Chapitre 2 : Une larme sur la joue
*********
Plus tard.
Une fine brume couvrait la terre dans la nuit. Hector dormait. Emma
dormait. Fran?oise dormait. Bref, tout le monde dormait. Mais pas Hugo.
Il r?p?tait avec lenteur et pr?cision les gestes qu'il n'avait pourtant
fait que deux fois. La corde. Le pic. La cave. La porte. La clef.
Afin de v?rifier ses constatations pr?c?dentes sur son corps, il essaya
de se mettre ? plat ventre et repasser sous la porte qu'il avait eu tant
de mal ? franchir d?but ao?t. Cette fois-ci, ce fut impossible. Non
seulement sa poitrine enfl?e ?tait en feu d'avoir frott? au sol au
travers du v?tement, mais ses fesses, bien que molles, ne passaient plus
non plus. Elles ne passaient plus!
Il crut bien, d'ailleurs, qu'il ne pourrait pas repasser dans l'autre
sens non plus, et se jura de ne plus jamais tenter d'exp?riences
stupides dans ce genre, apr?s 20 minutes de pousser, de tirer, et de
g?missements d'effort. Si sa tante refermait cette porte, s'en ?tait
finie pour lui de la maison abandonn?e.
Le silence, alors qu'il montait les marches, ?tait total. En quelques
secondes, il se retrouva devant son petit miroir et devant
l'impressionnante file de v?tements. Soudain, il se senti soulag?.
Soulag? d'avoir pu y retourner. Soulag? de ne pas s'?tre fait prendre.
Et il se sentit bien, ?galement. Comme si ?tre avec ses cousines ?tait
sa place. Mais sa poitrine le br?lait encore intens?ment.
Il h?sita un long moment devant toutes les affaires. Il essaya un des
rares pantalons de Madeleine, mais il se sentait ridicule dedans.
C'?tait vraiment tr?s f?minin, tr?s moulant presque pire que la jupe,
somme toute assez simple, qu'il avait emprunt? (et remis, apr?s l'avoir
lav?e consciencieusement). Cela lui faisait des jambes de fille. Et la
couleur rose soutenu n'aidait pas. Il essaya tous les pantalons, h?sita,
puis se d?cida pour un, marron clair. Ce devait ?tre le vilain petit
canard de sa cousine, ?le pantalon pour se salir?, et il n'avait
vraiment pas l'air port?. Il ?tait tr?s doux, tr?s seyant, et
parfaitement ajust?. Il pensa que c'?tait probablement parce qu'il ?tait
taill? pour gar?on qu'elle ne devait pas le porter souvent.
Avant de quitter le dressing, il eut envie d'une autre affaire. En ao?t,
il ?tait venu avec une jupe et un short. Cette fois ci, il avait eu un
pantalon, mais il ?fallait? aussi qu'il prenne une affaire f?minine pour
aller avec. Il d?ambula un long moment, avant de tomber sur une photo.
La m?me, en fait, que celle sur la table de nuit o? il avait surpris sa
tante. Il reconnut les v?tements port?s. Une jupe en soie, violette, un
peu bouffante, aux genoux, des collants noirs en laine, et un haut ?
manches courtes, blanc uni, et se fermant dans le dos. Les chaussures
?taient des escarpins ? bas talons, mais il ne savait pas lesquels. Elle
portait aussi un petit collier de perle et d'argent. C'?tait vraiment
?l?gant!
Il chercha les affaires un moment puis prit un peu de temps pour
comprendre comment boutonner ses affaires ? l'envers.
Avant ?a, il prit un soutien-gorge. Oui, ?a aurait l'air plus r?aliste!
Et puis, temporairement, cela soulagerait peut ?tre sa poitrine en feu,
? cause de ses folies de ramper sous la porte. Il voyait les marques de
la poussi?re incrust?e dans sa peau rouge vif.
Quelle taille prendre? Il essaya une brassi?re, mais elle ?tait mal
proportionn?e, et cela lui ?crasait douloureusement le torse. Il prit le
premier soutien-gorge, le plus petit, et l'enfila. C'?tait mieux. En
fait, c'?tait m?me pas mal du tout. En tout cas, cela le prot?gerait
pour ce soir de la douleur.
Les chaussures furent plus faciles ? trouver, car elles portaient une
petite boucle reconnaissable. Il n'?tait pas tr?s ? l'aise ainsi perch?,
m?me si, finalement, c'?tait assez modeste.
Mais o? ?taient les bijoux? Il n'avait jamais trouv? rien du tout sur
les bijoux de Madeleine. Pourtant, sur chaque photo, elle portait des
bagues, ou collier, ou boucles d'oreilles.
Il d?cida d'aller chercher dans le dressing voisin de Sophie. Entre deux
caisses de chaussures, il y avait deux petits coffres. Il y avait un mot
?crit ? la main!
Hugo se pr?cipita du mieux qu'il put et s'accroupit sur ses talons.
?Coucou ch?rie! Maman m'a dit avant de partir que je pouvais d'acheter
les ?Golden Loops? !!!! Mais que je pouvais aussi prendre d'autres
boucles d'oreille. Papa a promis de me les acheter, on ira ce week-end
sans maman, il m'a dit que tu pourrais venir aussi!!! On pourra se faire
un resto, tu voudras venir?
Du coup, je pensais que tu pourrais peut ?tre en r?cup?rer pour toi.
N'h?site pas ? te servir dans le paquet (mais si tu touches mes
bracelets ou mes bagues, je te tue!)
XXxxxx. Sophie
PS : Il y aura aussi Tonton, il veut acheter un cadeau pour le petit.
PPS : J'ai fait tirer les photos du weekend end dernier, c'?tait trop
cool!?
Ainsi, c'?tait donc la fin de l'histoire. Sur ce mot jauni, dans cette
maison silencieuse, morte. Voil? comment cette famille, et la sienne,
?tait morte.
Et ?Le petit?...c'?tait pour lui acheter un cadeau que son p?re ?tait
mort.
Il prit le coffret d?licatement, et le ramena chez Madeleine. Il trouva
sans peine le collier qu'il enfila, religieusement.
Il observa ensuite la photo, et se regarda, dans le miroir, tout en
regardant la photo. Dans la semi clart? de la petite lampe, la
ressemblance ?tait vraiment frappante. Une fois ses cheveux d?tach?s et
bross?s c'?tait vraiment tr?s ?tonnant. Il gagnait un bon 5cm de
chevelure en les brossant compl?tement, et ses cheveux brillaient plus,
comme sur la photo. Il d?cida de tenter l'option maquillage, et prit un
long moment pour ?tudier le mascara, d'ombre ? paupi?re, et un produit
sur les l?vres sans nom qui avait d'ailleurs plut?t bon go?t.
C'?tait ?a. C'?tait sa cousine. Il sourit enfin. Elle ?tait comme
vivante.
Il se leva, ensuite, et parcourut la maison abandonn?e. Ces affaires lui
allaient vraiment bien, pour la premi?re fois depuis longtemps, il
n'avait mal nulle part et ?tait ? l'aise, sauf les talons qui, bien que
petits, l'obligeaient ? se cambrer un peu. Ils ?taient un peu trop
grands pour lui en plus. A quoi ressemblait la vie, autrefois, ici? Est-
ce qu'elles criaient, en courant dans les couloirs, ou restaient elles
sages, dans leur chambre, ? lire, jouer, inventer des histoires? Toute
leur histoire ?tait morte avec elle, et personne n'en parlait jamais.
Soudain, il fut comme paralys? d'horreur. Dans l'obscurit? presque
compl?te de la chambre du couple, il entrevit Fran?oise qui dormait. La
porte de communication avec le reste de la maison ?tait rest?e ouverte,
devant lui et il voyait une tache de lumi?re de l'ouverture. Il fallait
qu'il parte vite, sans la r?veiller, en arri?re, ou traverser la pi?ce
et sortir par l'entr?e normale. Sur le mur, devant l'entr?e, il y avait
une dizaine de clef sur un panneau. Parmi elles, il lut ?Cave double?.
Voil? qui serait bien utile, se dit-il tout en l'empochant dans son sac.
Quel dommage de ne pas l'avoir remarqu?e avant!
Il s'enfon?a dans l'obscurit? de la pi?ce et d?cida de couper pour
gagner du temps. Il referma lentement la porte derri?re lui, et avan?a
sur la pointe des talons.
Arriv? ? mi-chemin, environ, il d?rapa sur son talon en marchant sur un
tapis, et tomba sur les fesses, s'arrachant un ?a?e? ? cause de ses
bleus.
Il vit une forme dans l'obscurit? se redresser.
?Qui est l??? demanda Fran?oise.
Hugo eut juste le temps de se glisser sur la chaise tandis qu'elle
allumait sa lampe de chevet. Heureusement, le fond de la pi?ce restait
tr?s obscur, et elle ne pouvait pas voir les d?tails de sa tenue.
?C'est...c'est moi?, balbutia Hugo.
?Hugo? Que fais-tu ici? Comment es-tu rentr???
Il fut ?tonn? de sa r?ponse. Elle ne semblait pas ?nerv?e. Peut-?tre de
l'avoir prise au r?veil?
?Je...j'?tais venu pour te voir, je voulais parler avec toi...pour
l'?cole, pour tout ? l'heure. Je voulais m'excuser de t'avoir mal
parl?.?
?Hein?? Elle semblait vraiment sortir du sommeil.
?Ah oui! Euh...et bien, d'accord, que veux-tu me dire Hugo??
