Conte de Noel 2017 Chapitre 2
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Conte de f?es diverses
Chapitre 1
La chute
Charles ?tait assis dans un coin piteux de l'auberge, sirotant le plus
lentement possible son vin coup? a l'eau, sans doute de l'eau de
lessivage vu la t?te de rat pingre de la rombi?re qui tenait le mis?rable
?tablissement. Le moral de Charles ?tait aussi noir que la salle ?tait
crasse. Fini les bons moments d'insouciance de sa vie d'estudiant a
Paris, les journ?es d'oisivet? bienheureuses et les nuits festives
semblaient bien loin maintenant, plus que jamais perdues dans un pass?
aux contours brumeux. Il allait devoir affronter sa logeuse, et ses yeux
commenc?rent ? s'embuer de larmes.
Ses derniers mois lui vinrent malgr? lui en m?moire, attisant son d?pit
et accentuant son sentiment de mis?re. Dernier fils d'une fratrie de cinq
gar?ons d'une famille noble pauvre du fin fond du royaume il n'avait
r?ussi qu'a amener honte et d?shonneur ? ses parents. Alors que ses
grands fr?res se d?menaient pour la famille lui passait son temps en
beuveries aux bras de filles faciles de villages. Pas question pour lui
de faire comme ses fr?res. L'a?n? essayait de g?rer au mieux les pauvres
terres familiales, le second ?tudiait pieusement dans une ?cole
monastique pour rentrer dans les ordres, le troisi?me parcourait la
r?gion pour faire du n?goce, le quatri?me enfin s'?tait engag? dans un
r?giment et rendait d?j? fier leurs parents par sa bravoure. Les quatre
grands fr?res de Charles honoraient le nom modeste de sa famille autant
que lui le noircissait.
Son dernier coup d'?clat avait d?clench? le tremblement de terre final :
il avait mis enceinte une fille un peu simple qui faisait office de
servante. Pour aller au-del? des reproches il s'?tait mis ? fanfaronner
partout qu'il avait d?j?, ? peine ?g? de 18 ans, fait un marmot ? une
bonne. Ses parents ne purent supporter plus ce dernier esclandre.
Honn?tes gens, autant soucieux de leur bonne r?putation sur terre que
dans les cieux, ils avaient d?cid? d'?carter pour toujours ce fils ingrat
et si honteux. Une fois la servante envoy?e loin au sud chez de la
lointaine famille, le p?re de Charles ne lui laissa gu?re le choix : il
devrait quitter pour toujours les siens, sa r?gion natale et toutes ses
connaissances, et mena?a de lui fendre la t?te d'un coup de hache s'il le
revoyait r?appara?tre un jour.
Charles ?tait une ?me sans aucune force de caract?re, pourtant il se
voyait prince r?gnant sur sa cour. Les ?cornifleurs n'avaient aucun mal a
le manipuler et a vider sa bourse, et Charles s'enivrait autant de vin
que de mots. Les filles de joie de Paris ?taient d'une autre trempe que
des filles de campagne, elles savaient mieux que personne vider les
poches de leur "mignon Chacha". Sa personnalit? de faible lui valut
d'?tre pauvre en moins de 6 mois, et il finit par vendre ses plus beaux
atours pour s'octroyer quelques semaines suppl?mentaires d'inconscience.
Finalement Charles ne put continuer a se mentir sur sa pauvret?. Ses
compagnons de beuveries s'?taient d?tourn?s de lui depuis que ses pi?ces
ne dansaient plus sur les tables de tavernes. Quant aux filles de joie
elles avaient ressenti son infortune avec une intuition toute f?minine.
"Bon j'en ai tout de m?me bien profit?, tenta-t-il de se rassurer.
J'aurais au moins savour? les charmes de Paris et n'ait aucun regret a
nourrir. Il est temps pour moi de me trouver un travail. Je vais avoir
une r?ussite si ?clatante qu'elle rayonnera jusqu'? rendre verts de
jalousie mes nigauds de p?re et fr?res."
