
voit rappliquer vingt, des comme toi, pr?te ? plonger les mains dans la
merde en nous disant merci, c'est compris? Si tu me fais des histoires,
c'est la porte!
En montant les escaliers, Arnaud se demanda pourquoi il avait accept? de
continuer cette exp?rience. Dire que s'il s'?tait montr? ferme avec
Maria, il serait maintenant bien tranquille, dans son corps d'homme, il
aurait pu aller faire la f?te avec ses amis, avant de s'endormir dans un
lit douillet.
Arnaud poussa un soupire d?courag? en ouvrant la porte de sa chambre.
Celle o? C?cilia avait dormi ?tait spartiate. Mais celle r?serv?e ?
Conchita ?tait carr?ment mis?rable. Il n'y avait pas d'armoire, pas de
lavabo, juste un lit en m?tal rouill?, et trente centim?tres pour
?voluer autour. Les draps ?taient ? moiti? d?chir?s et les couvertures
avaient des trous. L'atmosph?re de la chambre suintait une humidit?
charg?e de moisi. Il n'y avait m?me pas de fen?tre. Une ampoule nue,
pendue ? un fil ?lectrique, gr?sillait doucement en l?chant dans la
pi?ce une lueur blafarde entrecoup?e d'intermittences.
Arnaud posa ses grosses fesses sur le lit grin?ant. Compl?tement
abattue, elle commen?a ? retirer ses v?tements. Une fois nue, elle vit
que son entrecuisse et ses aisselles ?taient couverts de touffes noires
et fris?es. Jamais il ne pourrait enfiler un maillot de bain ? moins
d'arracher tout ?a avec une bonne ?pilation! Ses ?paules s'affaiss?rent.
Encore un souci que les hommes n'ont pas. Arnaud en avait assez d'?tre
une fille.
Il sortit son t?l?phone. Les messages non lus remplissaient toujours sa
bo?te de r?ception. Un nouvel appel arriva alors qu'Arnaud regardait
l'?cran. Son patron. Machinalement, son doigt appuya sue la touche pour
d?crocher.
- Ah enfin je vous ai Arnaud! Dites, je vous rappelle que j'attends
encore votre rapport sur les down des d?riv?s. Le COE s'impatiente mon
vieux, vous ne vous rendez pas compte! Je sais bien que vous ?tes en
cong?s, mais tout de m?me, la terre ne s'arr?te pas de tourner pour vos
vacances! Si ?a continue vous allez me mettre dans l'embarras...
Arnaud avait trop de soucis pour vraiment faire attention ? ce que
disait son patron. De toute fa?on, il n'avait pas besoin de l'?couter
pour savoir qu'il lui faisait des reproches. Cet homme passait son temps
? exiger toujours plus de lui! ? cet instant, sans savoir vraiment
pourquoi - les humiliations r?p?t?es? la fatigue? la peur? - la col?re
submergea Arnaud et il se mit ? hurler.
- Hijo de puta de jefe de mierda! ? No me puedes dejar en paz por un
tiempo?
Un long silence se fit au bout du fil, puis la tonalit? r?sonna aux
oreilles d'Arnaud. Il venait d'insulter son patron! Et ce sans-couilles
n'avait m?me pas ?t? capable de r?pondre quelque chose. Fou de rage,
Arnaud jeta le t?l?phone par terre, et l'?crasa sous ses petits pieds
f?minins. Il le broya ? coups de talons, sautant dessus, faisant
rebondir ses grosses mamelles qui lui revenaient au visage! Arnaud se
laissa tomber sur le lit. Un ?norme sentiment de libert? gonfla sa
poitrine de femme. Pour la premi?re fois depuis des ann?es, le travail
n'occupait plus ses pens?es! Il respirait. Arnaud venait de perdre le
seul lien qui le rattachait ? son job mais ?a ne l'inqui?tait pas. Il
s'en moquait! Arnaud repensa ? tout ce qu'il avait endur? pour ce
travail. ? tous les sacrifices qu'il avait d? faire pour satisfaire son
patron...
L'image de cet homme se mit ? troubler son esprit. Il ?tait si puissant,
si riche, si dominateur. Arnaud imagina ses mains rid?es se poser sur
son corps de femme. Il se voyait nue, couch?e devant lui, ? sa
disposition, les jambes ?cart?es pour se soumettre ? son plaisir. Cette
id?e d?go?tante l'excitait, bizarrement! L'id?e de cette vieille bite
entrant dans son corps lui donnait des frissons! Les doigts d'Arnaud
s'enfonc?rent dans sa chatte poilue et frott?rent ? l'int?rieur,
accompagnant l'image de son patron en train de la besogner. Arnaud
pensait ? ce m?le prenant son plaisir en elle, sans s'occuper de ce
qu'elle ressentait. Il ?tait l? pour se faire jouir, elle ne comptait
pas. Elle ?tait utilis?e. Puis il ?jaculait. Et tant pis si elle tombait
enceinte, tant pis pour elle. De toute fa?on, une fois les couilles du
patron vid?es, Arnaud ne servait plus!
Tout ? son fantasme, Arnaud mordit son oreiller pour ?touffer ses cris.
Quand sa main ressortit de son sexe, ses draps ?taient mouill?s de jus
de femme. Arnaud s'endormit, l'esprit libre et le corps calm?.