?Que je ne voulais pas retourner ? l'?cole. J'ai vu que j'avais un
niveau bien sup?rieur aux autres, et c'est gr?ce ? toi, et ?a s'est
vraiment mal pass?.?
Il fallait jouer serr?. Il ne savait pas encore comment faire pour
sortir une fois la pi?ce ?teinte. Mais il DEVAIT trouver. Sa vie en
d?pendait.
? Ah...? Ah oui? H? bien, comment tu veux. Tu es s?r que tu ne veux pas
r?essayer? C'est peut ?tre juste le premier jour!?
?Je suis s?r. Je reprendrai la classe l'ann?e prochaine, sur de bonnes
bases, quand je retournerai chez ma m?re.?
?Ah, tu l'aimes ta m?re, maintenant, hein??
?Euh...oui...mais, je suis tr?s heureux d'?tre ici?
?Ah, vraiment??
?Oui, d'ailleurs, c'est moi qui ai d?cid? de rester!?
?Toi? Ta m?re m'avait fait comprendre qu'elle partait sur la mer du
Nord!?
?Oui! Mais elle m'a laiss? le choix.?
?Ah, d'accord...excuse-moi, je me r?veille juste c'est un
peu...inattendu. Tu ne veux pas venir t'asseoir sur le lit ? c?t? pour
parler? Je ne te vois pas bien, avec mes yeux et mon ?ge...?
?Non, ?a va, en fait, je pr?f?rerai m?me que tu ?teignes pour parler, ?a
m'aiderait?.
?T'aiderait ? quoi? Euh...si tu veux!?.
Elle ?teignit. Voil?, d?j? une bonne chose de faite!
?Alors, je t'?coute, qu'est ce qui se passe??
Il laissa passer un long silence.
?Fran?oise, est-ce que tu pourrais me parler de Sophie et Madeleine??
Le silence s'?paissit et devint presque visqueux. Il sentait les coups
de son c?ur battre dans ses oreilles et des formes rouges passaient
devant ses yeux.
Elle finit par r?pondre, d'une voix lasse et transform?e.
?Que veux-tu savoir??
?Tout! Leur caract?re, leurs loisirs, si elles ?taient gentilles, si je
les aurais aim?e!?
?Tout!? Je pourrais y passer la nuit, et toutes les suivantes. Je pense
? elle et ? mon Bernard chaque minute de ma vie. Elles ?taient mon
bonheur. Il ?tait mon soleil.?
?Mais concr?tement??
?Concr?tement quoi? C'?tait des petites filles de leur ?ge, g?t?e
jusqu'? la moelle. Je leur achetais des beaux v?tements, elles aimaient
danser au son du piano que je jouais, elles aimaient nager le matin m?me
dans l'eau froide, comme toi ; elles aimaient rire en se imitant Jo qui
zozotait quand il ?tait petit ; elles aimaient...elles aimaient la vie,
aussi!?
?Est-ce qu'elles criaient en courant dans les couloirs??
?En voil? une question pr?cise! Eh bien, figure toi, Sophie oui, mais
Madeleine non! Madeleine ?tait une fille sage, qui pr?f?rait se coiffer,
dessiner, et danser, et chanter, aussi. Elle aurait fait une musicienne
je l'esp?rais, comme je l'avais ?t?. Sophie ?tait beaucoup plus
gar?onne, tout du moins, dans ses loisirs et int?r?ts elle n'?tait
entour?e que de gar?ons. Elle faisait du foot, par exemple, et elle
voulait devenir chercheuse en chimie, un peu comme ce que j'avais fait
moi. C'est fou, d'ailleurs que, chacune ? leur fa?on, elles aient un peu
de moi.?
?Et Bernard, que faisait-il dans la vie??
?C'?tait lui, l'agriculture. Il venait d'une famille de grand
propri?taire. Je l'ai rencontr? sur une exploitation, d'ailleurs, lors
d'une ?tude sur le terrain sur les fertilisants. C'est moi qui l'ai
convaincu de passer au bio. Et c'est comme ?a qu'on s'est rencontr?.
C'?tait un gros travailleur...tout comme ton p?re, aussi!?
?Tu as connu mon papa??
?Si je l'ai connu! C'est idiot! Bien s?r! C'?tait le fr?re de mon mari,
le mari de ma s?ur! C'?tait un homme tr?s bien, mais il ?tait un peu
trop autoritaire avec ta m?re, je n'aurais pas support? ?a. D'ailleurs,
je suis s?r que tes probl?mes sont venus de l?. Sans ton p?re, ta m?re
n'arrivait pas ? assurer l'autorit?.?
Le silence se r?installa entre eux. Hugo cherchait d?sesp?r?ment
quelque chose ? dire, mais il ne trouvait rien.
Ils parl?rent, enfin, simultan?ment :
?Bon, Hugo, je vais rallumer pour que tu puisses sortir? /?Fran?oise,
est-ce que tes filles te manquent?
A l'instant o? Hugo s'?tait lev? et avait dit ?a, Fran?oise avait allum?
la grande lumi?re de la pi?ce.
Ils demeur?rent chacun, face ? face, interdits, abasourdis.
Un long silence se fit ; Hugo craignant pour sa vie, Fran?oise gu?re
mieux.
Elle rompit finalement le silence d'une voix tr?s basse.
- Hugo...?
- Oui...?
- Viens pr?s de moi, s'il te plait, sur le lit, que je te vois.
Hugo sentait ses jambes lourdes, comme si chaque pas lui co?tait. Il
?tait terrifi?, et s'assit, comme demand?. Elle lui prit la main et lui
caressa doucement. Sa voix se fit plus douce. Son regard, aussi.
- Oh, comme tu lui ressembles, tu sais, tellement. Elle me manque
tellement. Prend moi dans tes bras.
Hugo n'en revenait pas. Elle ne semblait m?me pas en col?re. Elle
semblait bris?e, triste. Il la prit dans ses bras, sans trop savoir que
faire. Elle recula son visage et le contempla. Une larme coulait sur sa
joue. Hugo tendit timidement sa main, et la prit sur son pouce. C'?tait
tr?s irr?el.
Ils rest?rent comme ?a, tous les deux, sans rien dire, avant qu'elle ne
lui dise d'aller se coucher. Elle semblait apais?e. Hugo se sentait
contrari? de ne pas pouvoir repartir comme il ?tait venu, et de devoir
traverser la cour de la ferme en talons, jupe et maquillage. Il avait
horriblement chaud, ? cause des collants en laine. Il redoutait de
croiser Emma, Jo ou n'importe qui d'autre de la ferme. Finalement, seul
Hector daigna lever son museau ? son passage. Hugo lui ajouta quelques
croquettes et se d?shabilla rapidement. D?s l'aube, il fut sur pied, et
fit un aller-retour pour rapporter les affaires vol?es, en esp?rant que
cette histoire serait vite oubli?e et que sa tante s'en rappellerait
seulement comme un r?ve! Il se sentait tr?s bien, le reflet de la glace
?tait vraiment prometteur, et finalement, le pire ne s'?tait pas
produit. Point bonus, il avait l?g?rement moins mal ? la poitrine.
*********
Le lendemain et plus tard dans la semaine.
Le lendemain, et le surlendemain, Hugo ne vit que peu sa tante. Elle lui
parut de meilleure humeur. Il se demandait si elle reparlerait de
?l'incident?, mais non. Le cours se passa, il n'avait pour l'instant
rien oubli? de ses acquis de l'ann?e pr?c?dente. Le soir venu, sa tante
ne fit aucune remarque, ni devant Emma, ni lorsqu'ils furent seuls. Rien
ne parut non plus le jour suivant ; quant ? 2 jours apr?s, il ne la vit
m?me pas, puisqu'en d?placement.
Il d?cida toutefois de ne pas retenter l'exp?rience et d'?tre plus
prudent ? l'avenir.
A son retour de voyage de contr?le, Fran?oise avait la t?te des mauvais
jours. Elle s'enferma dans son cabinet. Hugo se dit qu'elle avait
surement d? boire, car elle n'avait pas les yeux tr?s nets.
L'attaque en r?gle commen?a le soir, ? la fin du repas. Elle se leva, et
s'assit ? c?t? de lui.
- Hugo, tu peux m'expliquer maintenant pourquoi tu as fait ?a l'autre
jour?
- De quoi tu parles?
- Ne te moques pas de moi, te d?guiser comme ?a avec les fringues de ma
fille que tu es all? voler. Comment es-tu entr?, d'ailleurs?
- Mais...je t'ai dit, par la porte?
- Tu ne m'as rien dit du tout, petit menteur! Et puis, pourquoi tu as
fait ?a?
-...
- Alors?
-...
Elle le gifla.
- J'attends? J'ai toute ma soir?e. Pourquoi tu as fait ?a? Ca t'amuses
de me faire du mal, de retourner le couteau dans la plaie? Tu voulais
prouver quoi, l?, ton manque de virilit?? C'est r?ussi, bravo, tu as
vraiment l'air d'une petite fille! ALORS?
Elle le gifla ? nouveau. Plus fortement. Il sentit sa t?te tourner apr?s
le choc. Il fallait trouver quelque chose, vite.
- Je...je ne sais pas. Je me suis promen? dans la maison et...et j'ai vu
les affaires, j'ai vu qu'elle me ressemblait un peu, je voulais essayer
de m'habiller comme...comme sur une photo, pour voir ? quoi ressemblait
ma cousine?
Elle parut ind?cise. Hugo ?tait tr?s content de lui, cela semblait
marcher. Il esquissa un demi-sourire. De trop.