Charles d?chanta cependant bien vite : non seulement il n'avait aucune
lettre de recommandation ou de dipl?me, mais il ne savait absolument rien
faire de ses dix doigts. De plus en plus alarm? il mit pour de bon ce qui
lui restait d'amour propre de cot? et s'attela a la recherche d'un
modeste travail manuel. La encore il fit chou blanc. Charles avait un
physique d'avorton et de ch?tif. Il mesurait ? peine 1m55, les talons de
ses souliers ne le rehaussaient que m?diocrement et sa taille ?tait celle
du peuple de basse extraction, mal nourri depuis des g?n?rations. Sa vie
d'oisivet? indolente ne lui avait permis de d?velopper aucun muscle. Ses
bras ?taient fins et sans force, ses mains d?licates et sans aucune
poigne, ses ?paules fr?les et son cou gracile. Les repas espac?s et
frugaux avaient accentu? sa maigreur, ses derniers beaux atours, aux
couleurs fades, us?s et trou?s, tombaient de plus en plus ridiculement
sur son corps minable. Les chefs de chantier se moqu?rent cruellement
quand il proposa ses services comme manouvrier.
Pour couronner le tout les traits fins de son visage, son absence de
pilosit? m?le, sa peau blanche de poup?e de porcelaine, ses yeux bleus
pales surmont?s de longs cils, sa voix fluette qui n'avait jamais
totalement fini de muer, et sa longue tignasse blonde cendr?e, tellement
?paisse et boucl?e qu'il avait de plus en plus de mal a la domestiquer
sous son chapeau, tout cela faisait de Charles une cr?ature ambigu?. Son
absence de virilit? et son corps minable ne suscitait ni respect ni
crainte, mais m?pris et quolibets.
Si un noble argent? peut ?tre tol?r? en tant que dandy excentrique et
?l?gant, la pauvret? de Charles ne lui offrait aucun bouclier rattach? a
un ordre noble.
La d?ch?ance de Charles ?tait telle qu'il avait perdu ses derni?res
illusions. Il ne cessait de s'apitoyer sur son sort et perdant toute
dignit? il n'?tait pas rare qu'il pleurniche. C'est a ce moment l? qu'il
du affronter sa logeuse.
Madame Burgaux ?tait une rombi?re vulgaire qui avait h?rit? de son veuf
d'une modeste maison de g?te, crasseuse et mis?rable, mais qui ?tait tout
de m?me un ton au-dessus des bouges du Paris sordide des plus pauvres.
Elle avait 2 filles aussi grosses et laides que des pourceaux que Charles
s'?tait amus? ? courtiser lorsqu'il ?tait encore heureux de sa fortune.
Les deux laiderons avaient ador? cette cour si ?l?gante qui les faisait
glousser stupidement comme des dindes sous l'?il bienveillant de leur
m?re. Charles s'en ?tait largement amus?, bouffi de suffisance de s?duire
les 2 volailles si grossi?res aussi bien d'apparence que de physique.
Il go?tait tout autrement les regards ?perdus d'admiration de la
quatri?me chose qui compl?tait les membres de l'odieuse pension : la
servante la plus mis?rable qui lui avait ?t? donn? de voir. Une fille si
crasseuse qu'elle en ?tait noiraude, et dont aucune eau ne dissimulait la
puanteur. Elle ?tait ridiculement grande, d?passant Charles de bien deux
t?tes, et ?tait rev?tue de haillons si sales et us?s qu'on les aurait cru
vol?s a des mendiantes. La pauvre fille faisait toutes les corv?es les
plus basses et humiliantes : curer po?les et marmites, savonner a genoux
les planchers d?go?tants, nettoyer le poulailler des fientes, et toute
les autres taches abaissantes. Charles m?prisait avec autant de d?go?t la
grande souillon qu'il avait de plaisir a conter fleurettes aux s?urs
gorettes.
Mais le statut social de Charles n'avait cess? de d?gringoler au fur et ?
mesure de son appauvrissement, et il ?tait en totale disgr?ce chez madame
Burgaux et ses filles. Elles toisaient avec un m?pris non dissimul? sa
ruine, et lorgnaient sur chacun de ses gestes, s'assurant qu'il ne vola
aucune pomme de terre ou bout de chandelle. ?a faisait bien longtemps
qu'il avait du quitter la plus confortable des chambres, et de chambre en
chambre de plus en plus modeste on lui avait laiss? un comble minuscule
juste au dessus de l'escalier qui menait au second et dernier ?tage.