Dans la nuit, le repos d'Arnaud fut travers? de flashs qui surgissaient
violemment dans son esprit. Toujours les m?mes images d'inconnus en
train de le fixer. Et Arnaud ne voyait jamais que leurs visages et leurs
?paules. C'?tait comme de cours cauchemars qui torturaient son sommeil.
Arnaud se leva ? 5h30. Il avait atrocement mal ? la t?te. Parfois,
pendant quelques fractions de seconde, il avait l'impression que des
inconnus surgissaient encore derri?re ses paupi?res et voyaient ?
travers ses yeux. C'?tait tr?s d?sagr?able et perturbant.
Il enfila une culotte de coton blanc et un solide soutien-gorge ? triple
agrafes. Il fallait bien ?a pour maintenir ses paquets de mamelles. Puis
il passa la blouse bleue clair des boniches. Le tissu synth?tique bon
march? grattait sa peau nue. Arnaud se sentait humili?, dans ces
v?tements qui sentaient la pauvret?, alors qu'il avait l'habitude des
costumes fins sigl?s Dolce Gabbana ou Hugo Boss.
Il se rendit au travail et on lui fit d'abord r?curer la cuisine.
Arnaud, l'homme distingu? au compte en banque bien rempli, se retrouvait
? quatre pattes, frottant le sol, une serpilli?re ? la main, ses grosses
fesses tendues en l'air ? la vue de tous les employ?s des cuisines qui
se rin?aient l'oeil. Arnaud avait la gorge nou?e, il serrait les dents.
On lui ordonna ensuite d'aller nettoyer le grand hall d'entr?e. Arnaud
dut se montrer en simple boniche, devant tous les riches touristes qui
passaient l?. Parfois, Arnaud levait les yeux dans leur direction. Il
voyait bien qu'il n'existait pas pour eux. Les boniches comme Arnaud
font partie du d?cor. On ne pr?te pas attention ? elles, sauf pour leur
jeter un peu de m?pris ou pour les reluquer impun?ment, quand on n'a
rien de mieux ? se mettre sous le regard. M?me la nouvelle
r?ceptionniste le prenait de haut. Hier encore, Arnaud trouvait que
s'occuper de recevoir les clients, c'?tait un m?tier pour les dindes
tout juste bonnes ? sourire. Mais aujourd'hui, il ?tait dans une
position encore plus minable! Il s'usait les bras sur la crasse pendant
que cette petite conne de r?ceptionniste avait le droit de le m?priser!
Apr?s ?a, Arnaud monta dans les ?tages. Il poussait un gros chariot
rempli de produits d'entretien. Il frappa ? une porte pour s'assurer que
la chambre ?tait vide, entra, refit le lit, passa l'aspirateur, puis
alla dans la salle de bain. Il changea les serviettes-?ponges, nettoya
les douches et le lavabo, puis se mit ? quatre pattes pour r?curer les
W-C.
Le visage au-dessus de la cuvette, le balai ? chiottes dans la main, ses
gros nichons pendant sous lui, Arnaud constatait en gros plan combien
les gens ?taient n?gligents. Ils s'en fichaient de salir, tous ces
richards, il y avait toujours une boniche pour s'occuper de leur merde
derri?re eux. Quelqu'un comme Arnaud. Il d?crocha patiemment les petits
morceaux d'?trons accroch?s ? la fa?ence. Son front transpirait. Des
gouttes tombaient dans les toilettes, dans le fond d'eau qu'il avait
sous le nez. Des relents ent?tants de sueur, d'eau de javel et
d'excr?ments m?l?s s'accumulaient. Arnaud avait la bouche p?teuse.
Bizarrement, Arnaud trouvait ce travail naturel pour lui. Les gestes lui
venaient facilement, comme s'il avait fait ?a toute sa vie. Et malgr? le
d?go?t, il avait un peu l'impression d'?tre ? sa place, pos? ? quatre
pattes en train de frotter les chiottes.
En m?me temps, Arnaud r?fl?chissait. Comment avait-il pu se retrouver
dans cette situation. Avec cette paire de loches qui encombrait l'espace
entre ses bras, ses fesses relev?es derri?re lui, ses cuisses charnues
serrant entre elles une fente broussailleuse glissante de sueur, et le
tout qui bringuebalait au rythme de ses gestes? Il ?tait cadre sup?rieur
pourtant! Il avait l'habitude de regarder les gens de haut! Arnaud
imagina ses coll?gues de travail, ses secr?taires, ses amis, en train de
le voir ? cet instant, dans cette posture grotesque. Il imaginait ce que
chacun dirait de lui, si on apprenait qu'il jouait ? ?tre une femme de
m?nage pendant ses vacances. Il imaginait croiser leurs yeux, sentir sur
lui toutes les nuances du m?pris. Arnaud avait honte. Mais malgr? lui,
la transpiration sur son vagin se m?la d'une autre sorte de liquide.
Sans comprendre pourquoi, l'excitation grimpait dans son ventre.
Au moment o? il passait en revue ses connaissances, et jouait ? supposer
leur r?action, un flash surgit devant lui. L'image aveuglante de son
patron en train de le fixer, hilare. Pendant