- CA TE FAIT RIRE EN PLUS? TU TE MOQUES DE MOI PETIT CON?
Elle le frappa ? nouveau. Ensuite Hugo sentit une grande quantit? de
coups, tout contre son corps. Il se mit en boule en hurlant, jusqu'? ce
qu'Emma parvienne ? l'arr?ter.
Hugo se releva p?niblement. Il avait plusieurs contusions sur le corps,
mais, cette fois, il rentra chez lui pour se soigner. Il ne voulait plus
qu'Emma le voit torse-nu ? cause de ses blessures et de ses h?matomes
gonfl?s. Il avait ?galement une vilaine trace sur le fessier qu'il ne
parvenait pas ? expliquer. L'avait-elle attaqu? ? la fourchette?
Le lendemain, les choses ne furent gu?re mieux. Fran?oise avait une t?te
terrible, au matin et il trembla ? plusieurs reprises lorsqu'il la vit
aller et venir non loin de sa maison. Le soir, lorsqu'elle le fit
appeler pour manger, il sut que les choses n'iraient pas.
Habituellement, au lendemain de ses violences, Fran?oise mangeait seule.
C'?tait sa mani?re ? elle de s'excuser.
Les questions reprirent. Elle semblait obs?d?e par ?a, et ne comprenait
pas la raison de pourquoi Hugo la tourmentait autant en se pr?sentant
chez elle, ? une heure tardive, dans sa chambre, habill?e dans la m?me
tenue que sa fille morte. Elle ?tait persuad?e qu'il lui en voulait.
Le soir m?me, ramenant chez lui bleus et honte. Il aurait aim? fuguer.
Mais...il y avait tant de mais.
Il n'avait nulle part o? aller, personne chez qui aller. Sa m?re ?tait
? des milliers de kilom?tres, sa tante ?tait sa responsable ? pr?sent.
L'envoyer en prison pour maltraitance ne ferait de lui qu'un boulet ?
tra?ner pour elle, il devrait retourner ? l'?cole. Et puis, surtout,
elle avait raison.
Ce qu'il avait fait ?tait inqualifiable, cruel. Il ne l'avait pas fait
pour ?a, bien s?r, mais, m?me si elle avait l'air d'avoir aim?, sur le
moment, apr?s coup, ce n'?tait peut-?tre pas tr?s intelligent...
Mais, d'ailleurs, pourquoi l'avait-il fait? Il ne parvenait pas ?
expliquer cette fascination bizarre pour sa cousine, pour sa vie, sa
fa?on de vivre. C'?tait ainsi. C'?tait devenu une passion pour lui. Mais
il y avait autre chose. Malgr? tout, les coups, la honte, il aimait bien
sa tante. Parfois, elle avait des ?clairs, des ?clairs de ce qu'elle
avait d? ?tre plus jeune, ?avant?. Peut-?tre ?tait-ce ?a, finalement la
?raison? de tout ?a. Peut-?tre voulait-il juste essayer de faire revivre
cette ?poque heureuse, m?me par procuration, pour oublier son pr?sent si
dur.
Le lendemain fut du m?me acabit que le jour m?me. L'?tat de sa tante
semblait s'aggraver.
Le soir, bandant, pommadant, g?missant, il vit que seules deux options
restaient possibles. Fuir, ou affronter.
Il choisit d'affronter.
Dans la nuit brumeuse, la lune ?claira un petit personnage boitant qui
se dirigeait ? pas de loup vers l'arri?re de la maison. Une fois dans la
cave, Hugo constata que sa tante avait laiss? la porte ouverte. Elle
avait d? croire ? son mensonge, finalement. Il fila en haut, le plus
discr?tement possible.
Sa tante dormait dans le lit conjugal, il fit donc le plus
silencieusement possible jusqu'aux pi?ces du fond, et au dressing de
Madeleine.
Il posa et rangea tr?s proprement les affaires pr?c?dentes. Le soutien-
gorge, notamment lui avait ?t? d'un grand secours et il l'avait gard?
toute la journ?e. Il attendrait que ses blessures se soignent pour
remettre des v?tements plus adapt?s, comme il l'avait fait pour la jupe
? volants (m?me si, finalement, il avait continu? ? la mettre quelques
fois car il la trouvait jolie, m?me si il se sentait un peu ?trange).
Il avait ?t? tr?s intrigu? par les talons, et les avaient r?essay?s
encore et encore une fois chez lui pour s'entra?ner. Il ne voulait plus
jamais risquer de chute et souhaitait que tout ceci devienne comme une
seconde nature chez lui lors de ses ?jeux? futurs. M?me au bout de
plusieurs heures il eut des douleurs insupportables, et peu de progr?s
dans sa posture ; il se dit qu'il fallait au moins ?tre une danseuse
pour esp?rer porter des talons de 5 centim?tres, mais qu'il
r?essayerait. Alors, quant ? porter ceux de Sophie...il n'y pensait m?me
pas.
Il ?tudia longuement, ? nouveau, les photos de sa cousine. Sur une, elle
portait un petit haut en soie, avec une ceinture, et en bas une jupe
voil?e. Il n'eut cette fois aucune difficult? ? trouver les affaires,
ajouta les bijoux n?cessaires, fit sa coiffure et soupira de soulagement
en constatant qu'elle ne portait ?que? des ballerines avec. Il se trouva
l'air tout ? fait ?bourgeoise?, ainsi, mais fit quand m?me un sourire au
miroir. Il aimerait certainement rencontrer une fille comme ?a. Pour
faire quoi, ?a par contre...
Il n'avait globalement pas beaucoup de d?sir. Au vu des probl?mes qu'il
avait dans la vie, il se doutait bien que le sexe ?tait le dernier des
soucis, mais il s'apercevait qu'il ne r?vait que tr?s peu de Julia de
mani?re excitante, contrairement au d?but de son arriv?e. Ce n'?tait
d'ailleurs pas plus mal, puisqu'il n'avait aucune chance avec elle.
Mais, lorsqu'il irait mieux (et qu'il aurait moins de bleus), peut-?tre
qu'il pourrait la faire traverser la rivi?re, l'amener ici, et
l'habiller avec les affaires de Madeleine, ou, de Sophie? C'?tait ? ce
jour son r?ve le plus ?rotique. A y r?fl?chir, il en ?tait quand m?me
moins excit? que de l'id?e de le faire lui-m?me. Avec Julia, il aurait
pr?f?r? rester dans sa maison. Cet endroit ?tait ? lui, et c'?tait son
seul lien avec sa famille disparue. Etrange.
Il frappa doucement ? la porte de la chambre de sa tante, et il la
r?veilla en lui parlant doucement. Il n'avait rien ? perdre.
Elle s'?tira lentement, comme un dragon sort de sa tani?re. Elle le
regarda, mais y vit-il seulement l'ombre de l'?tonnement? Il n'en fut
pas s?r, apr?s coup.
-C'est toi? Oh...viens t'asseoir ? c?t? de moi.
Il s'assit. Le m?me rituel se reproduisit. Il la prit dans ses bras, et
ils rest?rent l?, un long moment, elle ? lui passer les doigts dans les
cheveux, lui caressant la joue, et le contemplant.
Hugo se sentait tr?s bien, aim?. Mais il se sentait ?galement dans une
situation horrible. Il ?tait en train de se faire aimer par une femme,
alcoolique et ? moiti? ? folle, en mimant sa fille d?c?d?e depuis des
ann?es, tout ?a dans l'espoir qu'elle cesse de le battre parce qu'il
l'avait fait une premi?re fois pour une raison qu'il ignorait lui-m?me.
Au bout d'une demi-heure, elle lui dit de partir, et semblait apais?e.
Encore une fois.
Dans les toilettes du rez-de-chauss?e, il se changea et, sur le petit
sentier, il se dit qu'il avait peut ?tre sauv? sa peau, ce soir-l?. Il
fit un clin d'?il ? la lune.
*********
Le 1 octobre
Les choses allaient mieux, sur l'exploitation. Fran?oise avait ?t? tr?s
occup?e par les vendanges de son autre exploitation et avait disparu
presque 3 semaines. Trois jours apr?s sa deuxi?me tentative, elle le
harcela de question, ? nouveau, et se montra violente avec lui. Cette
fois, il n'attendit pas, et retourna dans l'antre de sa tante pour lui
faire une nouvelle s?r?nade.
Il avait pris le pli. Tous les 3, 4 ou 5 jours, il se rendait chez sa
tante, d?guis?, maquill?, chauss? ; il recevait un long c?lin, donnait
aussi son affection, puis ensuite, il rentrait chez lui. Elle ne lui
posait aucune question.
Au bout de la 5?me fois, il constata que la porte ext?rieure vers
l'ancienne aile ?tait d?sormais ouverte. Cela ne changeait pas grand-
chose, puisqu'elle devait bien savoir qu'il avait trouv? une autre
entr?e. Mais il prit ?a comme un signe d'assentiment, ou
d'encouragement.
Sa tante n'avait absolument pas chang? de comportement avec lui,
toutefois. Elle restait dure, violente, et, depuis qu'il faisait ses
escapades nocturnes, elle semblait avoir repris la boisson. Il ?tait
pris dans une spirale horrible o?, pour sauver sa peau, il devait
continuer, r?guli?rement, ? entretenir le mal m?me qui la rendait de
plus en plus dure avec lui. Pourrait-il tenir jusqu'en mars ainsi?