Charles ne pouvait dor?navant plus pr?tendre a rien, et lorsque Madame
Burgaux vint vers lui ses mains quitt?rent son gobelet, tremblant il se
leva pour affronter la dragonne. Elle lui cracha de lui payer sa semaine
et il craqua totalement, se jeta ? genoux a ses pieds, la suppliant entre
des pleurs hyst?riques de lui accorder sa piti?, tout cela sous le regard
des filles pourceaux et de la servante. La rombi?re, d?go?t?e par le
spectacle, le chassa d'un m?chant coup de pied qui le d?coiffa.
"Mes filles d?barrassez nous de ce moins que rien, c'est un ?tablissement
respectable ici, pas un refuge de pouilleux".
Charles hurla ses derni?res supplications, entrecoup?es d'un torrent de
larmes, mais rien n'y fit et les gorettes le saisirent sans m?nagement
pour le porter a bout de bras dehors. Charles se d?battait piteusement
mais seulement l'une d'entre elle aurait suffit pour le ma?triser sans
mal.
"Attendez les filles faut quand m?me qu'il paye sa semaine, montrez moi
ses pieds." Les deux s?urs le lev?rent pour mettre ses pieds a hauteur de
la m?re, et la matrone lui prit ses deux souliers ? talons, vestiges de
son ancien statut social. Puis sans m?nagement les adolescentes hommasses
le jet?rent a travers la porte dans la rue, et Charles s'affaissa le nez
en avant dans une mare boueuse et malodorante de d?tritus, sous une pluie
battante. La porte de l'auberge se referma sur les rires gras des trois
femmes.
Charles resta quelques secondes affal? dans une mare m?l?e d'eau,
d'immondices et d'excr?ments. Dans le Paris du moyen-?ge la rue servait
tout a la fois de d?charge et de latrines, un immense tout ? l'?gout ?
ciel ouvert, que seules les grandes pluies parvenaient a laver.
Charles se releva lentement, se sentant d?tritus parmi les d?tritus. Mais
la pluie torrentielle eu un inattendu effet b?n?fique tout en le lavant
de ses miasmes corporels.
"Comment ai je pu tomber si bas, quel sacril?ge m'a valu cet acharnement
du ciel? Mais au moins je ne peux plus tomber plus bas. Et Paris compte
des dizaines de milliers de mis?reux qui survivent, et qui tirent m?me
joies et plaisirs de cette vie humble. Je serais l'un d'eux".
Charles errait telle une ?me en peine dans un Paris d?sert en cette
soir?e orageuse. Ses bas de chausse ?taient tremp?es comme des
serpilli?res. Comme c'?tait ?trange d'?tre un va nu pied! Ses pens?es de
r?sign? vagabondaient d'un souvenir a un autre, d'un moment heureux ? une
humiliation cruelle. Elles auraient pu faire de lui un de ces philosophes
itin?rants, mais la faim lui mordait le ventre, et le rendait d?sesp?r?,
pr?t a tout pour un quignon de pain rassis.
Ses pas d'affam?s le men?rent, tel un zombie, dans une des rues de ses
anciennes r?jouissances, un des lieux de d?bauche o? les catins
attendaient leurs clients. Se r?fugiant sous un porche pour fuir une
nouvelle averse diluvienne il se retrouva nez a nez avec un visage
familier, Myl?ne, une de ses catins pr?f?r?es, avant, quand il ?tait un
homme bien n?, ou du moins quand on le traitait comme tel.
Les pupilles de Myl?ne se dilat?rent de surprise pendant qu'elle
d?visageait Charles, son regard se promena pour d?tailler l'?tat de
d?cr?pitude de l'ancien dandy. "Chacha c'est bien toi? Mais regarde toi,
qu'est ce que tu as fait pour ?tre dans cet ?tat?"
Charles ne se retint pas bien longtemps et comme ? son habitude il fondit
en larmes "Myl?ne ma Myl?ne aide moi je t'en supplie, je suis tomb? bien
bas, j'ai dilapid? ma fortune et mon infortune ne cesse de cro?tre.
Madame Burgaux m'a chass? de chez elle et me voila, pauvre bougre sans
toit ni couverts, condamn? ? la mendicit?, je t'en supplie Myl?ne aide
moi, sauve moi!"
Charles se jeta a ses pieds, continuant de supplier ? travers pleurs et
reniflements. Myl?ne fut touch?e mais surtout amus?e par le calvaire de
Charles. Enfant de la rue elle s'?tait ?lev?e ? la dure comme tout
orphelin de Paris. Les j?r?miades de Charles lui semblait autant
ridicules qu'inutiles, et elle sourit d'une moue d?daigneuse. Les
m?saventures du noble d?sargent? la divertissait, enthousiaste elle se
voyait bien prendre sous son aile cette lavette, sans autre motivation
que sa fantaisie.