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Le 7 octobre
Rien n'avait chang?. Il commen?ait ? progresser dans son usage des
talons. Il avait vu Julia, mais n'avait pas pu se faire voir d'elle, car
il ?tait en train de se soigner d'un coup d'un objet non identifi? sur
la jambe.
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Le 15 octobre
Il arriva ? marcher presque 30 minutes sans se fatiguer. Il envisageait
d'essayer les talons ? bride, plus haut, de 5 ou 6 centim?tres, de sa
cousine. La question ?tait, avec quelle tenue? Il avait failli rater
Julia ; il l'avait aper?u mais il portait les chaussures ? talons, il
lui fallut du temps pour les enlever et courir derri?re elle. C'?tait
bon de la voir enfin.
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Le 1er novembre
Son corps le faisait ? nouveau souffrir. Il n'osait pas en parler ? sa
tante, ou ? Emma. Ses blessures ? la poitrine reprenaient et le
lan?aient d?s qu'il enlevait le soutien-gorge. Il avait d? arr?ter les
brassi?res et prendre un soutiens- gorge et du coton pour avoir plus
d'espace car les plus petits serraient et le blessaient. Pourquoi
continuaient-ils de gonfler? Ils ressemblaient ? des seins s'il serrait
ses bras! Quant ? ses hanches, elles d?passaient disgracieusement de ses
sous-v?tements, et faisaient un pli contre son pantalon, ce qui
l'irritait beaucoup. Point positif, les affaires de Madeleine tenaient
un peu mieux sur lui. A toute chose malheur est bon...
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Le 15 novembre
L'inspecteur ?tait pass?. Il a paru tr?s content ? nouveau de ses
r?sultats. Il avait revu Julia. Plusieurs fois. Curieuse id?e de venir
p?cher dans ce froid! Il surveillait ? pr?sent toute l'apr?s-midi avec
Hector et se demandait tout le temps comment avoir l'air de sortir ?par
hasard? pour la croiser sans avoir l'air de l'avoir attendue.
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Le 1 d?cembre
Il commen?ait ? conna?tre presque par c?ur le dressing de Madeleine.
Bien que n'ayant jamais port? deux fois la m?me tenue (et n'ayant pas du
tout tout port?!) il m?morisait ? chaque fois la tenue suivante. Il y
pensait m?me durant les jours normaux, alors que tout ce rituel ne
durait en fait qu'une heure tous les 5 jours.
Il y pensait en fait tr?s souvent.
Depuis une dizaine de jour, il rentrait parfois avec sa tenue dans sa
maison, bien emmitoufl? dans son manteau. Certains soirs, il la mettait,
tout seul. Certaines journ?es, aussi. Surtout les pantalons, qui ne le
rendaient pas totalement ridicule dans une tenue ? moiti? masculine, ?
moiti? f?minine. M?me avec seulement 11 (il avait compt?) pantalons,
elle en avait plus que lui.
Il n'avait pas pu voir Julia, ? deux reprises ainsi, car il ?tait
habill? avec les affaires de sa cousine. Il se promit de le faire moins
souvent. Julia ?tait prioritaire.
*********
Le 5 d?cembre
Il se mit ? faire tr?s froid, dans la petite maison. Le jour, il gardait
des collants en laine de Madeleine, car ses pantalons n'?taient pas
assez ?pais. En plus, personne ne pouvait les voir. Il les portait toute
la journ?e. Les v?tements tr?s couvrants ?taient assez pratiques, car
ils masquaient son corps et les diff?rentes marques qu'il pouvait avoir.
De plus, cela amortissait les coups de sa tante. Il ?tait plein de
haine, et, en m?me temps, l'aimait malgr? tout. Il avait surtout peur du
futur. ?Plus que 4 mois?, pensait-il.
*********
No?l - un peu avant
Depuis plusieurs jours d?j?, il ne prenait m?me plus la peine de faire
la diff?rence. Il avait trouv? plusieurs grosses jupes en laine, assez
confortables, qu'il enfilait le matin, et n'enlevait que pour sortir le
soir. Apr?s tout, vu que personne ne le voyait quelle importance si son
honneur pouvait ?tre touch? ou pas par le fait de porter des v?tements
d'homme? Et puis, franchement, au moins, il ?tait au chaud dedans.
Quinze jours auparavant, il avait essay? de mettre du vernis ? ongle
lors de sa visite ? sa tante. Il n'avait jamais trop os?, car il avait
lu que ?a ?tenait? longtemps. Il n'avait surtout pas trouv? le
dissolvant qui se trouvait (il ne sut jamais pourquoi) dans le frigo de
sa s?ur - enfin, la s?ur de Madeleine. C'?tait du simple vernis
transparent, et brillant.
Au d?part, il le nettoyait tous les jours. Et puis, il oublia un soir.
Sa tante ne fit aucun commentaire au diner. Il d?cida de le garder. De
toute fa?on, cela mettait beaucoup de temps ? s?cher et lui faisait
perdre beaucoup de temps le soir, ce n'?tait franchement pas tr?s
visible et comme il portait des gants d?s qu'il sortait et parfois dans
la maison m?me de sa tante...
Au fil des semaines il s'?tait entich? de diff?rentes pi?ces de sa
cousine. Il aimait beaucoup les bottines ? petits talons mais pas trop
les bottes aux genoux en cuir. Il n'aimait pas porter les talons pieds-
nus. Il n'aimait pas non plus les d?collet?s, surtout lorsqu'ils ?taient
soutenus par une ceinture. Cela le mettait franchement mal ? l'aise.
En fait, il n'aimait pas les v?tements les plus f?minins de Madeleine.
Il avait bien conscience qu'il s'agissait d'un travestissement, et, m?me
s'il ?prouvait un certain plaisir ? ?voluer habill? en ?fille-fille?, il
ne le faisait qu'un temps, et se rabattait g?n?ralement dans des tenus
plus sobres pour le reste de la journ?e.
Il avait un tout petit peu grandi, encore, et atteignait ? pr?sent 1
m?tre 62. Il aurait d? demander de nouvelles affaires ? sa tante. Il
n'avait que deux pantalons qu'il enfilait normalement, deux autres qui
entraient difficilement, tous les autres ?taient trop serr?s sur ses
hanches. Ainsi porter ceux de Madeleine retardait l'?ch?ance de devoir
en demander d'autres, mais aggravait le probl?me car de moins en moins
?taient portables.
Il aurait aussi d? lui demander d'aller chez le coiffeur. Il en avait
franchement marre de ses cheveux qui tombaient dans tous les sens, qui
n'avaient ni forme, ni sens. Il les tenait attach?s, la plupart du
temps. Il aurait d? aussi lui demander d'installer un nouveau chauffage.
Mais il avait peur, peur de sa r?action, dans un sens, ou dans l'autre.
Et que faire si elle l'interpr?tait mal, et qu'elle redevienne furie?!
Jusqu'? pr?sent, son ?quilibre, m?me si tr?s pr?caire, tenait. Il
n'?tait pas plus mal, ni mieux trait? qu'avant. Mais elle lui faisait
toujours cours, elle le nourrissait, elle le logeait. 4 mois ? tenir...
Peut-?tre pourrait-il changer quelque chose, m?me un petit d?tail? Mais
si elle le prenait mal?
Il se tenait la plupart du temps de la journ?e, pr?s de la fen?tre en
train de lire, ou jouer ? la console (prix de sa bonne tenue ces
derniers mois!), ?au cas o?? quelqu'un arrive, afin de se changer si
n?cessaire. Deux ou trois fois, ce mois-ci, Emma ?tait venue bavarder
avec lui. Il s'entendait aussi bien avec une des filles et un fils d'un
autre m?tayer, qui venaient jouer ? la console avec lui. Jb et Jo le
toisaient ? distance, mais aucun n'?tait venu l'importuner. Bref, tout
en ?tant relativement isol?, il ne se sentait pas du tout seul.
Seuls, ils risquaient bien de l'?tre pour No?l, cependant. Emma fit
savoir ? Fran?oise que, contrairement aux autres ann?es, sa famille ne
pourrait pas passer No?l avec elle, puisqu'un membre de sa belle-famille
les avait tous invit?s. Hugo craignait que ce soit ? cause de Jo et de
sa haine envers lui, et craignait que sa tante ne lui reproche. Mais au
souvenir de la fa?on dont elle l'avait frapp?, il se dit que ?a n'?tait
peut-?tre pas le cas. Elle avait en tout cas laiss? de quoi abondamment
manger, et, point positif, sa tante avait d?cid? d'allumer la grande
chemin?e, et avait fait venir un ramoneur expr?s le jour pr?c?dent. Ils
allaient avoir bien chaud!
Elle lui dit de se pr?parer pour venir ? 20h. Mais, probl?me? Son
pantalon le plus potable ?tait importable. Et puis....et puis, il
voulait tenter quelque chose.
Comment r?agirait sa tante s'il venait avec une jolie tenue de soir?e de
Madeleine? Depuis qu'il avait un tout petit peu grandi et forci, ses
affaires lui allaient comme un gant. Il avait pris aussi une taille de
chaussure, ce qui le mettait au m?me niveau qu'elle - et de Sophie,
accessoirement. Il avait donc, virtuellement, plus de 100 paires, 200
paires de chaussures ? sa disposition! La plupart ?taient presque
neuves, certaines, jamais port?es.
Il ne lui fallut gu?re plus de quelques secondes pour se d?cider.
Hugo se rendit d'un pas nonchalant vers l'arri?re de la maison. Tout le
monde ?tait parti dans sa famille respective, et, si quelqu'un ?tait
rest?, il n'aurait probablement pas v?rifi? dans la nuit si quelqu'un se
promenait! Il avait am?nag? des pitons le long de la descente dans la
cave, si bien que c'?tait presque comme les barreaux d'une ?chelle,
maintenant. Il avait ?galement pass? un coup de balai le long du chemin,
pour ?viter d'accrocher et de salir ses v?tements et pour pr?server les
jolies ballerines qu'il mettait parfois.
En haut, il se d?shabilla, et se mit devant le miroir d'un ?il expert.
Il frissonna. Cela faisait longtemps qu'il ne s'?tait pas arr?t? un
moment devant le miroir, trop occup? ? regarder le dressing (9m45 de
long, 4 m?tres de large, 2m12 de haut, il avait mesur?, et sensiblement
la m?me chose pour sa s?ur!) pour chercher quelque chose dans cette
immensit?. Il sentait le froid l'assaillir de partout. En se
rapprochant, il vit que ses t?tons ?taient dilat?s, presque pendants,
tr?s durs, ? cause du froid. Ils ?taient aussi bleus, mais ?a, ?a
n'?tait pas ? cause du froid! Il avait mal, dans la poitrine. Depuis
qu'il avait essay? pour la premi?re fois, il n'avait presque jamais pu
passer plus de quelques jours sans mettre un soutien-gorge -et pas le
plus petit qui sinon frottait contre sa peau irrit?e- ; la brulure le
reprenait, ? nouveau, s'il ne le faisait pas. L? encore, il aurait d? en
parler ? sa tante depuis longtemps...mais il avait peur des
cons?quences. Qui sait quelle aurait pu ?tre sa r?action? Et puis, apr?s
tout, ce n'?tait que temporaire. Il fallait juste qu'il parte d'ici, et
qu'elle arr?te de le frapper, enfin! Sa m?re! Sa m?re! Sa m?re! Il lui
avait ?crit quelques lettres, elle lui en avait ?crit aussi. Il n'osait
pas lui dire la v?rit?, mais elle ne cessait de r?p?ter qu'elle
regrettait son choix et aurait pr?f?r? ?tre avec lui, m?me avec peu de
moyens, et qu'elle l'aimait. Lui aussi, l'aimait. Mais, au fond,
lorsqu'il ?tait dans les bras de sa tante, il aimait aussi bien sa tante
que sa m?re. C'?tait ?trange. Tout ?tait ?trange. Il ?tait un peu perdu.
Alors qu'Hugo ?tait perdu dans ses pens?es, il touchait les lignes de
son corps. Il ?tait mou. Depuis qu'il avait arr?t? de faire du sport,
son ventre avait perdu ses muscles et prit un aspect un peu pendant. Pas
?pendant-gros?. Plut?t ?pendant-mignon?. Pas qu'il ?tait gros,
globalement. Il ?tait plut?t mince. Mais son ventre n'avait clairement
pas la forme de celui d'un athl?te! C'?tait all? tr?s vite, alors qu'il
n'avait arr?t? le sport qu'il y a un mois! Sans parler de ses cuisses un
peu potel?es et son derri?re rebondi. Son derri?re. Il avait tout
essay?, la nage, la course, le v?lo. Mais rien ? y faire, son derri?re
avait cet aspect rond, qui le d?rangeait. C'?tait d'ailleurs pourquoi il
ne portait pas de talons si souvent, en dehors de ?pour s'entra?ner?.
Cela lui faisait un fessier encore plus rond. Et en plus, cela faisait
ressortir ses boules sur la poitrine. Cela faisait VRAIMENT des seins, ?
ce moment-l?. Et pas des seins-si-on-serrait-les-bras comme il y a
quelques mois. Non, une paire de seins. Et si, en plus, il portait un
haut un peu d?collet?...
Hugo se sentit troubl? en se souvenant. Un jour, il n'y a pas si
longtemps il avait essay? le look totalement f?minin, devant le miroir.
Et il avait aim?. En fait, il s'?tait passablement excit?. Il avait
senti sa poitrine lui faire mal. Il avait vu son regard diff?rent, m?
par le d?sir dans le miroir. Il avait eu soudain envie d'essayer ce
rouge ? l?vre bien rouge du frigo de Sophie, de mettre une jupe encore
plus courte, d'essayer ce corset, de mettre ces boucles d'oreilles,
toutes ces choses qu'il regardait de loin avec d?dain; et puis de
sortir, sortir dehors, sortir de la ferme, aller dans un bar, danser sur
les talons, et puis de voir le d?sir des autres personnes (il n'avait
pas v?rifi? qui, de quel sexe ou comment) sur lui.
Ces pens?es l'avaient immens?ment troubl?. Lorsqu'elles avaient cess?es,
ses mains ?taient sur sa poitrine et il sentait le d?sir monter en lui.
Il avait eu envie de *quelque chose*. Il ne savait pas trop quoi, mais
c'?tait violent en lui. Tout ceci c'?tait vite perdu, dans la
pr?cipitation de l'instant, de la n?cessit? de se pr?parer pour sa
tante. Etrangement, il savait d'instinct que ce genre de tenue n'?tait
pas fait pour aller voir sa tante mais pour bien d'autres activit?s! Il
aurait aim? voir Julia, par contre...ou ?tre Julia, ou ?tre avec Julia.
Il ne savait pas trop. Peu importe. L? encore, c'?tait ?trange.
Il choisit une robe noire, tr?s ?l?gante, et prit deux bracelets
brillants. La robe noire ?tait au genou, sans manches, et il esp?rait
vraiment que la chemin?e ferait son effet, car il aurait sinon tr?s
froid. Il peigna longuement ses cheveux, et les d?frisa pour un aspect
plus doux et plus brillant. Ils arrivaient bien ? l'?paule, ? pr?sent.
Il ajouta l'eye-liner, le mascara, un peu de gloss (mais pas beaucoup,
cela donnait du go?t ? la nourriture). Il avait conserv? son vernis rose
p?le, du jour pr?c?dent. Il se trouva tr?s bien, sur ses petits talons.
Il pensait que sa tante ne dirait rien, si pour une fois, il venait
l?g?rement perch?. C'?tait No?l, apr?s tout!
Il descendit ? petit pas, jusqu'? la porte. Il entendait sa tante mettre
les couverts, il ?tait donc parfaitement ? l'heure. Il frappa, et entra.
Fran?oise ?tait de dos lorsqu'il entra. Il faisait chaud. Elle ?tait en
robe noire ouverte aux ?paules, et en petits talons noirs. En fait, elle
?tait presque habill?e comme lui. Il ne savait pas s'il devait faire
demi-tour tant qu'il ?tait encore temps, mais, quelques dixi?me de
seconde plus tard, elle se retourna et le vit. Elle lui sourit largement
et lui dit de venir s'asseoir. Que signifiait ce sourire? Elle avait
forc?ment remarqu? qu'il avait bris? leur r?gle tacite sur quand
s'habiller en Madeleine. Ou alors est-ce qu'elle riait parce que,
finalement, ils avaient eu les m?mes id?es? Oui, c'?tait amusant...
- Qu'est ce qui te fait rire, Fran?oise?
-...oh, non rien, toi.
- Moi?!
- Oui, toi! Tu es vraiment tr?s...bien, ce soir. Viens que je
t'embrasse!
Elle le prit dans ses bras et lui fit un c?lin. Puis, il put ouvrir ses
diff?rents cadeaux. Elle lui avait offert de nouvelles affaires ? sa
taille (en hauteur, tout du moins). Il n'osa pas les essayer pour ne pas
avoir ? se d?nuder devant elle ou ?tre embarrass? par son fessier et ses
bleus. Elle lui avait ?galement offert une montre, un mod?le neutre
qu'il aurait pu porter quand il voulait. Elle lui passa au poignet, et
il constata qu'elle lui allait tr?s bien. Il y avait ?galement d'autres
cadeaux, de nouveaux jeux pour sa console. Elle ?tait vraiment tr?s
g?n?reuse.
Leur repas fut agr?able, et tranquille. Comme ? chaque fois qu'elle se
sentait bien, il sentait qu'il pouvait parler de tout et de rien, et
qu'elle semblait vraiment s'int?resser ? ce qu'il faisait ;elle daigna
m?me s'int?resser ? ses jeux vid?o et lui posa quelques questions
pertinentes sur ses derni?res lectures et films, et s?ries, qu'il avait
pu voir. Quant ? lui, il ne savait pas trop ce qu'il avait le droit de
lui demander ou pas, mais elle ne lui fit jamais sentir qu'il ?tait en
danger. Tout se passait comme si, ? partir du moment o? il ?tait habill?
comme sa fille (fille dont il ressemblait de plus en plus, au fur et ?
mesure qu'il avait son ?ge, sa taille et sa chevelure), il ?tait
immunis? contre sa col?re noire.
Apr?s le repas, elle le raccompagna jusqu'? sa porte, lui fit une bise
et le remercia de sa compagnie. C'?tait du jamais vu pour Hugo! Il prit
une veste ?paisse, et rentra directement chez lui.
*********
Apr?s No?l
Le lendemain de No?l, Hugo ?tait tr?s inquiet. Sa tante ne s'?tait pas
manifest?e ? midi, ni le soir. Elle avait laiss? un mot sur le frigo
pour lui dire de se faire ? manger. Selon ses calculs, il devait ?tre
?tranquille? avec sa tante jusqu'au 29 ou 30 d?cembre. Et on ?tait que
le 25! Elle n'agissait jamais comme ?a. Devait-il y retourner?