"Chacha tu es aussi crott? et pouilleux qu'un vieux cabot. Tu ressembles
plus ? un petit animal qu'? une personne."
La voix de Myl?ne se fit bien plus famili?re, comme si elle parlait ? son
petit animal domestique, un ton tout a la fois l?ger et autoritaire, qui
n'appelait ? aucune discussion.
"Allez Chacha on avance maintenant, bouge ton popotin ma petite Chacha,
on doit te d?crotter ma fille pour qu'on te prenne pas pour un cl?bard."
Charles se mit a suivre Myl?ne, soulag? d'?tre pris en charge par une ?me
secourable, mais vex? qu'on parle de lui au f?minin.
"Mais Myl?ne je suis un homme ne me parle pas comme si j'?tais une
femme."
Myl?ne ?clata de rire "Arr?tes tes b?tises chacha, d?j? avant tu ne
m?ritais pas le titre d'homme. Je connais des gamines lavandi?res qui te
mettraient le cul par terre d'une seule gifle. Maintenant que tu as tout
perdu on va quand m?me pas continuer ? faire semblant que tu es un homme.
D'ailleurs tu n'es m?me pas une femme mais une fille, une pauvre fille."
Charles trottinait pour suivre l'allure de Myl?ne. Ses courtes jambes et
son souffle court ne lui permettait pas de suivre le pas rapide et plein
d'entrain de la fille de joie. Il devint vite rouge sous sa crasse,
haletant et confus par les paroles de Myl?ne. Il acceptait d'avoir tout
perdu, d'?tre tomb? au plus bas de l'?chelle sociale, mais il se
rebellait contre l'id?e d'?tre d?chu de sa virilit?, d'?tre mis au m?me
niveau que les femmes, ces ?tres inf?rieurs.
"Myl?ne je suis un homme et compte bien le rester. Je fais partie du sexe
fort et je sais autant me faire ob?ir des femmes que de leur donner du
plaisir."
La catin s'arr?ta net pour rire a gorge d?ploy?e, des larmes coulant de
ses yeux. Charles se sentit extr?mement humili? par cet ?clat de rire si
spontan? ? des paroles qu'il avait voulu autoritaires et viriles. Sa
confiance en lui s'effrita encore plus quand Myl?ne lui fit la le?on
comme a une petite enfant.
"Ma petite Chacha jamais tu ne m'as donn? de plaisir, ni ? moi ni ?
aucune des filles, avec ton petit vermisseau ridicule entre tes jambes.
Qu'est ce que tu peux ?tre gourde ? croire en des b?tises pareilles ma
pauvre fille !"
Des larmes de d?pit et d'humiliation recommenc?rent a couler sur les
joues de Charles. Il prenait conscience qu'il avait v?cu dans un monde de
mensonges, des mensonges qu'il se faisait a lui m?me. Comment avait il pu
croire en ses talents d'amant hors pair alors que tout lui signifiait
qu'il n'?tait qu'une mis?rable chiffe molle ? Myl?ne le gronda devant ces
nouveaux pleurnichements et le tira derri?re elle en le prenant par la
main.
"Mais que va t-on faire de toi si tu pleures pour un rien? Une vraie
pleurnicheuse, et toute cracra en plus. Il va falloir refaire toute ton
?ducation. Dieu que tu es crasseuse, comment peux tu aimer ?tre crasseuse
comme ?a?"
"Mais j'aime pas ?a c'est pas ma faute ? moi si je suis sale."
"En tout cas va falloir te d?crotter sinon tu vas finir dans une
porcherie, et aucun homme ne voudra de toi."
"Mais je ne veux pas d'un homme moi!"
"Tu parles tu serais bien trop contente si un seul homme voulait de toi
je t'assure oui! Et va falloir beaucoup de travail pour que ?a arrive un
jour! ?
Charles se sentait plus que jamais vuln?rable, fragilis? par les paroles
de Myl?ne, cependant il lui restait assez d'amour propre pour essayer de
d?fendre et d'affirmer sa virilit?. Il ?tait pr?t a faire profil bas mais
se promettait de ne pas se faire traiter en fille, par Myl?ne ou qui que
ce soit d'autre.
Trish
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