Ses nouvelles affaires ?taient mieux que les pr?c?dentes. Mieux, au
niveau du look. Il avait l'air d'un gar?on de son ?ge, un peu ?branch??.
En fait, il ?aurait? eu l'air d'un gar?on de son ?ge, branch?, s'il
avait pu en enfiler plus de la moiti?. Il ?tait catastroph?. Sans
compter que cette chemise un peu habill?e le grattait horriblement sur
sa poitrine, et qu'il n'aurait pu, tant qu'il avait ses gonflements, la
mettre sans soutien-gorge ou protection ; pas terrible pour avoir l'air
branch?.
Alors qu'il retournait d?poser ses affaires de No?l, le soir, il
constata que la porte de s?paration avait ?t? referm?e ? clef - ce qui
n'?tait pas arriv? depuis des mois -, et que sa tante ne dormait pas
dans le lit conjugal, mais dans sa chambre ?normale?. Ca non plus, ?a
n'?tait pas arriv? depuis des mois.
Le surlendemain, il ne vit toujours personne. Mais la lumi?re de la
maison se d?pla?ait de fen?tre en fen?tre, y compris dans les pi?ces
inoccup?es. Que faisait-elle? Qu'allait-il advenir de lui? Il esp?rait
qu'elle n'?tait pas en train de saccager le dressing, au moins. Il
profita de ces instants d'inactivit? pour essayer ses nouveaux jeux. Ils
?taient vraiment biens.
Vers 14h, enfin, Hugo entendit au loin la porte claquer. Il vit sa tante
se diriger vers sa maison. Il v?rifia que tout ?tait propre, poussa la
jupe en laine en vitesse sous son lit, et enfila l'un de ses nouveaux
pantalons en poussant comme il pouvait sur ses fesses.
Elle entra, le visage ind?chiffrable. Un ton sec.
?Hugo, suis moi s'il te plait, on prend la voiture?
?Oh mon dieu, elle va me tuer?, fut sa premi?re pens?e. Il prit ses
affaires, la t?te basse, la boule au ventre, et marcha derri?re elle,
lentement. Dans la voiture, un silence de mort se fit. Il n'osait pas
lui demander o? ils allaient pour ne pas d?clencher son courroux. Il
n'osait pas lui demander ce qui n'allait pas - il le savait trop bien.
Il avait jou? une fois de trop, sur le fil ; et il avait perdu. Il avait
voulu profiter d'un avantage - tu parles d'un avantage, une survie! Elle
allait lui faire payer.
En pleine campagne, soudain, elle s'arr?ta.
Elle lui dit ?attend moi deux secondes?, et disparut dans la for?t.
Il attendit, le souffle coup?. Il sentait ses tempes battre, il se
sentait pr?t ? vomir.
Elle r?apparut, avec...un paquet cadeau ? la main.
-Excuse moi, j'avais pos? le cadeau d'Emma l?, pour ne pas qu'elle le
trouve, tu m'aides ? le porter? C'est une planche de surf pour ses
enfants! Allez viens!
Elle ne se rendait pas compte. Il crut mourir et revivre deux fois
durant ces quelques secondes. Elle ne se rendait pas compte, elle
n'?tait pas f?ch?e! Mais alors pourquoi ?tait-il l??
Enfin, ils arriv?rent sur le parking d'un grand centre commercial. Elle
lui fit signe de le suivre, et ils march?rent le long des galeries
marchandes. Soudain, elle s'arr?ta devant un salon de coiffure.
?Voil?, toi, tu vas l?. Je te laisse, je vais chez Emma voir sa famille.
Je reviens dans deux heures, ? tout ? l'heure.?
Elle lui glissa deux billets dans sa main, et lui fit un signe rapide de
la t?te.
Son visage ?tait compl?tement neutre. Elle ne semblait ni f?ch?e, ni en
col?re, ni rien. Voil?. Leur relation ?tait termin?e.
Lorsqu'elle disparut au bout de la galerie, Hugo se sentit soudain vid?
et se mit ? pleurer ? gros sanglots. La tension extr?me qu'il venait de
subir, la fatigue, les coups, l'absence de sa m?re, son corps, sa
solitude. Il se sentait horriblement isol?, et apeur?. Sa tante ?tait sa
tortionnaire, et sa seule amie, il l'aimait et la ha?ssait. Il vivait
cramponn? au moindre de ses regards, ? la moindre attitude. Il ne savait
pas ce qu'elle voulait.
Il regarda le salon de coiffure face ? lui. S'il coupait ses cheveux,
tout ?a ?tait fini, Madeleine, les soir?es avec sa tante...et surtout,
bien plus terrible que ?a si elle redevenait furie encore? Il n'aurait
plus rien pour apaiser sa terrible col?re, cette fois-ci. Plus aucun
tour de passe-passe, plus rien!
Comment entrer l?-dedans, ainsi? Il avait l'air d'un gar?on d?guis? en
fille avec ses cheveux longs et son air fragile. Quoi, juste comme ?a,
entrer ?bonjour, je voudrais que vous me refassiez une t?te de gar?on,
je me suis laiss? aller ? me d?guiser en ma cousine morte depuis 6
mois??.
Il vit dans la vitrine de la coiffeuse une des jeunes coiffeuses qui le
regardait, ainsi qu'une autre dame. Il se sentit honteux. Elles le
regardaient, oui, c'?tait s?r. Qu'est-ce qu'il valait mieux? Qu'il y
aille en disant ?bonjour, je suis une jeune fille avec un air et des
v?tements d'homme, je voudrais que vous me fassiez une coupe pour avoir
l'air encore plus d'un homme??. Il aurait l'air ridicule, de toute
fa?on.
D?j? 15 minutes de pass?es, et toujours aucune d?cision.
Elles devaient se moquer de lui, oui. La plus jeune semblait vouloir
sortir lui dire quelque chose. Il se leva, prit son sac ? dos, et partit
en courant dans la grande galerie du centre commercial. Il courut,
courut. Ce centre ?tait vraiment immense.
Il vit soudain un banc vide, ? c?t? d'un gros arbre en plastique, en
face des caisses de supermarch?. Au moins, l?, personne ne le verrait.
Le bruissement assourdissant des caisses enregistreuses, des
conversations, des enfants qui criaient, des cadeaux qu'on ramenait ou
r?parait. Dans la vitrine du Zara en face, il se vit, pauvre petite
chose, abandonn?e.
Dans la vitrine, il y avait aussi une robe. Bleue, marine, ? pois
blancs. Hugo -sans pouvoir s'en emp?cher- se dit soudain que Madeleine
n'avait en fait aucune robe ? pois. Ca ne devait pas ?tre la mode,
encore, ? l'?poque. Ceci dit, elle ?tait plut?t jolie, et en
d?stockage...il regarda dans sa main. Sa tante lui avait donn? deux
billets de 50 euros. Largement de quoi payer le coiffeur. Avoir l'air
d'une fille hommasse qui se faisait couper les cheveux avait au moins
l'avantage que ?a n'?tait pas lui qui ?tait en cause. Lui, Hugo. Ou le
contraire? Que faire...
Hugo resta un long moment ? regarder le troupeau continu de familles
d?filer devant lui. Est-ce que Madeleine et Sophie venaient ici, aussi?
Acheter quoi? D'elles, il ne connaissait rien ? part les v?tements et
quelques mots et photos ici ou l?...tout en ?tant pr?sentes partout,
elles n'?taient nulle part!
Il se leva, et se d?cida soudain. Il entra d'un pas ferme dans le Zara,
emprunta discr?tement la robe ? pois, vit sur un miroir du magasin
qu'elle lui irait, prit une paire de collants et une paire de ballerines
pour aller avec, paya et sortit, le tout en moins de 5 minutes. Ouf!
Personne ne l'avait vu, ou remarqu?. Il se pr?cipita dans les toilettes,
h?sita un instant entre hommes et femmes, s'engouffra chez les femmes et
s'enferma ? double tour.
Il enfila pr?cautionneusement les collants en nylon. Il n'avait jamais
essay? d'en porter, craignant de les abimer, et pr?f?rant ceux en
laine, bien chaud, pour l'hiver. Le contact ?tait vraiment tr?s doux,
agr?able. La robe lui allait comme un gant, et mettait en valeur son
corps. Elle serrait un peu ses fesses, mais semblaient pr?vues pour ?a.
Il avait mal ? sa poitrine, pourtant, ?a ne faisait que quelques heures
qu'il avait laiss? son soutien-gorge. Il esp?rait qu'il tiendrait
jusqu'au soir. Sa poitrine ?tait encore couverte de bleu, et gonfl?e. En
tout cas, la robe le couvrait et...aucun risque avec d'?tre pris pour un
gar?on tordu, au moins! Il sourit enfin. En sortant, il resta quelques
secondes sur le seuil, et une dame derri?re lui il lan?a un ?excusez
-moi, mademoiselle?.Si cette dame le pensait, pourquoi pas les
coiffeurs?
Il lui restait une heure et demie. Sur le chemin du retour, il s'arr?ta
dans une boutique Sephora, et se maquilla sur le stand de test, fond de
teint, mascara et eye-liner. Il ?tait rod? ? ce genre d'exercice, et
refusa ? plusieurs reprises l'aide d'une vendeuse qui devait esp?rer
pouvoir enchainer son test par une vente.
Devant la vitrine du salon de coiffure, il prit une grande respiration,
et franchit le seuil d'un air assur?.
- Bonjour! Lan?a-il d'un air d?contract?.
La coiffeuse le regarda un instant -il se sentit passer du blanc au
rouge, puis de nouveau au blanc. Heureusement, le fond de teint devait
masquer tout ?a -.
- Ah, mais c'est vous tout ? l'heure qui aviez des mis?res? Vous avez
l'air bien mieux comme ?a, vous avez bien fait de vous changer et vous
refaire une beaut?!
- Euh...ah, euh, oui, c'est moi. Oui.
- Ma jeune apprentie ?tait pr?te ? sortir dehors pour vous consoler.
Vous aviez l'air si perdue! Ca va mieux maintenant?
- Oui, oui, ?a va mieux.
- Euh...Aur?lia? Aur?lia?
Elle appela sa jeune apprentie qui se trouvait ? l'autre bout du
magasin.
- D?sol?e, je ne vais pas pouvoir m'occuper de vous directement, ma
toute nouvelle apprentie m'a fait promettre lorsque vous ?tiez juste
devant le salon que, si vous entriez, je devais la laisser s'occuper de
vous! J'esp?re que vous ?tes courageuse!
- Courageuse?
- Oui, c'est son premier mois! Non, mais je plaisante, elle est tr?s
bien, ne t'inqui?te pas. Installe-toi l?.
En 20 secondes, la patronne l'avait d?j? tutoy?e. Il faut dire qu'il
n'avait pas l'air bien vieux -ou vieille.
Hugo s'assit l? o? on lui dit, et attendit qu'une tr?s jeune femme,
typ?e arabe, mince et ?lanc?e, arrive. Elle ?tait vraiment tr?s belle.
Sa peau sombre et ses yeux noirs velout?s contrastaient avec le jaune
cru de sa jupe. Elle portait de longues boucles d'oreilles, et ses mains
?taient fines et parfaitement manucur?es. Hugo se sentit imm?diatement
en sympathie avec elle.
- Bien! Assied toi l?. Alors, qu'est-ce que tu voudrais?
- Euh...je ne sais pas trop.
Son l?ger accent ?tait vraiment charmant. Il fallait le dire,
maintenant. ?Allez, un peu de courage?, se dit Hugo. Avant qu'il ait eu
le temps d'ajouter quoique ce soit, elle reprit la parole.
- Bon, je reviens, je vais chercher un livre, et tu choisiras ce qui te
plait le plus, d'accord?
- Euh...d'accord?
Elle revint avec 2 livres sous les bras. Ils contenaient de nombreuses
images de diff?rents types de coiffure, images que, pour la plupart,
Hugo avait d?j? vues dans les diff?rents livres de Madeleine ou Sophie.
Il savait qu'il ne trouverait rien qui correspondait ? ce qu'il devait
dire. C'?tait tellement difficile! Elle le confortait tellement dans son
r?le de jeune fille un peu perdue!
- Bon, alors, l?, tu vois, on peut te faire un lissage, ou alors changer
ta couleur? Qu'est-ce que tu en penses? Au fait, comment tu t'appelles?
Hugo tenait le livre devant ses yeux, et tournait les pages
distraitement, avant que cette question n'atteigne son oreille. Il se
sentit pris de panique, ?touff?.
- Hein, quoi, tu disais?
- Je disais : tu t'appelles comment?
Il h?sita un instant, puis dit la premi?re chose qui lui vint par la
t?te.
- Julie!
- Tr?s bien Julie. Je vais te dire. Si tu veux, tu me laisses faire, et
j'essaye de faire quelque chose. Si ?a te convient, comme ?a, c'est
r?gl?. Oui?
La patronne, qui gardait une oreille, l'interpella :
- Tu vas voir, ma petite, Aur?lia, elle fait ?a ? chaque fois, et chaque
fois, les clientes sont contentes!
Comment dire non? Hugo tremblait des jambes mais il fit un effort, et
fit un ?oui? de la t?te.
Aur?lia ?tait tr?s bavarde. Elle ?tait d'origine italienne - d'o? son
pr?nom-, mais sa famille venait du Liban, d'o? son air et son accent.
Elle ?tait ?galement tr?s amicale avec lui. Hugo se sentit valoris?,
m?me si c'?tait pour de mauvaises raisons. Il se sentait en paix, il
avait envie d'?tre ami avec cette fille. Elle pensait qu'Hugo avait eu
des peines de c?ur et que c'?tait la raison de sa tristesse avant de
venir. Hugo se dit que s'il l'avait connue dans d'autres conditions, il
aurait bien aim? avoir une peine de c?ur avec elle. Pendant qu'ils
bavardaient, il sentait les coups de ciseaux derri?re sa t?te. Mais il
ne voyait pas tomber beaucoup de cheveux. Au bout d'une 30aine de minute
environ, elle lui s?cha les cheveux, et lui pr?senta sa nouvelle t?te.
Comme il l'avait imagin?, Hugo vit bien que sa coiffure ?tait
magnifique. Sa chevelure semblait avoir gagn? en volume, tout en ?tait
plus assagie. Ils ressemblaient ? un rideau ?pais plein de nuances, et
non plus un champ apr?s le passage d'un sanglier. C'?tait un progr?s.
C'?tait tr?s beau ? regarder.
Il sortit en laissant un pourboire ? Aur?lia. En sortant, elle le
rejoignit dehors, et lui dit, qu'?tant encore tr?s jeune - seulement 16
ans - et habitant en France depuis peu (bien que parlant parfaitement
Fran?ais, remarqua Hugo), elle n'avait pas beaucoup de copine...et
qu'elle aimerait bien la connaitre mieux. Elle lui donna son num?ro de
t?l?phone portable, au cas o? un jour, elle revienne dans le coin,
qu'elle lui fasse signe pour qu'elles prennent une boisson, ou un
biscuit. Hugo ?tait vraiment tr?s touch? par cette attention, et il lui
fit un c?lin avant de partir.
Il ?tait vraiment tr?s content de sa nouvelle chevelure. A y r?fl?chir,
?a n'?tait vraiment pas plus court ? pr?sent mais tout avait l'air
tellement mieux qu'il ne put s'emp?cher de se contempler.
Malheureusement, son sort ?tait scell?, ? pr?sent. Sa tante allait
arriver dans...20 minutes? Il se pr?cipita dans le Sephora et utilisant
tout son argent restant pour refaire le plein en divers maquillage.
C'est fou ce qu'il avait pu consommer en 4 mois. Il ne savait pas s'il
pourrait revenir un jour refaire le plein. Il ne savait m?me pas s'il
reviendrait un jour tout court.
Encore 10 minutes. Hugo s'assit sur un banc, tendu, tremblant. Comment
allait r?agir sa tante? Il avait tout fait ? l'envers. Il se rendit ?
nouveau aux toilettes, et se changea ? nouveau. Il mit ses nouvelles
affaires dans son sac ? dos, avec son maquillage, qu'il esp?rait bien
ramener chez lui, puis, dans le dressing de Madeleine. Elle serait bien,
cette petite robe ? pois, parmi les autres...
Encore 5 minutes. Hugo se sentait tr?s p?le. Il ?tait retourn? 4 fois
aux toilettes, dont une durant laquelle un homme l'a regard?
?trangement, si bien qu'il est all? dans les toilettes ferm?s pour ne
pas qu'il ne soit encore plus troubl? ou ne l'interpelle. Il murmura un
?excusez-moi? en baissant la t?te, en sortant ; l'homme s'y trouvant
toujours. Ce n'?tait gu?re ?tonnant, vu sa coiffure et le fait qu'il ne
s'?tait pas encore d?maquill? ? ce moment-l?.
5 minutes de retard. Hugo ne savait plus sur quel pied danser. Il se
voyait, dans le miroir, jeune adolescent au style et ? la forme
improbable. Soudain, il la vit, au loin. Elle le cherchait des yeux,
jusqu'? le trouver. Elle marcha jusqu'? lui. Impossible, l? encore, de
distinguer quoique ce soit dans son regard. C'?tait un Sphinx.
Elle lui demanda un simple :
- C'est bon, on peut y aller.- qui sonnait ? la fois comme une question
et un ordre.
Il la suivit, simplement.
Dans la voiture du retour, les champs se succ?daient, en silence, l?
encore. Sa tante souhaitait donc prolonger le supplice, ? moins qu'elle
n'ait tout simplement rien ? dire. La voiture sentait bon le shampoing
frais. Hugo se sentait de plus en plus petit. Soudain, la voiture
ralentit, et le moment qu'il craignait tant arriva enfin.
- Hugo, il faut qu'on parle.
- Oui, Fran?oise.
- HUGO! REGARDE-MOI QUAND JE TE PARLE!
- Pardon, oui.
- Pourquoi tu as fait ?a? Pourquoi? Dis-moi!
- Mais euh...quoi
- NE TE MOQUE PAS DE MOI EN PLUS!
Elle le gifla. Fort. Il ne s'y ?tait pas pr?par? et sentit le go?t du
sang dans sa bouche.
- Je....j'avais peur. Peur...
- Peur? Peur de...peur de moi?
Sa voix baissa soudainement d'un ton. Il la regarda, mis?rablement, la
joue encore rouge.
- Oui.
Sa petite voix d'habitude aig?e devint minuscule et fl?t?e.
- Oh...
Il y eut un silence de mort, soudain. Puis Hugo vit une larme couler le
long de sa joue. Il tendit timidement sa main, et sentit la peau
rugueuse de la joue de sa tante sous sa main. Il caressa la joue, fit
glisser la larme sur son doigt, tandis que sa tante le regardait d'un
air myst?rieux de ses yeux jaunes. Puis, une autre coula, et une cascade
de larme descendit lentement sur ses joues ravag?es par le chagrin des
ann?es perdues.
- Par...don....ne moi.... Je croyais que, que tu faisais tout ?a, pour
me faire souffrir, pour...pour me la rappeler...pour me faire du mal?
Pardonne-moi....
Ses larmes ne semblaient jamais s'arr?ter. Hugo ne l'avait jamais vue
comme ?a. Elle continua.
- Elle...elles..elles me manquent tellement tu sais. Tu lui ressembles
tant, tu as les m?mes petits gestes, la fa?on de marcher, tu es...elle
?tait...si gracieuse...quand...quand tu es l?, je suis si heureuse, et
puis, apr?s, tu...je pensais...que tu voulais...me faire souffrir, tu
vois?
Il ne savait pas quoi dire.
- Je...je...c'?tait les seuls moments o? tu ?tais gentille avec moi. Je
pensais que ?a te faisait plaisir?
Hugo vit la dame, sa terreur, secou?e de spasmes, pleurant ? grosses
larmes et lui caressant doucement les cheveux. Il se sentait tellement
d?sol? pour elle. Elle dit ?Pardonne-moi? ? plusieurs reprises avant de
retrouver sa contenance.
- Mais pourquoi continuer? Qu'est ce qui t'a donn? cette id?e?
- Je...c'?tait par hasard. Quand j'ai vu que...que...que tu arr?tais de
me frapper, je voulais continuer.
Enhardi par son regard, il termina.
- Tu me fais du mal, j'ai toujours peur, je ne savais plus quoi faire.
Il lut sur son regard une immense honte. Elle semblait sur le point de
pleurer ? nouveau.
- Je te jure que je ne te toucherai plus jamais...je pensais que tu
faisais ?a pour me briser, un jour venir sous la forme de ma fille
ador?e pour me donner un peu d'espoir et de bonheur, puis ensuite,
retrouver ta m?chante t?te de...pardonne-moi Hugo. Je te promets, tout
?a va changer. Tu me crois hein?
- Oui...mais tu sais, je suis la m?me personne. C'est juste un
d?guisement.
- Juste un d?guisement...oui....
- Tu sais, je t'aime aussi, Fran?oise, tu t'es bien occup?e de moi, je
suis meilleur aujourd'hui que quand tu m'as accueilli.
Elle se mit ? pleurer ? nouveau. Elle le serra, fortement, contre elle.
Son petit Hugo. Son petit gamin, son sale gamin. Oui, elle aussi, elle
l'aimait.
*********
Jusqu'au Nouvel An
En rentrant, Hugo revint pour la derni?re fois au dressing. Il d?posa
solennellement la robe ? pois parmi les autres de sa cousine. Il murmura
pour lui, m?me, et pour elle : ?Merci, Madeleine?. Gr?ce ? elle, gr?ce ?
son souvenir, il avait pu sauver sa vie, changer, et se lib?rer de toute
cette col?re. A pr?sent, tout ceci n'?tait plus n?cessaire. Enfin, il
avait rompu le cycle infernal. Enfin, il pouvait envisager sereinement
la fin de son s?jour ici. ?a avait ?t? tr?s agr?able, mais...mais
c'?tait trop pour lui. Trop troublant. Trop personnel. Tr?s plaisant, en
tout cas.
Sa tante et lui avaient, finalement, enfin, trouv? un terrain d'entente,
d'amiti?. Comment avait-elle pu mettre si longtemps ? comprendre qu'il
ne la ha?ssait pas. Ou, peut-?tre qu'il la ha?ssait, et qu'il venait
finalement de comprendre qu'elle ?tait un humain, comme un autre, et pas
une personne mal?fique qui ne songeait qu'? la frapper? Ceci dit, le
frapper, elle n'avait fait que ?a depuis qu'il ?tait arriv?...preuve en
?tait de son corps couvert de bleus.
Hugo avait calcul? qu'il faudrait bien un mois avant que tout
disparaisse. Peut-?tre plus. Quand sa m?re reviendrait, il serait tout
neuf, et perdrait ses horribles ?grosseurs? sur la poitrine. Il avait
lu sur Internet que le stress faisait grossir. C'?tait surement
l'origine de son ?largissement depuis quelques mois, sur les cuisses et
les jambes. Tel qu'il ?tait, aujourd'hui, il aurait eu honte de se
montrer nu devant quelqu'un. Ceci dit, il avait lu aussi que la plupart
des adolescents ?taient dans son cas...finalement, il ?tait presque
normal. Presque.
Pour la premi?re fois, depuis longtemps, Hugo ?tait heureux. Il
regrettait presque l'absence depuis quelques temps de Julia.
Le lendemain, il se leva comme tous les jours pour chercher de l'eau ?
la rivi?re. Elle ?tait glac?e, et la brume ?tait si ?paisse qu'il
distinguait ? peine la forme fantomatique de l'usine. D'ailleurs, que
produisaient-ils l?-bas? Il faudrait qu'il demande ? Christiane, la m?re
des trois filles, qui y travaillait. Il ne le voyait pas souvent, car
elle travaillait le soir en 3/8. Il se pr?para son caf? bien chaud, bu
un peu, se lava, avant d'aller ? la maison. Il avait mis une double
couche de v?tements, tellement, m?me dans la maison, il faisait froid.
Sa tante lui dit que c'?tait vacances, et qu'elle ne lui ferait pas
cours. Il fut inquiet un instant, craignant une rechute, mais, en voyant
son regard, elle lui dit qu'elle comptait plut?t profiter de ?a pour
aller se promener ? cheval. Elle proposa de le d?poser en ville, mais
Hugo ne voulait pas, pr?f?rant rester chez lui pour continuer ses
nouveaux jeux sur la console.
Le soir, le lendemain, et m?me le surlendemain, sa tante fut d'humeur
?gale. Elle paraissait joyeuse. Elle lui offrit des chocolats. Emma
?tait rentr?e et elle passa de nombreux moments avec la famille. Elle ne
fit aucun commentaire sur la nouvelle coupe de Hugo, se dont il lui sut
gr?. D'ailleurs, comme ses cheveux ?taient tr?s souvent attach?s, elle
n'eut probablement m?me pas l'occasion de le remarquer. Elle le
questionna sur leur soudaine et inattendue r?conciliation, et lui confia
qu'elle avait parfois song? ? appeler la police ? cause des
maltraitances de sa tante. Il lui dit que, m?me s'il aurait aim? qu'elle
le fasse, il ?tait finalement content qu'elle ne l'ait pas fait, puisque
tout se terminait bien.
Le 29, au soir, Fran?oise fut relativement silencieuse. Hugo compta le
nombre de jours. Selon le calendrier de l?Enfer (comme il l?avait
renomm?, dans sa chambre, marqu? de croix pour les jours o? il devait
venir voir sa tante), c??tait le jour J. Ou le lendemain. Il surveillait
donc attentivement sa tante, et craignait ses paroles. Et si tout ceci
n?avait finalement servi ? rien?
Vers la fin du repas, au moment de partir, elle le raccompagna ? la
porte, puis, finalement, l?cha :
- Hugo...
Voil?. C??tait le moment qu?il craignait. Que Dieu ? ou une autre
divinit? ? le prot?ge!
- Oui, Fran?oise?
- Tu sais...euh...enfin...c?est pas parce que...
Elle ?tait h?sitante. Voil? qui ?tait nouveau!
- Oui, dis-moi.
Il s?approcha d?elle et fut pris d?un instinct affectueux. Elle avait
l?air d?avoir besoin de soutien. Il l?enserra dans ses bras et posa sa
t?te contre son ?paule. Elle lui caressa lentement les cheveux.
- Hugo...c?est pas parce que nous sommes r?concili?s que...que...enfin,
que tu...enfin, tu sais, ce que tu faisais l?, ?a me d?rangeait pas hein
; c?est juste que je pensais que...enfin, je pensais que tu faisais ?a
pour me faire du mal, mais si c?est pas le cas, moi, ?a me fait plaisir,
?a me fait du bien.
- Hein? De quoi?
Hugo recula sa t?te. De quoi parlait-elle?
- H? bien, tu sais quoi...enfin, t?habiller, tout ?a, venir me voir dans
la chambre. J?ai pass? de bons moments.
- Tu veux dire, prendre les affaires de Madeleine?
- Oui.
Pour une fois, ce fut elle qui avait la plus petite et la plus aig?e
voix des deux. Ils rest?rent un long moment en silence l?un contre
l?autre. Finalement, Hugo prit la parole.
- Ce soir, par exemple?
- Oui...oui. Oui, ce soir, ?a serait bien. C??tait l?anniversaire de
Sophie ce soir. Elle...elle aurait eu 23 ans.
- Oh, c?est vrai? Je ne savais pas.
Il attendit un instant.
- Bon, ben, je monte, alors.
- Attend...je...je viens avec toi. Ca ne te d?range pas?
- Non non...
- Non, mais je ne parle pas de ?a. Tu es s?r que tu veux faire ?a?
C?est, je reconnais que c?est un peu ?trange, tout ?a, enfin, tu es un
gar?on ; je comprendrais que tu refuses. Je ne veux pas que tu fasses ?a
pour ne pas que je te fasse du mal! Je te promets de ne plus jamais te
faire du mal hein, je te...
Il la coupa en lui prenant le bras.
- Fran?oise. Ca va. J?ai bien aim? le faire, tu sais aussi.
Elle parut soulag?e.
En marchant vers le dressing, Fran?oise le questionna sur la fa?on dont
il faisait pour s?y rendre en cachette. Il ne lui divulg